lundi 17 mars 2008

Chapitre 49

49

01/03/3024 Datation légale de Valence.

16h/ 25.3h : horaire de la flotte des rois du monde


Je regardais de droite à gauche comme si Marel pouvait se cacher dans la salle vide. Le vaisseau principal de la flotte des rois du monde était l'opposé de notre potentiellement innocente. Dans le potentiellement innocente, nous avions une salle commune servant a tout : conférences, loisirs, infirmerie... Ici, non seulement à chaque activité correspondait un lieu mais en plus il y avait de l'espace libre n'ayant aucune attribution si ce n'est profiter de la vue extérieures. Contrairement à mes informations pourtant transmises par le vaisseau, Martel n'était pas là. A mon grand regret, j'en étais soulagé mais ça ne faisait que retarder le problème Maelie par contre regardait la vue assise à même le sol. « Salut Maelie » dis-je enfin me rendant compte qu'elle devait commencer à se demander ce que je faisais la.

- Tu cherches quelques chose peut être ?

- Je cherche Martel.

- Et qu'est ce qui te fait croire qu'il aurait envie de te voir ? » rien de tel que de se faire agresser dès le matin pour se mettre en forme

« Pourquoi ne voudrait-il pas ?

- Parce que depuis qu'on a embarqué sur ce vaisseau tu l'évites. » Au moins elle était directe mais il y avait des choses qu'une petite fille ne pouvait pas comprendre et par là, je préférai ne pas lui expliquer pourquoi j'avais si soigneusement pris soin de ne jamais me trouver dans la même pièce que Martel alors que j'avais tout fait pour le retrouver. Je donnai donc une explication condensée de mon comportement :

« Je ne l’évite pas. Il est où ?

- Parti »

Ca je le voyais bien « Où ?

- Sur la Belle d'Eté je crois »

Glups, voilà exactement la raison pour laquelle je l'évitais. « Tu veux dire qu'il se balade sur des planètes avant de revenir innocemment sur notre coquille de noix dérivant à 3 mois lumières de là ? »

Elle me jeta un regard noir. Mais qu'est ce que j'avais dit encore ?

« Mais qu'est ce qui fait là bas ? » J'en avais soupé de ses plans. J'avais de quoi me méfier, il nous avait tout de même simulé sa mort pour s'enfuir avec Saline pour ensuite la trahir, infiltrer un réseau indépendantiste pour les trahir eux aussi afin de s'introduire dans le cercle des héritiers de Valence dans le but de le détruire eux aussi. Alors après ça, on se demande toujours un peu si nous ne sommes pas les prochains. Surtout que nous sommes sur un vaisseau indépendantiste et que son but ultime semble être de détruire tout ce qui ressemble à Valence ou à un indépendantiste à lui tout seul. En y repensant, il avait toujours eu la folie des grandeurs.

« Il est parti se recueillir sur la tombe de sa soeur. »

Si c'est pas mignon, il va pleurer un assassin spécialisé en génocide. Et puis tellement inattendu qu'il y a 90 chances sur 100 que Malhari et ses sbires lui tendent une embuscade là bas. Niveau statistique c'est approximatif, je suis pas un vaisseau moi. Mais toujours approximativement, je dirais que les 10% de chances restant ce serait au cas où Malhari ait retrouvé nos traces et soit déjà occupé à nous tendre une embuscade pendant que Martel est absent.

J'expliquai cet état de fait à Maelie qui encore une fois me répondit avec une hargne qu'elle devrait réprimée vis à vis de ses aînés. Elle était bien trop gâtée par Malha, elle attrapait la grosse tête.

« En gros tu as tellement peur de Martel que tu n'oses même pas l'approcher pour lui dire bonjour mais tu penses qu'il devrait quand même rester à proximité pour protéger la flotte. Pardon, elle se reprit pour protéger ta petite personne. »

Exactement, elle avait tout compris mais à voix haute un petit reste de lâcheté ancienne reprit le dessus et je dis : « Tu n'y comprends rien. »

Elle attendait la suite, sans doute voulait-elle des explications que je ne pouvais lui donner : tu comprendras quand tu seras plus grande.

Elle ouvrit la bouche et je sentis que j'allais en prendre plein la tête mais au même moment il y eut comme un souffle d'air, une sorte d'hologramme flou puis Martel apparut entre nous, un ample manteau brun accroché au niveau d'une plaque métallique sur l'épaule. Il me regarda tel un prince regarde un serviteur, s'éloigna et passa un bras autour de la taille de Maelie.

Hé! qu'il s'éloigne un peu d'elle en plus il n'était vêtu que d'une projection holographique autant dire qu'il était à poil à se coller contre une petite jeune fille bien trop jeune pour approcher un garçon.

Il y a quelque mois je ne me serais pas gêné pour lui faire la morale ensuite je l'aurais attrapé par l'oreille et lui aurait assené dans le crâne la façon de se tenir entre membres d'un même équipage.

Au lieu de ça, je bafouillai un bonjour raté et il me répondit par un bonjour glacial.

Ce n'était pas les retrouvailles que j'avais rêvées où nous étions reçus comme ses sauveurs et qu'il se jetait dans nos bras en pleurant de joie mais faudrait s'en contenter.

« Mérino te cherchait » dit Maelie. Son intervention parut détendre légèrement l'atmosphère. Je lui en fus reconnaissant je l'imaginais plutôt envenimant les choses. Elle fit mieux que ça même, elle s'éloigna de Martel attendit que la porte glisse sur le coté et nous laissa seul.

Bon, il n'y avait plus qu'à trouver quelque chose à dire. Pleins de choses me passèrent en tête mais rien de pertinent en vrac j’ai pensé à dire : salut ça va ? Il fait beau sur la belle d'été ? Alors, bonne balade ?

Je restai sur le ton humoristique et lançai : « Tu crois que l'ordonnance Malhari nous en veut toujours de notre petite incartade sur la belle d'été ? »

Je craignais que ce ne soit pas la chose à dire, en effet Martel n'hésita pas une seconde. « Si vous n'étiez pas intervenu, j'aurais pu les avoir tous les trois ». On n'en avait bien mis trois hors circuit : Matiz, Saline et Mélanie mais je ne pense pas qu'il comptait Mélanie dans l'histoire.

Il sourit cependant. « Mais ce n'est que partie remise.

- Raisonnance pense qu'il faut mieux laisser Malhari profiter de son titre d'empereur ». En fait il avait été couronné empereur mais gardait le titre d'ordonnance. J'ignore pourquoi. De tout façon j’avais dit ça juste pour meubler le silence.

« Et tu fais confiance à une machine ? » répliqua Martel du tac au tac

Non, je faisais confiance en toi et maintenant à plus personne mais je me contentais de demander « et toi ?

- Jamais » dit-il de suite. « Ce vaisseau tente de nous utiliser comme des pions dans son jeu. Malha a beau prendre des airs de chefs, c'est Raisonnance qui commande. Cette machine l'a obligé à prendre Saline à bord et passe des heures à discuter avec elle ».

J'intervins, « Je croyais que Saline ne pouvait plus faire de mal sans implant.

- Saline reste une princesse de Valence assoiffée de pouvoir avec le potentiel et la perfidie qui va avec. Si je n'étais pas invité de Malha, je la tuerais ».

C'est pas faux. J'avais encore froid dans le dos et comme je le faisais dix fois par jours je me demandai combien de temps on serait encore obligé de rester ici. On avait beau être traité comme des invités de marque, je ne me sentais pas moins prisonnier. Et encore, on n’avait pas encore eu l'occasion d'assister à des pillages.

Je posais la question à Martel. Je savais qu'il n'en saurait pas plus que moi mais c'était histoire d'entretenir la conversation.

« Nous sommes coincés » dit-il « et à mon avis pour un bon moment. Si nous ne récupérons jamais le potentiellement innocente, de toute façon il doit être sur tous les fichiers de chaque astroport. On ne pourra se poser nul part sans que Valence le sache.

- Et comment fait la flotte de Malha alors ?

- Malha est bien mieux organisé. Valence ne plutôt rien de lui si ce n'est le pseudo de flotte des Rois du monde. Ils ignorent l'identité réelle des vaisseaux ainsi que celle de Malha. Il a bien grillé l'identité d'un ou deux vaisseau en piratant le bouclier de la belle d'été mais il en a suffisamment d'autres totalement innocents pour s'occuper des ravitaillements ».

Oui, et nous, comme des bleus, on n’avait rien anticipé. J'ignorai même ce qu'il était advenu du potentiellement innocente et de Muro. On n'avait pas osé prendre contact avec eux.

« On devrait être content, après tout si Malha n'était pas venu à notre secours, on serait mort.

- Pas Malha, Raisonnance.

- Oui enfin comme quoi cette machine doit avoir un bon fond.

- Cette machine n'en a rien à foutre de toi, si elle a fait tous ça, c'est pour récupérer Maelie. Paraît que Malha la voulait et il l'a.

- Et toi en prime.

- Moi ? Martel se mit à rire, fit quelques signes dans l'air et un brouillard doré apparut, stagna un moment puis disparut laissant de fines particules dorée. Ma première impulsion fut de foutre le camp mais Martel me retint en disant. « Arrête d'avoir peur de moi, c'est agaçant. Je m'étonne que cette machine n'ait pas encore trouvé le moyen de me jeter dehors.

- Pourquoi ?

- Pour ce que je viens de faire entre autre.

