mardi 27 novembre 2007

Chapitre 20

20

03/09/3023 Datation légale de Valence.

19H / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Compte rendu du potentiellement innocente par Mérino.

On s’est tous réuni dans la salle commune. A la façon dont le patron a dit : tout de suite. Nous en avons tous conclu que ce n’était pas le moment de désobéir. Ce n’est pas plus mal. Autant rester actif. Thymothe se plaint de l’organisation militaire du potentiellement innocente. C’est un défouloir. La disparition de Martel l’a affecté comme nous tous et c’est sa façon d’exprimer sa douleur.

« Qu’est ce que tu en sais toi ? Et arrête cet enregistreur.

- Non il le laissera branché, j’ai besoin de témoins. »

Nanti venait d’entrer. Il avait pris le temps de se changer et sans doute de se décrasser. Ses cheveux étaient plaqués en arrière sur une queue où pas un cheveu ne sortait. Il portait ses insignes de propriétaires de vaisseau luisant sur son uniforme. J’ignorai même qu’il possédait ce genre de breloques. Il ne prenait pas la peine de perdre du temps à soigner ostensiblement son apparence et il n’avait pas besoin de tels artifices pour se faire respecter. Je me sentis sale et dépareillé. Il y avait sur le potentiellement innocente un certain laisser aller qui n’existait pas à ses débuts.

Non, j’exagérais, nous n’étions pas de telles loques d’habitude. Nous étions une équipe et la perte d’un membre avait détruit sa totalité.

Maelie était entrée sur ses talons. Elle aussi s’était changée. Je reconnus sa tenue achetée sur le vaisseau Village. Un collier plein de talismans, Une large ceinture avec de multiples poches et un couteau en travers de sa robe courte lui donnait non pas l’allure d’une petite fille ni d’une petite femme comme elle se plaisait à se déguiser mais correspondait à ce qu’elle était vraiment. Une petite Sorcière. Une de ses guerrières qui avaient réussi à s’imposer dans cet univers hostile ou souvent la seule loi connue était la loi du plus fort et où, les femmes étaient rares. D’un pas assuré, elle traversa la salle et s’assit sur une caisse vide comme s’il s’agissait d’un trône.

Nanti me fait signe. JE crois que ça veut dire que je dois me taire pour lui laisser la parole.

« Nous avons égaré un membre de notre équipe aujourd’hui. Nous ne l’avons pas perdu, nous l’avons égaré. Et sur le potentiellement innocente, on n’abandonne personne.

- Martel est mort ».

Nanti jette un regard noir à Thymothe en réponse à sa réflexion.

Ca ne me fait pas plaisir, bien sur, je préférerais qu’il soit vivant. Et il le serait peut-être si vous nous aviez dit de suite ce qu’il était et qu’on avait agi différemment.

Nanti le foudroya du regard.

« Tu effaceras cette ineptie »

« Oui patron. Je n’effacerais rien du tout. Thymothe est en droit d’exprimer son opinion, comme nous tous.

« Je suis d’accord avec Thymothe. Martel est mort. Nous en sommes tous affecté et le nier ne changera rien.

- Il n’est pas mort. La voix de Maelie a sonné avec la même autorité que si c’était Nanti lui-même. Comme si on n’en avait pas assez d’un seul sur ce modèle

« Quelqu’un l’a récupéré. Je l’ai vu et je ne suis pas le seul témoin.

Mérino dit lui ». Elle avait perdu son autorité et quémandait d’une petite voix suppliante. Je ne peux pas lui résister quand elle fait sa malheureuse ainsi mais je n’ai rien vu de vraiment rassurant et en plus tous ce qui ne marche pas de façon logique, c'est-à-dire passant par un ordinateur bien rodé m’est totalement incompréhensible. « J’ai vu Martel oui ou du moins une image de lui. Par là » Je désignais les traces de craies noires encore sur le sol. « Puis il est comme devenu flou, comme s’il se désagrégeait.

- Et quelqu’un l’a pris, tu l’as vu comme moi ».

Ca, c’est beaucoup me demander. J’ai vu une ombre qui n’était pas la sienne, c’est vrai. Enfin, je crois. Je ne sais plus ».

Le patron a mis fin à mes explications et je l’en remercie.