- Et t'as fais quoi ?

- J'ai placé des interférences, l'IA ne peut plus nous entendre et cette machine se complait à écouter chaque conversation de chaque personne dans tous les vaisseaux de la flotte.

Si je suis toujours là, c'est grâce à Nanti qui a toujours réussi à convaincre Malha de mon utilité mais plusieurs fois il a tenté de me mettre dehors sans doute sous les ordres de Raisonnance. Cette machine a peur que je lui fasse de l'ombre.

- Oui ben je serais pas contre qu'elle nous trouve un vaisseau discret et qu'on se tire d'ici.

- Raisonnance ne le fera pas car si elle trouve un moyen pour nous de partir, Maelie partira avec nous. »

Hum hum je me frottai le menton et mon cerveau repartit dans ses réflexions stériles mais pour une fois elles eurent un résultat. « Maelie a un vaisseau » songeai-je soudain.

- Quoi ? » dit Martel.

- Oui, Mélanie lui en a fourni un pour entrer sur la belle d'été. D'ailleurs en y repensant elle l'avait mis au nom de Maelie Malha comme quoi l'identité du chef des Rois du monde était connue de Valence.

- Mélanie connaissait beaucoup de choses qu'ignoraient Valence » dit Martel les yeux tournés vers le vide.

C'était pas le moment de montrer mon scepticisme.

« Alors si vraiment elle a joué notre jeu, il doit se trouver un vaisseau au nom de Maelie sur un astroport de la Belle d'été, le genre que tu pourrais ramener avec une simple procuration. C'était si simple que ça paraissait impensable que Nanti n'y ait pas pensé. Je me mordis la langue. Connaissant Nanti il avait du y penser et trouver le plan trop risqué. Tout reposait sur le postulat que Mélanie était de notre coté et que Valence ne connaissait pas l'existence de ce vaisseau. Postulat très douteux mais c'était impossible à dire à Martel.

Il avait les yeux brillants de quelqu'un mettant un plan en place et j'avais presque oublié qu'il était un spécialiste pour les plans tordus. Au fond, avais-je réellement envie de me retrouver dans un petit vaisseau avec lui à bord ?

« J'ai à faire » dit-il et il disparut. Un instant il était là, à la seconde suivante la pièce était vide.

J'avais pas fini d'en baver moi

Chapitre 48

48

06/02/3024 Datation légale de Valence.

12h/ 25.3h : horaire de la flotte des rois du monde


« Comment va-t-il ? (voix forte et grave)

- Dans quelques jours il sera sur pied (voix métallique)

- Ca nous fait trois morts et 15 blessés. Je n'aime pas dire ça mais le résultat vaut le coup. Matiz mort, Mélanie morte, trois vaisseaux de Valence détruits et une escapade planétaire. On aurait même pu avoir Malhari. Le vaisseau de combat était sous ton contrôle pourquoi l'avoir laissé s'échapper ? (voix grave : Malha)

- Malhari est le dernier représentant de Valence, sans lui la corporation se serait effondrée. (voix métallique : Raisonnance)

- Justement, c'est le but.(voix en colère )

- Vous les humains, vous ne voyez jamais plus loin que le bout de votre nez. Pourquoi laissez Valence s'effondrer quand nous ne sommes pas encore prêt à en tirer parti ? (voix neutre)

- Parce qu'ils ont tué ma femme et mon fils. (voix en colère = Malha)

- Argument non valable. (voix neutre = Raisonnance)

- La vengeance est au contraire l'argument le plus valable

Léger sifflement (une porte qui s'ouvre et se referme)

Houlà, quelqu'un frappait sur mon crâne. Fallait que je me réveille mais je n'arrivai pas à ouvrir un oeil 06/02/3024 12h24 dit mon implant. J'avais dormi 2 jours entier.

« Bonjour Mérino »

J'ouvris un oeil et regardai autour de moi. Il y avait une pièce floue qui tanguait. Je clignais plusieurs fois des yeux et elle apparut avec plus de netteté. Blanche, des instruments médicaux. Je dirais une infirmerie. Pas une table avec quelques appareils qu'on glissait dans un coin de la salle commune, non une vraie infirmerie. Et au sujet de la voix : personne.

La tête me tournait encore. Une voix métallique pensai-je Raisonnance.

« Raisonnance ?

- Oui

- Saloperie de machine qui a tenté de nous tuer.

- Je n'ai fait que vous montrer la route à suivre. Je suis programmé pour préserver les humains ».

C'est ça, j'y crois à mort ». De toute façon je ne crois plus en rien. Mélanie nous avait trahi. Ce n'était pas une surprise mais ça m'a fait un coup. Et Martel aussi.

Je me déplaçai en position assise et attendis que la tête cesse de me tourner ainsi. Non Martel ne nous avait pas trahi.

La porte glissa à nouveau. Sans même me retourner, je savais que c'était Martel.

« Martel » dis-je

Mais je me retrouvai face à un petit bout de femme entouré de bandage.

« Saline ?! »

Elle continua son chemin, passa devant moi et tomba dans une sorte d'admiration de l'espace à travers la verrière.

J'attrapai subrepticement un couteau chirurgical sur la table à coté de moi.

« Vous allez me tuer ? » me demanda-t-elle sans se retourner

« Peut-être » lui avouai-je très simplement.

« Malha me fait confiance.

- Et moi je n’ai pas confiance en Malha.

- Le vaisseau intelligent aussi me fait confiance. »

Alors là, pour me convaincre c'était raté. Pourquoi Malha s'était-il encombré de ça ?

Elle se retourna vers moi et je vis ses yeux embués de larmes. « Je me suis opposé à ma propre famille, j'ai tout perdu et ça ne suffit toujours pas alors que vous faites confiance en un garçon qui a dupé tout le monde ».

Une sorcière dépourvue d'implant, je n'allais pas me gêner pour lui dire le fond de ma pensée : « Prends moi pour un con, toutes tes traîtrises n'avaient qu'un but : t'emparer du pouvoir. »

Jamais je n'avais vu des larmes sécher aussi vite et ses yeux malheureux se transformèrent en deux couteaux lasers. « Si Martel n'a pas eu les couilles de me suivre peut-être Raisonnance sera-t-il suffisamment intelligent pour comprendre que c'est moi qui doit régner sur le système. » Fière comme si elle était encore une princesse, elle passa devant moi, ordonna à la porte de s'ouvrir comme elle se serait adressée à une foule de manants et sortit sans un mot de plus. Elle avait dû croiser Echo car la porte n'avait pas eu le temps de se refermer qu'elle laissait place à notre pilote.

« Enfin décidé à arrêter de te la couler douce ?

- Il y avait la princesse Saline dans ma chambre » dis-je

« Oui, Malha l'a récupérée et soignée sur ordre de Raisonnance. A mon avis, c'est une mauvaise idée et en plus il la laisse se balader partout et quand on lui fait une remarque sur le sujet, il dit que ceux qui se battent contre Valence sont avec lui.

- Elle l'a hypnotisé !

- Non, du moins elle ne devrait pas en être capable. Si quelqu'un a hypnotisé Malha, c'est Raisonnance. Cette machine lui fait miroiter monts et merveille et en échange l'IA lui fait jouer les marionnettes.

- Cette machine est folle.

- Oui. Mais c'est elle qui a ordonné à Malha de venir nous aider et c'est elle qui a mis tout ce plan en place.

- Martel ? » dis-je revenant à mes priorités.

- Il est avec Maelie

- Comment va-t-il ?

- Physiquement, ça va mais il culpabilise toujours d'avoir tirer sur sa soeur.

- C'était une grosse pute.

- Pas d'après Martel. Si j'ai bien compris elle voulait vraiment qu'on le récupère. Martel avait décidé d'infiltrer Valence et débarrasser le système des trois prétendants pour cela il a profité de Saline pour qu'elle lui récupère un implant puis l'a dénoncée. Ca en faisait une de moins. Ensuite il espérait avoir l'occasion de se débarrasser des deux ordonnances mais nous sommes arrivés et nous avons perturbé ses plans. Je crois que Mélanie ne voulait pas qu'il réussisse, ni qu’il meurt. Le mieux pour elle était qu’il reste éloigné avec nous.

- Elle nous aurait laissé nous faire tuer.

- Sans doute. Je ne pense pas que nos vies comptaient beaucoup pour elle.

- Elle a sauvé Matiz.

- Oui, je crois que c'était la deuxième raison pour laquelle elle voulait qu'on récupère Martel. Elle aimait Martel mais elle aimait aussi Matiz. »

Echo m'avait sorti les violons. Rien ne m'ôterait de l'idée que sa disparition était une bonne chose. Je le dis à Echo.

« Je suis d'accord avec toi. De toute façon, on peut tout imaginer, on ne saura jamais avec certitude ce qu'elle voulait. Et puis ce n'est que détails

- Ha oui, et l'important c'est quoi ?

- Martel se sent responsable de la mort de sa soeur et c'était sa seule famille ».

Oui au fond, ça je devais être capable de comprendre. Après tout, j'avais des soeurs.

« Et les autres ?

- Nanti tourne en rond. Il veut récupérer le potentiellement Innocente mais le vaisseau est devenu la cible la plus recherchée de Malhari ce qui fait qu'il n'est plus qu'un invité de la flotte de Malha et je ne suis pas certain qu'il apprécie de ne plus être le patron. Maelie veut absolument partir d'ici le plus vite possible. Thymothe fait la cours à une fille indépendantiste.