« Maelie est sure que Martel a tenté de se téléporter sur le potentiellement innocente avant l’explosion de sa navette. Le seul fait qu’on l’ait vu prouve en soi qu’il en avait la capacité.

- M… »

Nanti coupa cours de suite à toute opposition

« Elle pense qu’il est possible et même probable que quelqu’un d’autre l’ai intercepté et qu’il ait été dévié vers une autre destination. » Maelie hocha la tête pour confirmer les dires du Patron.

Je fronçai les sourcils et regardais autour de moi. Les autres étaient aussi sceptiques que moi. La magie, je n’y connais rien. Je sais que c’est en rapport avec d’autres mondes, ou plutôt d’autres réalités car on ne sait pas trop ce que c’est si ce n’est que ça n’obéit pas aux mêmes règles physiques que nous. Bref, ramener des choses de là bas, c’est déjà pas trop sains mais y aller pour se transporter dans l’espace c’est franchement stupide. Il y a de quoi y perdre la tête. Pas étonnant qu’il n’y ait que les gros pontes de Valence qui s’y risquent.

« Ca fait plus de sept ans que ce gosse était avec nous. Il savait très bien d’où il venait. Il appartenait au clan de Valence et ne l’a pas dit. Non seulement il ne nous faisait pas confiance mais en plus il nous mettait en danger. J’avais confiance en lui et il nous avait trahi. Et il l’avait payé de sa vie. »

Thymothe s'était lancé dans une grande tirade, c’était toujours le premier pour se plaindre. Charlie approuva de la tête. Moi aussi, J’étais d’accord avec Thymothe, sur le fond. J’étais vexé qu’il nous ait caché qui il était mais j’étais prêt à tout lui pardonner.

« Vous auriez dû nous le dire Patron ». C’était Echo, toujours fidèle à lui-même, pas un mot plus haut que l’autre.

« Vous auriez dû le savoir » répliqua Nanti. Voila, ça allait être remis sur le compte de notre incompétence.

« Martel n'avait pas d'identité. Détourner un esclave ne m’a jamais porté sur la conscience, au contraire mais, Valence a le monopole sur Calice. Détourner un esclave de Valence, c’est autre chose. Ca mérite de réfléchir aux risques encourus et de s’assurer un filet de sécurité. »

Charlie fronçait les sourcils. « Personnellement, je n’y connais rien mais, si quelqu’un, l’a intercepté ». Il avait mis dans ce mot tout le scepticisme dont il était capable « il faudrait que cette personne en ait les capacités». Il se tourna vers Maelie qui acquiesça.

« Ca fait pas grand monde et tous regroupé parmi les ponte de la corpo de Valence. »

Nanti approuva. « Voila qui restreint nettement les recherches à un champ d’action abordable.

- Vous n’envisagez tout de même pas qu’on aille le rechercher au sein d’un nid de sorciers de Valence ? »

Nanti ne répondit pas.

« Vous voudriez que notre petit équipage attaque de front la flotte de Valence pour réclamer un gosse qui ne nous appartient pas et qui est sûrement mort à l’heure actuelle ? » Thymothe insistait.

« C’est l’esprit oui » répondit Nanti. « Du moins peut-être pourrions-nous négocier avant d’attaquer.

- Mais c’est de la folie, c’est comme… Comme négocier contre Valence. » Pas besoin d’image pour ça, le proverbe était déjà tout prêt pour désigner un acte sans aucune chance d’aboutir.

« Nous avons élevé ce gosse, nous avons des droits sur lui. De plus, on ne me fera pas croire qu’ils ignoraient son existence puisqu’ils l’ont appris juste au moment où il allait se faire tuer. Non, ils savaient très bien qu’il était là. Sans doute épiaient-ils d’une façon ou d’une autre. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas repris plus tôt ? »

Il continua sans nous laisser répondre. « C’est que pour une raison que je ne m’explique pas encore, ça les arrangeait qu’il soit là. Et pour cette même raison, ils seront peut-être ouverts à une négociation.

- C’était un espion » s’indigna Charlie en tapant du poing sur la table. « C’est la seule solution. Il s’est infiltré parmi nous pour nous espionner et il l’ont récupéré quand ça devenait dangereux.