- Et toi ?

- Moi ça va

Chapitre 47

47

04/02/3024 Datation légale de Valence.

14H55/ 24 : horaire de la Belle d’Eté


Grace à mon implant temporel, je peux dire que ça fait 22h que la valeureuse équipe du potentiellement innocente est enfermée dans un cachot digne des guerres de Lames. Nous n'avons pas été malmené si ce n'est par la faim, le froid et l'obscurité. Quelqu'un est venu il y a un peu plus d'une heure. On s'est tous mis en position d'attaque mais ça n'a eu d'autre effet que d'amuser celui qui a ouvert la porte. « N'y pensez même pas » a-t-il dit. Il tenait dans chaque main un petit joujou capable de nous transpercer en moins de temps qu'il ne faut pour le dire alors j'ai en effet arrêté de penser que je tenais l'occasion de m'échapper. Il s'est effacé pour laisser passer une autre personne qui a posé un plateau avant de s’éclipser et fermer la porte. Le plateau contenait une bougie qui après une si longue obscurité a paru illuminer la salle entière. Thymothe s'est précipité sur le plateau. « Ne l'éteint pas » ai-je crié mais ce qui l'intéressait, ce n'était pas la bougie mais le reste. Quelques barres protéinées, une sorte de bouillie indéfinissable et une cruche d'eau. Au milieu de ces trésors, un petit mot que j'ai déchiffré à la lueur de la flamme : mieux vaut mourir le ventre plein.

Plein d'attention. A vous couper l'appétit.

« Vous croyez que ça veut dire que la nourriture est empoisonnée ? »

a demandé Echo.

« Ca m'étonnerait »

Moi aussi j'avais confiance en la nourriture, c'était inutile de gaspiller du poison alors qu'on pouvait nous tuer de manières plus simple.

Nanti a entamé une barre avant de m'en tendre une.

« Je n'ai pas trop faim.

- Mange » m'a-t-il ordonné. Il a ajouté : « mieux vaut fuir le ventre plein. »

Evidemment vu ainsi. J'ai mastiqué péniblement une barre qui est mal passé. « Vous avez un plan patron ? »

Il n'a pas répondu.


Nous avons encore attendu 2h et la porte s'est ouverte à nouveau. On nous a dit de sortir. Il y avait plusieurs personnes pour nous escorter mais surtout, il y avait Mélanie. J'avais beaucoup de choses à lui demander mais je n'osais au milieu du monde. Nanti hésita moins, il envoya valser le premier qui le pressa d'avancer et sous son impulsion, je donnais un coup de poing à celui qui se tenait à mes cotés. Moins rapide Echo était déjà tenu en joue et Thymothe avait une arme sur la tempe. J'hésitai sur la stratégie à adopter quand des ombres m'envahirent, entrant par ma bouche et le nez m'empêchant de respirer. Je voulais hurler mais nul son ne sortit. Je haletai comme un malade sans résultat me griffant la gorge et tombai à genoux. Je sentis vaguement quelqu'un me remettre debout et l'air revenir vers mes poumons.

« Ne refaites plus jamais une telle erreur » dit Mélanie aux gars que j'avais frappés puis elle fit signe à notre jolie petite troupe d'avancer. Au moins nous étions fixé sur le rôle de Mélanie

« Traîtresse « soufflai je quand je passai près d'elle. Elle détourna les yeux et fit mine de ne pas entendre. Nanti avait été remis debout et vu comme il s'efforçait maintenant à remplir ses poumons il avait eu droit lui aussi aux petites tortures maison.

Nous arrivâmes bientôt dans une large pièce. Elle avait dû subir les bombardements. Elle était dépourvue de plafonds, laissant à nu quelques restes de murs noircis mais le sol constitué de larges dalles colorées fendues par endroit avait été nettoyé. Une longue table avait été dressée recouverte de nappes de tissus, de vaisselles fines et de mets raffinés dont les odeurs portés par les courants d'air venaient me titiller les narines. A notre arrivés, des convives richement vêtus se pavanaient autour de la table et se turent pour nous dévisager comme des artistes de rues. Mélanie quitta notre équipe et fit le tour de la table pour se placer derrière Matiz qui trônait au milieu de ses invités. Au pied de la table, enchaînée, une petite silhouette remua la tête et nous lança un regard pitoyable. Maelie. Elle se détourna mais son bref regard avait suffis à me fendre le coeur et je me débattis pour la rejoindre sans autre résultat que d'amuser la galerie. Matiz claqua deux fois dans les mains et comme fait d'un seul moule, Nos gardes saluèrent et s'écartèrent prenant place en deux rangées de chaque cotés de la salle. Et quand je dis d'un seul moule, ce n'est pas du figuré, ils avaient tous la même tête. Quand je pense que c'est Valence qui a interdit le clonage. Pour les autres oui.

Je ne laissais pas passer l'occasion, libre de mes mouvements, je bondis mais ne réussis pas à bouger d'un millimètre.

Matiz fixait mes efforts avec un sourire sadique en buvant tranquillement un verre de vin.

Il dit un mot à Mélanie qui, après un salut, s'éloigna jusqu'à Nanti. Elle lui prit le bras et s'il ne fit pas le moindre mouvement pour se débattre je sentais bien qu'il en mourait d'envie. Mélanie lui ôta l'anneau qu'il portait à la main droite et le porta à Matiz avant de reprendre sa position derrière lui. Il le porta à la hauteur de ses yeux, l'examina puis porta son attention à ses invités. « Une vie pour une vie » dit-il en montrant l'anneau à l'assemblée. « Mon père a donné cet anneau au commandant Siaro ici présent parce qu'il lui a sauvé la vie. Par ce gage, il s'engageait en échange à protéger la sienne. Et qu'a fait ce monsieur ? Chaque jour de sa vie, il a profité de son immunité pour violer une à une chaque loi de Valence. L'anneau s'éleva au dessus de sa main et disparut.

Mon père est mort ce matin et je crois que c'est la fin de votre immunité commandant » dit Matiz son sourire s'agrandissant.

Il fit signe à un garde, lui tendit un pistolet et désigna Thymothe. Le garde fit un salut, s'approcha de Thymothe et pointa le pistolet sur son cou. Je voulais me débattre, crier, faire quelque chose, n'importe quoi mais aucun mouvement ni son ne sortit. Il y eu un clic, rien de plus. Le garde s'avança ensuite vers Echo et recommença la manoeuvre puis vers moi. Mon rythme cardiaque s'accentua encore en sentant le métal froid sur mon cou. Il y eu le clic, une sorte de pincement, une démangeaison puis plus rien. Nanti fut soumis au même traitement puis le garde ramena le pistolet à Matiz.

« Je suppose que vous savez de quoi il s'agit commandant Siaro. Le patron ne fit pas le moindre mouvement.

Mais je vais l'expliquer pour vos coéquipiers » continua-t-il comme s'il avait obtenu la réponse. Il prit un morceau de bois, plaqua le pistolet dessus et pressa la détente avant de contourner la table le morceau de bois à la main.

« Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai laissé moisir tout ce temps à la cave alors que j'aurai pu vous tuer de suite ? »

A vrai dire, je me demandai plutôt comment me tirer d'ici.

« Je vais satisfaire votre curiosité » continua-t-il.

Il plaça le petit carré de bois entre la table et nous puis se recula de quelques pas.

« J'attendais l'arrivée du vaisseau de combat » dit-il, « vous allez servir à ma démonstration ». Il attrapa ensuite Maelie lui souffla quelques mots à l'oreille et elle cria « jamais » ensuite il l'envoya au milieu de nous. Elle voulut se jeter sur lui et Matiz l'arrêta d'un simple signe de la main puis tout en tournant autour du groupe il traça à l'aide d'un stylet un cercle lumineux. « Zone de sécurité » dit-il avant de s'éloigner à nouveau.

« Contact vaisseau de combat » dit-il.

Vu sa tête il n'obtient pas de réponse et en effet fut obligé de répéter « contact vaisseau de combat ». J'avais eu une seconde d'espoir que son sourire m'ôta

« Recherche activée » dit-il « destruction cible rayon 5millimetres action. »

Matiz fut encore obligé de répéter son ordre. Comme quoi la technologie n'est plus ce qu'elle était mais le résultat était à la hauteur de l'attente de ses invités. Un rayon lumineux traversa la salle et désintégra le morceau de bois juste devant nous sous les ho et le ha réjouis de l'assistance.

Matiz s'approcha du point d'impact d'où ne restait qu'un trou fumant. Il approcha sa main puis, pas totalement stupide, l'éloigna à l'approche de la chaleur mais ça n'empêcha pas le morceau de bois de s'élever dans les airs devant lui. Un trou fumant le transperçait de part en part.