- Valence qui envoie une graine de sorcier à temps plein pour espionner le potentiellement innocente » ironisa Echo. « C’est sur qu’ils n’ont rien de plus important à faire.

- Et ne peut-on pas imaginer qu’il y ait d’autres survivants de Calice tout comme lui et que ce soit eux qui se soient chargé de lui ? » C’était la première remarque de Maelie.

« Dans ce cas, s’ils sont bien intentionnés, ils nous le ramèneront. En attendant, nous pouvons toujours nous diriger vers la flotte de Valence. »

Le silence répondit à cette remarque. Calice avait été laminée pendant la guerre et les quelques survivants avaient été la proie des Sylphides, de Valence et des indépendantistes réunis. Peu probable qu'il y ait des survivants cachés. Même moi qui adorait ce môme, je devais admettre que je ne voyais pas vers quels résultats ce plan pouvait nous mener.

« Je suis conscient que c’est la mission de loin la plus risquée que je réclame à l’équipage du potentiellement innocente. Nous avons gagné un bon paquet. Je vous propose de le distribuer entre l’équipage, vous l’avez mérité. Ceux qui voudront prendre du recul par rapport à cette mission peuvent le faire. Ils seront débarqués à leur convenance et réintégreront l’équipe une fois la question réglée. Alors, que ceux qui veulent se désister le fassent maintenant. »

On se regarda tous, se jaugeant les uns les autres. Sans doute pensait-on tous la même chose. On attend que quelqu’un face le premier pas pour partir et on suit lâchement. C’est Charlie qui se lança. Il avait toujours fait de sa lâcheté une philosophie de vie. « Vous savez, je ne fais pas vraiment parti de l’équipage et…

- Pas de discours, je ne te jugerais pas, tu peux t’en aller. »

Il hocha la tête et quitta la salle. Faudra le surveiller celui là qu'il n'aille pas nous balancer.

Thymothe se racla la gorge.

« Toi aussi tu peux partir, pas besoin d’excuse. »

Il hocha la tête « merci Maître Nanti. C’est pas que j’ai peur, si je pouvais faire quelque chose, je le ferais mais là, c’est du suicide et pour rien en plus. »

Echo s’avança.

« Tu as une femme et un gosse que tu n’as pas vu depuis au moins un an, tu as raison de partir. » dit Nanti

« Oui, j’ai raison d’autant plus que Martel nous a trahi et que nous n’avons aucune chance de le récupérer. Mais je vais rester. On va crever mais on ne pourra pas dire que j’ai lâché le potentiellement innocente. »

C’était beau ça.

« Bon ben, je reste aussi alors » maugréa Thymothe.

Je le regardai, éberlué.

« Ben quoi, je ne veux qu’on dise que j’ai moins de couilles que cette lavette d’Echo. »

Oui, mais du coup, moi non plus, je ne pouvais plus partir. J’aurai l’air aussi lâche que le doc.

Maelie, ce n’était même pas la peine de demander, elle était à fond dans le trip. Nanti hocha la tête et s’installa devant une console. Ordinateur, je veux les coordonnées pour croiser la flotte impériale de Valence.

Des données chiffrées envahirent l’écran et à la satisfaction de Nanti je compris qu’on n’était pas loin. C’est que nous faire tous tuer ne lui suffisait pas, il voulait aussi qu’on crève vite.

Ordinateur, je veux un rendez-vous avec un membre de la famille impériale.

Je ne compte pas me lancer dans une guerre contre Valence finit par avouer Nanti. J'ai d'autres ressources.

La liste de la famille régnante de Valence apparut sur l’écran. Etonnamment courte. L’empereur Pantin. Ses enfants : Malhari avec sa femme Sable, Matiz et Saline.

Les rescapés de la guerre. Une flotte pareille pour 5 personnes qui régentaient la galaxie.

« Je pensais plutôt à un entretien avec Mélanie.

Ce n’était pas bête. Elle avait très mauvaise réputation mais elle avait la même ascendance que Martel. Ca peut créer des liens.

« Audience impossible.

- Logique murmura Nanti, les esclaves n’ont pas de visite.

L’empereur, ce n’est pas la peine d’y songer. Il ne reçoit plus depuis que son état s'est aggravé. Saline est trop jeune pour recevoir. « Quel est l'ordonnance le plus disponible pour une audience ? »

Je fus étonné de constater que l’ordinateur ne sorte pas sa phrase fétiche : requête impossible. Mais désigna l’ordonnance Matiz.

Inscris moi pour une audience avec Matiz alors. Je transmets ma demande. Nanti réfléchit à la formulation de sa requête. Tout ça était trop facile, c’était louche. La corporation clanique de Valence était inabordable. C’était de notoriété publique. « Vaisseau » dis-je sous le coup d’une impulsion. « Pour une audience privée avec l'ordonnance Matiz quelle est le délai d’attente.

La réponse me parvint instantanément « Entre 68ans huit mois et 6jours et 99 ans 5mois et deux jours suivant l’importance de la requête. » En plus leurs années étaient plus longues que les nôtres.

Oui, ça c’était plus l’esprit de Valence, je suis prêt à vous écouter, j’attends juste que vous soyez mort de vieillesse. En attendant faites ce que je dis.

« Bien vu Mérino. Ordinateur, mets-moi en communication avec l’administratif de l’Impérium.

Communication prise en compte par relais 5, 7 et 10. Délai, cinquante minutes.

C’est plus raisonnable ça. Cinquante minutes pour nous entendre dire que c’était impossible.

Nanti se prit la tête dans les mains et envoya sa tête en arrière. Note vaisseau. Le commandant et propriétaire du potentiellement innocente réclame une audience à l’ordonnance Matiz de Valence.

- De la corporation clanique de Valence corrigea l’ordinateur.

- Si tu veux oui

La correction se fit et le message disparut. Cinquante minutes pile après la Communication avec l’administratif de l’Impérium était établie. Un oiseau symbole de Valence apparut sur l’écran. Je vous transmets un message pour l’ordonnance Matiz. » Dit Nanti. « Je souhaiterai une réponse dans les plus brefs délais.

Votre demande sera traitée… » Il y eut un blanc. « Commandant du potentiellement innocente.

Ca y est les messages étaient parvenus.

« Bref délai veut dire combien d’année ? » demanda Nanti très sérieux.

Il y eut comme un petit rire après le décalage de temps du aux relais de réception. Tout dépend de l’importance de votre requête et de l’importance de votre personne mais si vous êtes un homme influent, que L’IA de l’impérium estime votre demande justifiée, et que l’ordonnance Matiz n’a pas un emploi du temps trop chargé, vous pouvez espérer une réponse dans cinq ou dix ans pour un rendez-vous dans une vingtaine d’année.

- Dans ce cas » dit Nanti en hochant la tête, « je compte sur un résultat à la fin de la semaine ». Il coupa la communication et sourit.

« Si vraiment Valence est dans le coup, j’aurais ma réponse.

- Et pourquoi ?

- Ils devineront aisément le motif de ma demande.

- C’est un ordinateur qui va traiter la demande, pas un des mecs de Valence.

- Non, pas un ordinateur, une intelligence artificielle. Ils ont beau les avoir interdit pour les autres, ils ne se gênent pas pour en utiliser pour eux.

« Leur IA n’est tout de même pas au courant de nos petits déboires avec Martel ?

- Non, mais leur IA est suffisamment performante pour trouver qui je suis et estimer que le message doit être transmis à Matiz ».

J’avais de sérieux doutes. La réputation de Nanti n’allait pas jusque là. Bien sur et ils devineront aussi qu’on fait des histoires parce qu’ils ont pris Martel et nous inviteront peut-être à venir nous faire tuer sur place afin qu’ils n’aient pas à se déplacer pour nous transformer en cadavre. J’avais encore assez de jugeottes pour garder ces dernières réflexions pour moi.

Chapitre 19

19

03/09/3023 Datation légale de Valence.