« Cette technologie existait il y a plus de 50 ans pourtant elle a été abandonnée car jugée non fiable. Je félicite le docteur Liverger ici présent pour avoir réussi à sécurisé le rayon avec une précision de 2 milimètres et cela sur un rayon d'action de 10000Km hors atmosphère et 30 km en atmosphère et nous espérons multiplier cette distance par 10 dans les prochaines années. »

Il y eut des applaudissements, un vieil homme rougeaux se leva et salua la foule rassemblée puis les conversations reprirent autour de lui : félicitation et questions en tout genre comme si nous n'étions plus là. Matiz profita de la diversion pour revenir vers nous. « Comme vous l'aurez compris » dit-il « nous vous avons injecté une puce microscopique servant de capteur au rayon du vaisseau de combat. La zone qui vous entoure est sécurisée. Le premier qui en sort subira le même sort que ce morceau de bois » dit-il nous mettant sous le nez le reste de carré noirci. « La démonstration sur un sujet réelle pourrait être le clou de mon inauguration mais je crains que certaines des dames fragiles n'apprécient pas le spectacle. Cela dit, c'est à vous de décider si vous voulez les distraire. Je vous libère » ajouta-t-il d'un geste de la main. Je me sentis soudain bouger, perdis l'équilibre et me retrouvais assis par terre à la limite du cercle avant de me jeter en arrière pour rester bien au centre. Le trou que faisait cet engin était un peu gros pour moi. Les autres firent de même sauf Nanti qui resta droit comme un I.

« Martel ? » criai-je sentant que ma langue pouvait bouger. « Qu'avez-vous fait de Martel ? »

Matiz me jeta un regard de contrariété puis s'adressa à ses invités. « La démonstration publique est terminée » leur dit-il. « J'espère que ça vous a plu. Si vous voulez bien passer dans les salons, le docteur Liverger se fera un plaisir de répondre à vos questions. » Un à un les invités saluèrent Matiz et peu à peu la salle se vida ne laissant que les gardes Matiz et la traîtresse Mélanie.

« Martel ? »répétai-je avant de recevoir un coup de coude de Nanti.

« Mais non, laissez parler votre second commandant Siaro. Avez-vous gardé cette sale habitude de vouloir régenter tout en chacun ? Siaro ou le pouvoir de l'information. Pas étonnant que vous vous retrouviez dérivant dans une coquille de noix. Savez-vous quel est la source du véritable pouvoir commandant Siaro ? »

Il ne répondit ps. Je crois qu'il avait décidé de jouer au jeu du silence.

« Le pouvoir c'est la maîtrise des autres réalités, des mondes rejettent les lois de la physique qui cloisonnent le simple être humain, pouvoir enfermer quelqu'un dans une gaine d'immobilité venue d'un monde ou le concept de mouvement n'existe pas, se déplacer dans une réalité ou la notion d'espace est inexistante, ou détruire à l'aide d'entités invulnérables à nos armes. Ca c'est le réel pouvoir. Une science que Valence a développée au plus haut point.

Pourriez-vous offrir ça à votre petit protégé ?

- Le véritable pouvoir est la liberté » cria Thymothe et j'admirai son courage.

« La liberté » répétai-je.

« C'est souvent ce que pense les êtres limités qui ne peuvent prétendre à plus quoique même ça vous semblez l'avoir perdue » grommela Matiz. « Bref, quand on approche le vrai pouvoir, on change ses priorités.

N'est ce pas Maelie ? »

La petite sorcière détourna la tête. « dommage » dit-il

« Donc, Martel. Je vous ai fais une grande faveur. Je comptais le présenter à mes invités mais comme cadeau d'adieu, je vous en fais la primeur. Mes invités attendront.

Allez me chercher Martel » dit-il aux gardes les plus proches de la porte.

Ho non, j'espérai qu'il ait réussi à s'échapper. Au moins était-il en vie mais pour combien de temps.

Quelqu'un d'autre entra par une autre porte qui ressemblait plus à un trou dû à un éboulement et murmura quelques mots à Matiz. « Mais oui, emmenez là, ainsi nous serons tous réuni ». L'homme fit une courbette sortit et revint directement après tenant une gamine recouverte d'une robe crasseuse les mains ligotées derrière le dos et un bandage entourant la tête. J'eus du mal à reconnaître la princesse Saline dans cet accoutrement. Ces yeux pétillants sur les représentations étaient mornes et vides. Sans doute était-elle droguée car elle ne se débattit pas quand on la força à s'agenouiller devant son propre frère.

« Voilà ce que devient quelqu'un qui a connu le pouvoir et qui en est privé ».

Je compris soudain ce qu'était son bandage et le sang qui le teintait. On lui avait enlevé son implant. Arraché plutôt.

- Matiz » murmura-t-elle.

« Ordonance Matiz de la corporation clanique de Valence » corrigea Matiz. « Il n'y a plus de famille pour les traîtres.». Matiz s'approcha d'elle et lui cracha dessus. « Si je pouvais seulement te tuer ma chère sœur » dit-il soudain avec une nouvelle douceur, « crois bien que je le ferais mais nous sommes si peu nombreux et ton sang est puissant, ce serait dommage de le gâcher avant de le transmettre. La lignée de Valence doit se poursuivre Quelle ironie du sort. Tu vas avoir exactement ce que tu voulais. Du moins à quelques détails près. »

Je comprenais rien à rien si ce n'est que Saline avait tenté de renverser ses frères. Ce n'était pas une surprise, Mélanie nous avait prévenu mais de là à séparer la vérité du mensonge. La seule porte qui restait encore debout s'ouvrit sur un garde suivi de Martel.

J'en eus le souffle coupé. Il y avait un truc qui ne collait pas. La princesse Saline était par terre en loque telle une esclave qu'on venait de punir, Martel était déguisé en seigneur. Il tourna la tête un instant vers nous et je compris à son étonnement qu'il n'avait pas été prévenu de notre présence.

Il avait changé le petit et je n'étais pas certain que se soit en bien. J'avais peur de le retrouver à moitié mort et maintenant je commençais à me demander si je n'aurais pas préféré le trouver agonisant plutôt que si bien pomponné. C'est qu'il respirait la santé le bougre. Il se détourna trop rapidement comme s'il refusait de nous voir mais lança tout de même : « vous n'auriez jamais dû venir. Vous n'auriez pas pu vous contenter de me croire mort !»

C'était le coup de grâce. On avait dépensé une fortune, risqué de mourir plusieurs fois et sans doute allait-on mourir en tentant de le sauver et voilà comment il nous remerciait.

Je le regardais prendre place derrière Matiz au coté de Mélanie sur un claquement de doigt de l'ordonnance et ma gorge se serra. On allait mourir et pour rien. Pire, on allait mourir pour un traître. Et surtout, on allait mourir. Cette pensée pourtant évidente se grava enfin dans mon esprit. Echo et Thymothe me regardaient : « Je te l'avais bien dit » dit ce dernier. Bien sur, ils m'avaient tous prévenu mais mon petit gars n'aurait jamais fait ça.

Matiz se délectait de ma détresse et Mélanie ébaucha un sourire du genre qui dit : je vous ai bien eu.

J'avançai jusqu'à la limite du périmètre de sécurité et m'exclamai. « Martel tu ne peux pas avoir rejoint Valence ? Pourquoi ?

- Pour le pouvoir » répondit Matiz à sa place.

Non, Martel n'était pas comme ça. Bien sur il aimait les vaisseaux croisière, le luxe et la belle vie mais il détestait Valence, c'était impossible.

« Le brave Martel m'a été d'un grand secours pour débusquer les perfidies de ma chère soeur. Il s'est prêté à son petit jeu de séduction et a su profiter de sa naïveté pour déjouer ses plans et me mettre en garde contre elle et contre un réseau indépendantiste. »

Martel sembla enfin apercevoir la princesse qui sanglotait doucement.

« Elle a la place qui lui revient » dit Matiz suivant son regard. « Elle sera parfaite pour porter tes enfants et prolonger ainsi la puissance de la lignée de Valence. Pour le reste... En ce qui me concerne, elle n'est plus ma soeur, tu peux en faire ce que tu veux. »

J'espérai voir au moins un semblant de répulsion chez Martel en écoutant ces horreurs mais il se contenta de hocher la tête.

« Il ne me reste plus qu'un dernier détail, une dernière preuve de ta loyauté. »

Il sortit de sa ceinture une arme antique et la tendit à Martel. « Tue les » dit-il en nous désignant.

« Quoi ?

- Bien sur, je préférerais admirer la puissance de mon nouveau vaisseau de combat mais cette méthode me semble plus appropriée. Montre que tu es fidèle à Valence, débarrasse nous de ces bons à rien. »

Martel hésita mais finit pas accepter l'arme qu'on lui tendait et se dirigea vers nous.

Je n'avais pas encore intégré l'idée de mourir mais de me faire tuer de la main même de celui qu'on venait sauver.

« Je suis désolé » nous dit-il en pointant l'arme sur Thymothe.

Maelie poussa Thymothe pour se mettre au premier rang. « Commence par moi » dit-elle. Je m'interposai « sûrement pas ». Nanti me repoussa en arrière laissant Maelie aux premières loges. « Commence par moi » répéta-t-elle. Elle était toute droite, très fière.

Martel secoua la tête et je compris qu'il luttait. « Pas toi Maelie »

Mais elle restait de marbre le fixant dans les yeux

« Allons, fais-le » dit-elle. « Mets fin à toutes les promesses que tu m'as faite.

- C'est qu'on dirait que mon nouvel esclave a fait chavirer le coeur de toutes les jeunes sorcières. » Matiz se délectait visiblement de la situation.

Martel ferma les yeux le bras crispé sur son arme et la pointa résolument sur Maelie. Il allait tirer, Maelie allait faire quelque chose, il le fallait. Je me tournais légèrement vers Matiz qui jubilait et Mélanie imperturbable à ses cotés. Avec ces deux là ses pouvoirs étaient totalement inhibés. Il allait la tuer. Elle restait toute droite. Je me demandai si je serais capable de mourir avec tant de dignité quand se serait mon tour.