10H30/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Le patron a proposé de rester quelques jours sur la station afin de profiter de notre paiement mais il s’est rétracté voyant l’épuisement de Maelie et a décrété qu’on repartait de suite vers B45 ou Charlie pourrait mettre ses talents à exécution afin de rendre quelques prostituées moins moches et qu’on s’arrêterait sur la route quand Maelie serait en mesure d’en profiter. Il a même émis l’idée de se poser au carrefour F45, sachant que la station était réputée pour ses académies et nombreux lieux d’enseignements pour fils et filles de nomades comme nous et qu’il y avait par conséquent de nombreuses activités ciblant les plus jeunes. Devant l’air abattu de Maelie, il a hésité puis a dit. Cap sur A1. On s’est tous regardé afin de savoir si on avait bien entendu. A1 est considéré comme la station au centre du système. C’est une base planétaire mais sur une planète sans atmosphère. Elle est excessivement huppée et on y retrouve toute la haute noblesse des corpos dévouées à Valence. Maelie a eu une lueur d’intérêt et Thymothe a lancé un « qu’est-ce qu’on irait faire dans ce trou ? »

- Ce trou comme tu dis est la station la plus réputée du système.

- Elle est envahi par les hommes de Valence » a fait remarquer Echo.

« Oui » dit Nanti. « Ca tombe bien, nous n’avons rien à nous reprocher et c’est surtout un grand centre de la mode. Qu’est-ce que tu en dis Maelie, nous pourrions aller voir des défilés et te choisir de jolies robes ? »

Elle a à peine hoché la tête et s’est endormie dans son fauteuil.

C’est la première fois que je voyais le patron rongé par le remord à moins que qu'il soit en train de calculer le nombre de clients potentiels pleins aux as qu'il pourrait appâter là-bas. J'étais comme qui dirait, légèrement jaloux de l'attention qu'il pouvait porter à Maelie alors qu'il n'aurait pas fait un détour de quelques heures pour moi.

« Moi aussi j’ai bossé ». Ai-je lâché. Je n’aurai pas du lui dire ça. Il m’a dévisagé comme si j’étais le dernier des rustres. « Et alors ? » a-t-il dit, « tu voudrais sans doute que je t’offre une pute ? »

Thymothe a murmuré pour moi seule : « si il veut faire plaisir à Maelie, il devrait lui offrir un ou deux mercenaires pour taper dessus ». Il l’a dit trop fort et Nanti l’a renvoyé dans ses quartiers. Il n’a aucun humour et il n’a pas encore digéré ces histoires de combats de rue.

« Mérino, le propulseur arrière a des ratés. »

Pas moyen d’avoir une minute tranquille ici. Je me lève à contrecoeur et jette un œil à Maelie qui s’est endormie dans un coin de la salle commune la tête renversée sur une caisse vide.

Je l’aurais bien portée jusqu’à sa couchette mais je n’ose pas.

Je butte presque contre Martel qui m’évite au dernier moment et me regarde comme s’il était face à un fantôme. J’ai si mauvaise mine ?

Il continue à me fixer avec des yeux exorbités.

« C'est un piège

- Quoi ?

- Faut qu'on fiche le camp.

- Bien sur, bien sur. Tu peux être plus précis ? Que risque-t-on exactement ?

- Je ne sais pas. Ote ton sourire niais, on est en danger alors commence par vérifier le vaisseau. Il est peut-être piégé. A moins que nous ayons un espion à bord.

Il continue à débloquer sévère. Il passe trop de temps avec Maelie. « Pas la peine de me parler si sèchement », mais je vais quand même vérifier. Le propulseur arrière m'a fait des trucs bizarres. Il semble marcher par à coup. Bon après, dans le potentiellement innocente tout marche par à coup.

Le cœur du vaisseau, c’est vraiment chez moi. Au moins, les machines sont logiques, elles s’expriment dans un langage que je peux comprendre. Rien qu’aux bruits, je sais ce qui ne va pas. Enfin, en général. Là, tout ronronne comme il faut.

Au cas où, je pose la question au potentiellement innocente : « Vaisseau, qu’est ce qui ne va pas ?

- Le propulseur arrière a des ratés.

- Et Pourquoi ?

- Précisez pourquoi ?

- Pourquoi le propulseur arrière a-t-il des ratés ?

- Parce qu’il marche par à coup ».

Merci pour ce formidable éclaircissement vaisseau. J’te jure, je me demande pourquoi je continue à tenter d’avoir une discussion constructive avec cette machine.

J’ouvre la trappe afin de libérer les câbles et de faire une vérification d’usage des segments. Pas de soucis. Sauf peut-être sur la pression. Ca s’échauffe un peu. Je libère le gaz afin de refroidir la bête. Il s’en suis un sifflement puis une vapeur blanche qui se met à rosir, à s’élever jusqu’à occuper une bonne partie du réduit.

Je tombe en arrière et me reçois sur les fesses tout en continuant à me contorsionner pour atteindre le plus vite possible l’autre bout de la pièce. « Un Sylphide » dis-je d’une voix étranglée. En tremblant. « Vaisseau, alerte générale, branche l’interphone. Je hurle pour les autres membres d’équipage. « Un Sylphide en salle des machines ».

Trop tard, la vapeur rose se disloque puis reprends de la couleur avant de s’élever et de traverser le champ de force.

Le temps que Thymothe arrive une barre de fer à la main comme si ça pouvait nous être d’une quelconque utilité face à une intelligence gazeuse, il ne reste qu’une légère tâche rosée loin sur l’horizon.

Le patron arrive à son tour et fixe l’horizon même si nul trace du Sylphide n’est plus visible.

« Il t’a parlé ? » me demande-t-il. Je frissonne rien qu’à l’idée d’une communication avec ce genre de truc. « Non » dis-je.

Nanti parait déçu. Je devrais peut-être m’excuser de ne pas avoir tenté de parlementer avec un truc qui entre dans ton esprit pour te lancer son message.

« Il ne peut pas aller bien loin, il a besoin de respirer. Où a-t-il pu foutre le camp ? Qu’est ce qu’on a dans le coin avec de l’oxygène et du souffre ? »

Echo répond à travers le système de communication interne de l’ordinateur. « Pour le souffre, l’ordinateur ne répertorie pas les sources mais en oxygène, le plus proche, c’est la station R57 à deux jours vitesse standard.

- Trop loin » dit Nanti en secouant la tête.

« Ca veut dire qu’il va revenir » lance Thymothe.

« Où est Maelie ?

- Elle dort.

- Patron, je crois que vous feriez mieux de venir en salle des commandes et d’emmener Maelie avec vous.

- Que se passe-t-il Echo ?

- J’ai des signaux radars. Beaucoup de signaux.

« Ca n’a pas de sens » m’écriai-je en rejoignant les autres en salle de pilotage. Il n'y avait rien à peine deux minutes plus tôt et maintenant, Le cercle de vaisseaux se rétrécissait autour de nous. « Il devait être dissimulé par sorcellerie et Maelie trop faible pour les repérer » déclara Nanti. On a réveillé Maelie mais elle restait dans une sorte d’hébétude. Le patron jeta encore un œil sur elle. Ce n’est pas suffisant. C’est une flotte sous l’autorité des Sylphides, sans doute ces boules de gaz transmettent-ils notre position.

« Allez Maelie. J’’essayais tous les encouragements possibles. Tu as bien réussi à quitter leur base sans te faire voir.

- Je suis si fatiguée » se lamenta-t-elle.

« Ses fumiers ont tout prévu » se contenta de remarquer Nanti sans la moindre trace d’émotion. « Sans doute leur espion traine-t-il dans notre vaisseau depuis des jours. Peut-être même depuis qu’on les a repéré avant même d’embarquer la terre sur la belle d’été.

C’est absurde, en ce cas, ils nous auraient attaqué avant afin d’avoir la marchandise.

- Ils attendaient que Maelie soit à bout sans doute. Ils n’en ont rien à faire de quelques tonnes de terre.

« Mais qu’est-ce qu’ils veulent ?» Je me mordis immédiatement les lèvres. La réponse était évidente, ils veulent récupérer Maelie. Martel a accouru sur le pont au moment où Maelie s’est effondrée. Il est arrivé à point pour la récupérer dans ses bras. S’ils viennent ils vont la prendre » s’exclama-t-il. Brillante déduction petit gars.

« Il faut faire quelque chose !

- Bien sur, j’attends tes propositions Martel ». Grinça Nanti.

Il réfléchit quelques instants puis, ne trouvant rien, déversa sa peur sous forme de colère. « Vous n’êtes qu’un sale égoïste, d’abords vous l’usez jusqu’à la moelle et ensuite vous seriez prêt à la donner en pâture aux Sylphides. » Ca faisait longtemps qu’il n’avait pas crié ainsi.