« Je suis désolé Maelie ». Et je vis que Martel pleurait en disant ça. « Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Je crois qu'il a rajouté qu'il l'aimait mais si bas que je ne peux en être sur puis il a ôté la sécurité de son arme, a fait volte face et a tiré sur Matiz.

Tout s'est passé si vite que mon cerveau a à peine eu le temps d'enregistrer les faits. Il y a eu un cri. Dans un premier temps j'ai cru que c'était Maelie mais en fait c'était Mélanie qui s'était jeté devant Matiz. Maelie, elle, est tombée par terre mais je crois juste à cause de la peur.

Mélanie s'est effondrée dans les bras de Matiz et Martel est resté debout son arme à la main comme paralysé. Il a eu un hoquet, s'est comme réveillé et a crié « Mélanie, non ! » Il a voulu se précipiter vers elle et Nanti l'a attrapé avant qu'il s'éloigne de notre cercle. Matiz avait perdu tous ses moyens. Il avait pris Mélanie dans ses bras et la suppliait de revenir à elle. Les gardes attendaient le moindre signe de l'ordonnance pour intervenir mais aucun n'osa s'approcher ni de nous ni de Martel. Dans un coin sombre de la pièce, enchaînée à la table, Saline souriait une lueur mauvaise dans les yeux.

Puis, Matiz a repris ses esprits. La première chose qu'il a fait fut de commander au vaisseau de combat d'annuler l'espace de sécurité mais rien ne s'est passé. Martel nous a regardé, a semblé réaliser que nous étions encore vivant et a pointé son arme sur Matiz mais elle lui est tombée des mains. Matiz s'est levé, il était couvert du sang de Mélanie et Des fumées noires sortaient de ses mains. J'ai pas eu le temps de réfléchir entre mourir par le feu du vaisseau de combat ou par sorcellerie, je me suis enfui. La fumée est retombée sous forme de pluie rouge mais Maelie leur a fait une sorte de bouclier car elle n'a atteint personne. Maelie ou Martel. J'ai réalisé enfin que j'étais hors du cercle de sécurité et que je n'étais pas mort. Les autres l'ont vu aussi et ont couru en dehors du cercle mais les gardes sont intervenus pour nous bloquer la sortie.

Dehors, un ronronnement s'est amplifié jusqu'à la déflagration d'un réacteur. Plusieurs appareils atterrissaient. Il était temps de filer et vite. Je me suis précipité sur l'entrée mais je me suis cogné contre un mur invisible. Un champs de force sans doute ou un autre tour de Matiz. Martel et Matiz étaient face à face. Ni l'un ni l'autre ne s'occupaient de nous. Tout autour d'eux, les ténèbres se formaient. J'évitai de justesse le tir d'un garde me jetai à terre et attrapai l'arme que Martel avait lâchée. À ce moment là toute une partie du mur s'effondra laissant la vue sur l'extérieur et une véritable armée se rua à l'intérieur. Nous n'avions plus aucune chance. Il y en avait tant que je ne savais plus sur qui tirer puis je vis Matiz en plein dans mon champ de tir. J'appuyai et il s'écroula comme un vulgaire être humain.

Maelie apparut soudain à mes cotés « oui » s’écria-t-elle en frappant dans ses mains.

« Il n'était même pas protégé ! » Je n'en revenais pas, je n'y avais pas cru la moindre seconde.

« Si, il l'était » dit Maelie Fièrement « mais Martel l'a suffisamment affaibli pour que je détruise sa barrière protectrice. »

Pendant un instant, le temps que Matiz tombe à terre, les gardes perdirent leurs repères puis j'entendis des hourras venant des nouveaux venus qui se jetèrent sur les gardes restant sans s'occuper de nous. Je regardais dehors. Plusieurs navettes s'étaient posées dont une avait sorti l'emblème des indépendantistes. « Il faut fuir » me dit Thymothe. Ma première impulsion fut de le suivre mais je pensais à la puce qui était encore en moi. A tout moment le vaisseau de combat pouvait nous achever. Plus nous nous éloignions de la zone plus nous risquions que l'appareil nous identifie. Nanti ne me laissa pas y réfléchir d'avantage, il m'attrapa le bras et nous nous jetâmes par l'ouverture. Plusieurs navettes supplémentaires s'étaient posées mais celles là portaient l'insignes de Valence. Au milieu du champ de bataille un colosse donnait des ordres.

Il fit signe à Nanti et lui désigna un vaisseau. Ce fut seulement à ce moment que je reconnus Malha de la flotte des rois du monde.

Je n'hésitai pas une seconde et me précipitai vers le vaisseau indépendantiste, tout valait mieux que les hommes de Valence mais Nanti me retint.

« On ne peut pas faire ça » dit-il. « Le vaisseau d'attaque peut nous tuer à tout moment. Si nous sommes dans ton vaisseau, il le détruira ». Je reconnus le rire tonitruant de Malha. « Content que tu sois enfin honnête avec moi Siaro ». Il lui prit la main et la comprima dans sa grosse patte « Le vaisseau d'attaque. Joliment berné par Raisonnance, il est loin ».

- Quoi ? » dis-je « Mais je l'ai vu en action.

- Raisonnance » dit Malha, « toujours Raisonnance. Il a intercepté la fréquence du communicateur de Matiz et a pris la place du vaisseau de combat.

- Mais... »

Nanti ne me laissa pas finir, c'était la débâcle. D'autres vaisseaux se posaient avec les insignes de sécurités de la belle d'été. On n'allait pas tarder à se retrouver coincé dans des tirs croisés. Je courus quand soudain, je vis Martel. Il vacillait tenant Mélanie inerte dans ses bras. Je me précipitai vers lui, examinais rapidement la sorcière. « Elle est morte » lui dis-je.

« Je sais. C'est moi qui l'ai tué. »

Evidemment j'avais tout vu, j'étais là. Il tomba à genoux et se mit à pleurer

« Laisse là et viens avec nous.

- J'ai tué ma sœur » gueula-t-il.

Oui ben c'était plutôt une bonne idée. Je me retins de le dire à voix haute. Pas sur qu'il partage mon opinion.

« Laisse là et viens » répétai-je.

Il y eut une lumière aveuglante et un arbre juste derrière nous s'écrasa dans un craquement infernal. L'attaque aérienne commençait.

« Et vite » ajoutai-je.

Ca tirait dans tous les coins. Un homme nous fit face, d'instinct je lui jetai mon poing dans la gueule. Il tomba et je restai debout très fier jusqu'au moment où je sentis un picotement, je me baissai et vis que je saignais et pas un peu. Le monde vacilla autour de moi. J'entendis Martel crier mon nom, quelqu'un ordonna qu'on se rende puis le paysage s'assombrit j'eus encore le temps d'apercevoir des figures issues de mes pires cauchemars, le ciel strié de noir et de rouges puis tout disparu.

dimanche 9 mars 2008

Chapitre 46

46

02/02/3024 Datation légale de Valence.

14H55/ 24 : horaire de la Belle d’Eté


Il y a des réveils douillets. Ceux qu'on fait après un joli rêve quand on reste à se prélasser sur un matelas tout doux. Il y a des réveils coquins dans les bras d'une jolie fille. Le dernier dans le genre date de plus d'un an, il y a des réveils difficiles après une cuite dans les bars des astroports et il y a les très mauvais réveils. Dans les très mauvais réveils, j'avais classé en numéro un le jour où Echo m’avait jeté dessus le contenu de la fosse de désinfection parce que je n'avais pas réparé le processus de vidange. Depuis que je me suis fait réveillé avec un flingue sous le nez, je mets cette histoire de cuve en deuxième position.

Je ne comprends pas que j'ai pu dormir dans un tel moment mais on a tous était surpris. Les autres ne dormaient pas aussi il ont réagi plus vite. Nanti en premier. Il a jeté son pied en avant jusqu'à l'estomac du gars. Je n'ai même pas eu le temps de voir la manoeuvre que le mec se tordait en deux mais les renforts sont arrivés. Echo était monté dans un arbre pour faire le gué. Si niveau gué, il a été particulièrement mauvais, il a réussi une cascade formidable. Il s'est jeté d'une branche pile sur un mec et l'a écrasé au sol avant de rouler et se retrouver debout. Je crois qu'il était aussi étonné que moi d'avoir réussi un tel exploit. Maelie s'est déchaînée : des ombres se sont formées et les hommes restant se sont mis à hurler.

Puis soudain son brouillard a disparu. « Par là » Maelie lui ai je dit en désignant un autre groupe qui venait remplacer le premier. Elle m'a regardé, elle a regardé ses doigts puis elle a dit, « je ne peux pas ».

C'était bien le moment.

« Pourquoi ? » lui ai-je dit.

Et là, j'ai entendu quelqu'un répondre : « parce que je n'en ai pas envie »

Je me suis retourné vers la voix. Il n'y avait personne mais une seconde après, il y avait un homme qui pointait un flingue sur moi et j'ai reconnu l'ordonnance Matiz en personne. Là, j'ai pas fait le fier, j'ai lâché le flingue que je n'avais jamais utilisé de ma vie si ce n'est pour me donner une contenance et j'ai levé les bras. Autour de moi, j'ai vu les autres faire pareils et une bonne quinzaine de gars nous encercler.

« Impressionnant » a dit Matiz en regardant ceux qu'on avait mis à terre. J'ai pas compté mais je pense à vu de nez qu'il y en avait une bonne vingtaine. A quatre c'était pas mal. Maelie s'était chargée du gros de la troupe mais j'en avais quand même eu deux. Il y avait de quoi être fier. Je pense que même Matiz était réellement impressionné. On s'est retrouvé ligoté et traîné vers le palais. Ca tombait bien on voulait entrer. C'est juste qu'on aurait préféré le faire d'une autre façon. Maelie se démenait dans tous les sens. Elle hurlait des jurons qu'elle n'était pas sensée connaître. Dans un autre contexte Nanti l'aurait consignée, il ne supportait pas la vulgarité en particulier chez une fille. Matiz a stoppé et ses hommes ont fait de même « Emmenez là plus près de moi » a-t-il dit au pauvre gars qui la tenait.

Matiz l'a attrapée par les cheveux sans ménagement et lui a poussé la tête en avant sans doute pour voir son implant.

« Pas mal » a-t-il dit « technologie Sylphide dommage que tu aies choisi le mauvais camp ».

Maelie s'est énervé comme elle fait si bien mais rien n'est sorti ni de ses doigts ni des alentours. Alors elle l'a insulté et lui a dit qu'elle le réduirait en bouillie. Ca a fait beaucoup rire Matiz et il a dit qu'il aimerait bien voir ça. Ensuite il l'a attrapée par la chemise pour la ramener vers lui. « Tu feras ce que je veux, quand je veux si je veux, c'est compris ? Et peut être même que tu resteras en vie. Du moins, tu es la seule qui me paraît valoir quelque chose »

Je ne sais pas si elle a compris mais elle lui a craché au visage.

« Maelie non » s'est exclamé Nanti. Matiz tout aussi prompt lui a assenée une telle gifle qu'elle a été projetée à terre puis il s'est approché de Nanti et lui a dit : « vous feriez mieux d'éduquer vos gens commandant Siaro.

- On n'éduque pas les sorciers » a-t-il répondu.

Matiz lui a souri mais d'un sourire mauvais. C'était le genre à faire froid dans le dos, le genre qui fait passer Mélanie pour une vierge effarouchée.

Il a fait un geste, s'est remis en route vers le palais et la troupe a suivi. A l'intérieur nous avons été séparé. Maelie est partie avec Matiz ou du moins traînée par Matiz quant à nous, on nous a gentiment escorté au milieu de couloirs délabrés, de salles à moitié démolies puis envoyés dans un escalier souterrain jusqu'à une pièce humide et sombre puant le renfermé. Une lourde porte s'est fermée derrière nous et nous nous sommes retrouvés dans l'obscurité totale.

Chapitre 45

45

01/02/3024 Datation légale de Valence.

09H/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente


J'ai fais mon compte rendu puis on est passé au vote. Le patron a lancé ce nouveau concept de vote à main levé il y a quelques semaines. Encore un pas vers la démocratie. Comme quoi nos aventures n'auront pas été inutiles. J'ai serré les doigts à me rompre les articulations quand Nanti a demandé : « qui est pour récupérer Martel malgré les risques ? C'est votre dernière chance de renoncer » a-t-il ajouté.

J'aurais préféré qu'il évite la dernière phrase. Pas la peine d'insister sur le fait que personne n'était obligé de venir. Maelie a levé son petit bras très haut comme propulsé par un ressort. Moi aussi mais avec une nonchalance étudiée pour faire mieux. Echo a hésité puis a levé le sien en soupirant.

Muro a dit : « j'en suis pas » et Thymothe a dit : « moi non plus ».

Les lâches.

Je leur ai fait le regard qui tue mais ni l'un ni l'autre ne m'ont regardé. Doublement lâche.

Je comptais vite fait : Nanti, Maelie, Echo et moi. Quatre contre Valence, là, y avait du défi.

Le patron a demandé à Thymothe pourquoi il refusait de venir, il a répliqué qu'il refusait de poser un pied sur la Belle d'Eté. Encore ! Il nous la faisait à chaque fois celle-là. Nanti lui a répliqué que ce n'était pas une raison suffisante et qu'il viendrait avec nous. Voila comment le patron fait de la démocratie.

Puis il a demandé à Muro qui a dit qu'il ne voyait aucune raison pour risquer sa vie pour un mec qu'il ne connaissait même pas. Nanti a admis que son point de vue était justifié. Je crois qu'il aurait réussi à le convaincre s'il avait voulu mais il fallait que quelqu'un garde le Potentiellement Innocente en cas de grabuges. Et des problèmes, j'étais sûr qu'on en trouverait. Nous on embarquerait dans le vaisseau fourni par Mélanie. On l'a trouvée deux jours plus tard sur le terrain de l'astroport. Une machine neuve avec accréditation et au nom de Maelie Malha Karten qui s’est révélé être un vaisseau de belle taille qui dvait coûter autant que le Potentiellement Innocente et l'accréditation devait valoir au moins le prix du vaisseau lui-même. Mélanie avait dit avoir eu du mal à nous le fournir, je la croyais volontiers. Je trouvais très suspect, le seul fait qu'elle ait réussi. Elle avait eu le culot de le mettre au nom de Maelie Malha. Une façon de nous narguer pour faire remarquer qu'elle n'était pas dupe de notre trafic d'identité. Et elle qui se la jouait genre : désolée, je n'ai personne d'accrédité pour le vaisseau, je ne sais comment faire. Elle avait déjà tout prévu et le nouveau nom de Maelie avait été enregistré pour le vaisseau avant même qu'elle vienne me trouver. Nanti a été encore plus furieux que moi, il a commencé par m'accuser d'avoir trop parlé puis, quand je lui ai certifié n'avoir rien dit, il s'est longuement demandé si elle avait pu trouver ça par le fichier des identités ou si elle avait fait le rapport avec la flotte des Rois du Monde. Le nom de Malha était connu de Valence comme indépendantiste mais n'était pas relié avec la flotte des rois du monde. Si Mélanie avait fait le rapprochement, il serait bien dans la merde. D'un autre coté, il avait une IA pour le sortir de ce pétrin alors qu'il se débrouille.

Il nous fallait un nom pour le vaisseau. J'ai suggéré de l'appeler « Piège » ça lui irait bien. J'aurai pas dû, Thymothe nous a refais une crise comme quoi il ne voulait pas venir. Maelie a décidé de l'appeler Princesse. C'était nul, une idée de fille que j’ai dit. Elle a répliqué que c’était son vaisseau et qu’elle était une fille alors qu’elle l’appellerait Princesse. Nanti a accepté. Si Maelie avait fait la gueule avec cette histoire d'identité, elle était maintenant ravie, c'était la première chose qui lui appartenait, et pas n'importe quoi, un vaisseau entier. Je doute qu'elle puisse le garder mais c'était mignon de la voir excitée comme la gamine qu'elle était.

Les formalités accomplies, on a mis les voiles, direction : la Belle d'Eté.

J'ai tenté de me détendre mais j'ai pas pu. Je n'arrêtais pas de penser que j'étais un monstre doublé d'un traître. Tout ça parce que j'avais légèrement arrangé les dires de Mélanie avant d'en faire mon compte rendu à l’équipe. J'avais dit que Saline avait enlevé Martel, qu'il s'était échappé, que les personnes chez qui il avait trouvé refuge fomentaient un plan contre Valence et voulait que Martel y participe et qu'il fallait le récupérer avant qu'il se fasse tuer.

J'avais dit aussi que Matiz était là-bas et que le vaisseau d'attaque suivrait. En fait, j'ai juste omis l'histoire abracadabrante comme quoi Martel aurait volontairement suivi Saline pour lui soutirer un implant et qu'il avait prévu de rejoindre les indépendantistes contre valence. Nous n'en avions aucune preuve si ce n'est la parole de Mélanie et mon récit était plus crédible que le sien. Je ne parlais pas d'implants. J'avais voulu aborder le sujet puis je me suis dit que ça n'apporterait rien. Il fallait en rester à l'essentiel.

Nous sommes arrivés sans encombre à la périphérie de la Belle d'Eté sur une station du satellite. Pas de vaisseau d'attaque en vue, si les dires de Mélanie étaient justes, il serait sur le point d'arrivé, voir il traînait dejà dans le coin. Au niveau des informations supplémentaires que j'avais demandées à Mélanie, aucune nouvelle, la belle n'avait pas daigné refaire un détour par notre vaisseau. C'est Maelie qui nous a dissimulés aux scannes du satellite puis elle a demandé les autorisations d'approches.

Nous en sommes là.

« C'est bon » souffla Maelie après lecture des résultats sur l'écran principal. C'est si simple d'aller n'importe où avec une identité qui en jette. Echo fait marche arrière. Il entame un beau demi-tour et on se retrouve face à la bête. De loin, la Belle d'Eté ressemble un peu à la froide, dans divers tons de bleus pales et blanc mais plus on s'en approche plus le bleu domine. Ensuite on peut voir des côtes et des terres et une multitude de teintes diverses.

« Si nous approchons d'avantage nous franchirons la barrière » Maelie m'a coupé de ma rêverie en parlant au patron.

Nanti réfléchit. Echo a stoppé les réacteurs mais cette seule manoeuvre peut paraître louche aux milliards de capteurs qui entourent la planète.

« Qu'a dit Mélanie exactement ? » C’est la dixième fois que Nanti me demande ça.

« Juste qu'on devait se dépêcher et qu'elle s'arrangerait pour nous dissimuler.

- A-t-elle dit qu'elle serait là où que nous devions faire un signal quelconque ? »

Je répétai la même chose que d'habitude : « elle n'a rien dit de plus. »

Nanti grommela encore des phrases incompréhensibles où je cernais les mots : Mérino, incompétence, idiot fini et bon à rien. Puis il s'adressa à Maelie : « Maelie, peux-tu nous dissimuler ?

- Non » Elle n'en dit pas plus, elle avait déjà elle aussi expliqué en long et en large que les filtres planétaires étaient très puissants et qu'en plus sachant qu'elle était une sorcière, les procédures de surveillance seraient

Echo attendait patiemment et Thymothe attendait aussi gesticulant en tout sens. Le lâche s'inquiétait non pas du risque de ne pas passer mais de celui de réussir à se poser.

Nanti souffla un bon coup : « on y va » dit-il.

Maelie répéta : « je ne peux pas » et Nanti lui dit de faire son possible et de prendre les commandes puis il nous dit à tous de ne plus faire le moindre bruit.

Maelie a pris les commandes et a foncé dans le tas.

On est resté un bon moment sans respirer. Au moins jusqu'à ce que je sois capable de distinguer des arbres, une petite ville et même une piste d'atterrissage puis j'ai risqué une question idiote. « Est ce qu'on est passé ? »

Personne n'a répondu. Comme quoi, ce n'était peut-être pas si bête. Maelie a juste répété que elle n'était pas de taille face aux capteurs.

Aucun de nous ne savait concrètement comment marchaient les boucliers planétaires. Aurait-il dû nous bloquer l'accès ? Nous informer que l'accès nous était refusé ? Allait-on se retrouver entouré d'une horde de garde dès qu'on aurait posé le pied dehors ? Nous n'en savions rien.

J'ai été coupé par une voix qui nous a demandé de nouveaux codes. Sans dire un mot Echo les a désigné à Maelie qui les a transmis. On a reçu un nouvel hologramme en retour. Echo a mimé la manoeuvre à Maelie pour lui montrer où elle devait l'insérer. Je pense qu'il aurait pu le faire seul, je doutais qu'on soit encore surveillé mais personne n'a trouvé les protections de Echo inutile et Maelie a posé la main sur l'hologramme et après une pression a déplacé son bras vers l'autre hologramme désigné par Echo. Les deux se sont rejoins et le vaisseau a viré en tanguant dangereusement et je me suis retrouvé à terre. Le système gravitationnel s'était coupé automatiquement en entrant dans la Belle d'Eté et le vaisseau se retrouvait soumis à l'attraction de la planète.

« Trous d'air » a dit Echo. C'était les premières paroles dites à voix haute depuis l'approche de la planète.

Le temps que je me relève en me massant les fesse, on s'éloignait de la ville laissant derrière nous les immeubles et la concentration de vaisseaux de l'astroport. Nous survolons maintenant des forêts qui s'étendent sur plusieurs kilomètres.

« On est dans le bon secteur » dit Nanti, « pose toi là.

En ce qui concerne le là du patron je ne distinguais que des végétaux en tout genre.

« On peut se poser n'importe où ? » Demandai-je

« Non » dit Nanti, « on va se poser juste le temps pour Maelie de nous débarquer ensuite elle ira remplir les formalités à l'astroport. Maelie, tu te sens capable de piloter seule jusque là ? »

Elle fit oui de la tête, de toute façon c'était un peu tard pour se poser la question. Il fut décidé que Maelie jette un oeil chez Malik où Martel avait été vu pour la dernière fois. De notre côté, nous irions en éclaireur repérer la propriété du seigneur terrien ainsi que l'ancien palais de Valence. On se donna un point de rendez-vous, on vérifia chacun nos GPS et on coordonnait nos implants temporels à l’heure locale puis on se précipita à l'extérieur dès que Maelie atterrit sur le sol vert et spongieux et le vaisseau recolla immédiatement.

Je suis à couvert des arbres « Ouhaa ». J'inspirai une ou deux fois sceptiques puis avec plus d'assurance. J'étais venu sur la Belle d’Ete une fois 10 ans plus tôt et en plus au même endroit, ça m'avait fait le même effet. En même temps une impression de déjà vu et de différent. La première chose qui frappe sur une planète, c’est le bruit. Une cacophonie différente de celle des stations, inquiétante car aucun son n’est familier. Pas de bruits de voix, ni de ronronnement de ventilateurs mais des sifflements, craquements ainsi que des bruits qui je crains appartiennent à des animaux. Le soleil se couchait. Nous n'avions pas anticipé le phénomène, en tout cas en ce qui me concerne. La nuit permettrait d'être plus discret mais il faisait de plus en plus sombre sans aucun projecteur en vue, ni même la moindre veilleuse pour nous orienter. Je sentis une pression autour de mon bras. Thymothe était agrippé à moi. Il respirait bizarrement avec de grandes inspirations espacées. Il tentait de respirer le moins souvent possible pour se prémunir d’éventuels bactéries. Il n'allait pas nous faciliter la vie avec sa phobie. Je me secouai afin de lui faire comprendre que je n'avais nul besoin d’un boulet supplémentaire et cherchai un soutien auprès de Nanti.

Avec Echo, il avait pris les choses en main et sortait des lampes d'un sac qu'Echo plaça ensuite sur son dos. Nous sommes à mi chemin entre l'ancienne propriété de Valence et le château du Seigneur Kirenos. « Je propose qu'on se sépare. Echo et moi jetteront un oeil à la propriété de Valence. Thymothe et Mérino, vous allez voir les lieux autour de la propriété du propriétaire terrien.

Surtout, pas d'imprudences et ne vous faites pas voir. Il s'agit juste de repérer les lieux. Voyez si il y a des points d'observations discrets, comptabilisez le nombre de gardes et les dispositifs de surveillance. Pas de bravades inutiles, on n'entreprend rien tant que nous ne sommes pas réunis. Aucune communication, les risques d'interceptions sont trop élevés et vous suivez les zones privées » dit-il en nous les désignant sur l'écran de son GPS. « Nous serons moins visibles par les satellites de surveillances On se donne rendez-vous dans deux heures. Coordonnée 23/45/16

- Je ne suis pas certain que se séparer soit une bonne idée » dit Thymothe.

« Non ce n'est pas une bonne idée » dit le patron « mais nous devons aller vite. Le vaisseau d'attaque sera bientôt là et au dessus de toi se trouve une bonne dizaine de satellites qui t'enregistre en ce moment même. Ne laissons pas à Valence le temps d'apprendre que nous sommes là. »

Je levai les yeux vers le ciel qui prenait une couleur familière La vue des étoiles me rassura mais je frissonnai sous un souffle d'air froid.

« Il y a du vent » remarque très constructive de Thymothe. Je le poussai vers la direction enregistrée dans le GPS. « Contente toi d'espérer qu'il ne pleuve pas.

- Faut pas des nuage ou des trucs du genre pour ça ? »

On entendit un chut en provenance de l'autre groupe qui s'éloignait déjà et je pressai le pas me demandant pourquoi Nanti ne s'était pas gardé Thymothe avec lui.

La nuit était de plus en plus sombre au fur et à mesure de notre avancée. La végétation dense gênait notre progression et Thymohte pestait à voix basse puis gémissait. Je jetai un oeil sur le GPS et pris la décision d'éteindre la lampe.

Thymothe choisit ce moment pour se prendre les pieds dans une racine et m'insulter. « Pourquoi n'y a-t-il plus de lumières ?

- Nous sommes tout près. Nous ne devons pas nous faire repérer. Nous devrions voir les lumières du château.

- On ne voit pas la moindre lumière ».

En effet, je n'avais jamais connu une telle obscurité. Thymothe devait être à un pas de moi, je percevais sa respiration saccadée mais était incapable ne fut-ce que de discerner son visage. Les craquements et les grincements en tout genre paraissaient s'intensifier et je ne pouvais m'empêcher de regarder en tout sens

« Rallume » la voix angoissée de Thymothe me fichait la trouille.

« Nos yeux vont s'habituer à l'obscurité »

« Rallume » insista-t-il.

« Pourquoi ?

- Parce que j'ai les jetons. »

Bon OK » je pouvais allumer sans être obligé d'admettre que moi aussi j'étais mort de peur.

Nous avons atteint un terrain dégagé mais toujours pas la moindre lumière. Je commence à élaborer un plan dans ma tête afin de savoir quoi dire si nous étions repéré. Je pourrais dire m'être perdu mais je viendrais d'où ? Je ne connaissais aucun endroit de la région et notre accent nous trahirait à coup sur. Je regrettai de ne pas avoir travaillé ça avec Nanti. Nous manquions vraiment de préparations.

« C'est désert » dit Thymothe.

J'éteins la lampe et m’approche d'un mur en pierre qui semble entourer la propriété. Depuis que nous avons quitté le couvert des arbres, nous arrivons à distinguer les formes qui nous entourent.

« Tu penses qu'il peut y avoir des bêtes ? « Demande soudain Thymothe.

Bien sur qu'il y en avait. Les planètes étaient des réservoirs de bestioles en tout genre de la toute petite à la très grosse « non Thymothe, il n'y a pas de bêtes » dis-je tout haut.

Le mur n'est pas haut. Deux mètres tout au plus et les pierres mal agencées permettent de se hisser facilement. J'escaladai le premier sautai de l'autre coté. Thymothe suivit. En face de nous s'étale la propriété du seigneur. Très basse, aucune symétrie, des hauteurs différentes. La construction me parait vraiment étrange et toujours ni lumière ni aucun bruit de présence humaine. Je m'approche doucement et j'entends les pas de Thymothe sur mes talons, le sol herbeux s'est transformé en une surface dure. Une porte estouverte et se balance doucement au gré du vent.

« Désert » dit Thymothe.

Oui, c'est désert. Je touche la porte. Il y a une pellicule sombre sur mes doigts que je regarde à la lumière des étoiles. Je recule de quelques pas pour discerner la structure avec un autre point de vue. Il y a une odeur acre, désagréable qui flotte dans l'air.

Je commence à comprendre l'étrangeté. Il n'y a pas de toit. J'entre et rallume la lampe. « C'est bien ce que je pensais » dis-je tout haut sans plus me préoccuper d'éventuels habitants. « Tout a été brûlé ».

Thymothe a hurlé. Il m’a fait sursauter. Je me suis retourné d'un bond. Il désigne ses pieds et à la lumière de la lampe je découvre un homme couché à ses pieds.

« Est ce qu'il est ? » Je préfère regarder Thymothe que l'homme à nos pieds.

« Vu ce qu'il en reste j'espère bien qu'il est mort » répond-il.

Je fais courir la lampe autour de moi. Le plafond a disparu et la lumière de la lampe disparait dans l'obscurité du ciel. Quelques poutres métalliques tiennent encore par miracle et les restes de murs encore debout sont noirs de suies.

« Tu crois qu'on doit visiter le reste ? » demande Thymothe

« Ca risque de s'écrouler ». Mon implant me prévint qu'il nous reste une heure avant le rendez-vous.

« Je crois qu'on en a assez vu. On ne trouvera pas Martel ici. » Ou du moins s'il était là, on ne serait même plus capable d'identifier son corps. L'incendie avait dû être terrible. Les planétaires construisaient dans des matériaux naturels réputés inflammables mais mis aux normes anti feu. L'incendie aurait dû être étouffé.

« Comment tout a-t-il pu brûler ainsi ?» demanda Thymothe alors qu'on s'éloignait vers le point de rendez-vous.

« Le bois brûle » Je ne rajoutai pas : quand il se retrouve face à un bon sorcier. Mélanie avait dit qu'elle était venue interroger le seigneur terrien. Sur le moment j'avais juste compris qu'elle lui avait posé des questions. Je me demandai si je n'avais pas là les résultas de son interrogatoire.

Nous arrivâmes les premiers au point de rendez-vous du moins le pensai-je mais à peine assis sur un tronc d'arbre mort, Echo et Nanti nous surprirent.

« Qu'avez-vous trouvé ? » dit Nanti. Le patron n'était pas du genre à demander des nouvelles de notre santé. Je lui fis un rapport clair en me contenant des faits afin qu'il fasse ses propres déductions et il réfléchit. Heureusement qu'Echo était là pour satisfaire notre curiosité quant à leur petite excursion. « Nous avons trouvé les ruines de la propriété de Valence » nous dit-il. « Il y a de l'activité à l'intérieur mais un champ de force paraît en faire le tour et bloque le passage. Du moins nous l'avons suivi sur un bon kilomètre sans trouver une faille.

- Qu'est-ce que tu appelles de l'activité ?

- De la lumière, plusieurs appareils à courte portée genre glisseurs et navettes, quelques gardes ».

D'accord, si je comprends bien, il y avait des ruines là où il aurait dû y avoir du monde et il y avait du monde là où il ne devait y avoir que des ruines.

« Pas de Martel ? » demandai-je à tout hasard.

« S'il est là dedans, on est mal, même pas moyen d'approcher ».

Pendant qu'Echo me décrivait son périple nous nous étions remis à avancer. Il nous restait une bonne trotte avant d'atteindre les limites de la ville où nous devions retrouver Maelie. Nos meilleures chances étaient avec elle. Elle devait aller chez Malik. C'était le dernier point où nous avions vu Martel et même si nos dernières informations vidéos datent de plusieurs semaines à cause d'une IA lâcheuse, j'estimai que c'est auprès d'eux que nous aurions les meilleures informations. Maelie devait tout comme nous ne pas se faire repérer mais elle était forte pour ça et je me pris à espérer qu'elle pourrait sans se faire repérer, trouver Martel et l'emmener avec elle. Je n'arrivai pas à oublier ma conversation avec Mélanie : s'il accepte de venir.

L'aube pointait quand on aperçut les premières lumières de la ville. Elle était en partie construite dans une cuvette en contre bas. De notre point de vue nous pouvions apercevoir des immeubles d'une cinquantaine d'étage, des voies de circulations rapides, des chenilles de rails et toute cette activité propre à un monde civilisé. Je me sentais mieux et admirais ce spectacle. Je n'étais pas le seul, sur un banc inconfortable Maelie admirait le lever de soleil.

Je croyais qu'elle ne nous avait pas aperçus mais elle ne sursauta pas à mon approche.

« Ca va Maelie ? » demanda Nanti.

Pourquoi a elle, il lui demandait si ça allait et que nous, nous étions juste bon à faire notre rapport ?

« Pas de problème au niveau de l'astroport » commença-t-elle. « Je suis allée à l'adresse indiquée mais je suis tombé face à l'apocalypse.

- Pardon ?

- C'était un vieux quartier avec des petites maisons individuelles et tout le quartier était en feu. Il y avait des gens qui courraient partout, des hurlements. Je suis allée jusqu’aux coordonnées de Malik mais il ne restait que des cendres.

- Tu n'as pas su ce qu'il s’était passé ?» demanda Nanti.

- Si bien sur, j'ai interrogé plusieurs personnes. J'ai eu plusieurs versions mais ayant chacune en commun la présence de Matiz, de Mélanie et d'une débauche de sorcellerie. Personne n'a pu me dire la raison.

Il y a eu des blessés. Beaucoup. Des morts aussi dont la personne qu'on cherchait. Paraît que personne n'avait vu ça depuis la fin de la guerre.

- On est arrivé trop tard » conclut Echo.

Je n'étais pas sûr, rien ne disait qu'ils avaient trouvé Martel par contre, j'étais à court d'idées pour la suite du programme. Je fis ce que je faisais toujours dans ce genre de cas : Je dis : « Qu'est ce qu'on fait Patron ?

- Deux solutions » répondit-il. Ce que j'aimais le plus avec le patron c'est qu'il avait toujours des solutions.

« Soit nous revenons vers la ville et tentons de prendre davantage de renseignements en espérant que Martel se soit échappé, soit nous retournons vers la propriété de Valence essayer d'en savoir plus sur la situation là bas. »

La ville pensai-je mais je n'ai pas eu le temps de donner mon avis, je me suis précipité sur Maelie pour la jeter à terre tout en criant attention pour que les autres nous imitent. Une petite boule passa au dessus de nos têtes avec un léger sifflement et une lumière orangée suivie d'une deuxième puis d'une troisième. Leurs phares capteurs balayaient les environs et je suis incapable de dire si nous avons été touché ou non. Je me suis relevé et ai épousseté mes vêtements quand j'ai estimé que le danger était passé.

« C'est quoi ça ? » a demandé Maelie.

« Des espions » dit Thymothe. « Ces petites machines secondent les satellites d'observations. Semblerait qu'on cherche quelqu'un.

- Si qui que ce soit fait des recherches, ils utiliseront aussi les satellites ».

Dit Echo.

Et si c'est nous qu'on cherche, on est cuit. Je n'ajoutai pas cette conclusion mélodramatique qui ne plairait à personne.

« C'est peut-être pour Martel » dit Maelie, « ça veut dire qu'il ne l'ont pas trouvé.

- Peut-être » dit Nanti avant de continuer pour moi. « Tu penses qu'on a été touché ?

- Difficile à dire en principe ils ne prennent pas en compte les êtres vivants de moins de cinquante centimètres afin d'éviter les bestioles qui traînent ici.

- Tu m'as dit qu'il n'y avait pas de bêtes ! » S’indigna Thymohte. C'était bien le moment.

« Cela dit je ne les ai aperçu qu'au dernier moment. Ils nous avaient peut être déjà numérisé. »

Nanti parait réfléchir. « On retourne vers le palais de Valence. Au moins nous serons en terrain privé à l'abri des satellites. » conclut-il

C'est une option. Cela dit, je ne suis pas sûr que les IA de Valence ne donnent pas accès aux vidéos privées.

On retourna sur nos pas et plusieurs fois nous rencontrâmes des petits espions. Je n'aimais pas ça, je commençais à penser que ces bestioles nous suivaient à la trace. Impossible de dire si elles n'avaient pas repéré l'un d'entre nous. Arrivé dans la zone privée à proximité du champ de force du palais mais toujours à couvert des arbres, le patron proposa une halte. Il nous fit la distribution de barres vitaminée et je fus rempli de gratitude à la pensée que quelqu'un avait songé à l'intendance. Ma nuit blanche à crapahuter dans les bois commence à me peser sérieusement et tandis que le patron fait le compte rendu à Maelie des dispositifs de sécurité qu'il avait pu repérer, je me suis adossé à un arbre pour me reposer.