- Bien sur Martel » reprit Nanti calmement. « On se jette sur leurs vaisseaux jusqu’à s’écraser sur leur champs de force et on meurt tous en héros.

- C’est toujours mieux que de capituler » s’exclama-t-il.

- Tu crois vraiment qu'ils ont mis cette armada en place juste pour Maelie ? Ils ne voudraient pas aussi un en cas supplémentaire ? Dit Nanti en fixant Martel

- Que voulez-vous dire ? »

Echo envoie le signal de reddition. Martel refusa d’en entendre d’avantage. Il posa délicatement Maelie sur le sol et quitta la salle des commandes.

« Un peu de calme » murmura Nanti.

« D’accord, il est inconscient mais il faut admettre que votre attitude…

- La ferme Mérino. Echo, tu vas attendre qu’ils soient sur le point de nous aborder et tu plonges en piqué tout en préparant tes coordonnées d'accélération

- Nous n’aurons jamais le temps.

- Il faudra qu’on l’ait. »

Un vaisseau approchait. Autour de lui le halo rose de plusieurs Sylphides. Ces derniers ne semblaient pas prêts à nous aborder. Ils resteraient sans doute en retrait laissant leurs sbires faire le sale boulot. C’était dégradant pour un Sylphide d’entrer en contact avec un humain. Ils en étaient capable mais uniquement quand c’était dans leur intérêt et qu’ils n’avaient pas le choix ou alors avec quelques sorciers télépathes qu’ils estiment légèrement moins primitifs. Ses prétentieux étaient pourtant bien content de s’entourer de flottes humaines pour les servir, leur fournir des vaisseaux pour se déplacer dans l’espace à grande vitesse et leur fournissant une réserve d’oxygène, de souffre et même de la lumière de synthèse nécessaire à leur survie. Un nouvel hologramme apparut devant mon nez, clignota un instant et disparut. « C’est quoi ca ?

- C’est pas normal » s’écria Echo « C’est la navette de secours qui s’est décrochée. »

Charlie qui se fait la malle pensai-je mais ce dernier entra en trombe dans la salle. "Martel a fichu le camp. Ce salop a fuit comme un lâche sans nous attendre".

- Tant mieux » grogna Thymothe. Fixés comme ils sont sur Maelie, ils le laisseront tranquille. Qu’au moins un de nous ait une chance de survivre. C’est un brave gars, il le mérite ».

Thymothe se récolta une bonne claque derrière la nuque de la part de Nanti. "Tout le monde n’est pas aussi lâche que toi, il veut sauver notre peau »

- Cet idiot fonce sur la flotte Sylphide » dit Echo et désignant un point sur le radar.

« Il n’a aucune chance.

- Ce petit crétin veut détourner l’attention sur lui pour nous donner le temps de filer.

- Qu’est-ce qu’il s’imagine, que les Sylphides vont porter le moindre intérêt à sa petite personne ? »

Comme pour me contredire, le vaisseau le plus proche fit volte face pour prendre en chasse la navette.

"moins vite cracha Nanti, c’est du suicide son approche.

- On fait quoi ?

Pour la première fois je vis Nanti hésiter.

Maelie refit surface et encore dans les vapes murmura quelques mots du genre "qu’est ce qu’il se passe ?

- Tu plonges et tu prépares les coordonnées d’accélération.

- On ne peut pas laisser Martel.

- On ne peut pas non plus le récupérer. Il nous rattrapera ou il moura. »

Je tentai d’apercevoir la navette perdue dans l’obscurité.

Echo plongea puis la gravité artificielle nous remit sur pied. Maelie parut comprendre la situation. « Martel » hurla-t-elle. « Il faut le récupérer.

- Il devrait pouvoir se frayer un passage, les Sylphides ne s’occuperont pas de lui, c’est toi qu’ils veulent » dit Thymothe.

« T’es qu’un idiot, c’est Martel qu’ils veulent.

- Pourquoi en voudraient-ils au gamin ?

- Vous êtes tous des crétins aveugles dans ce vaisseau s’exclama Maelie.

Martel vient de Calice et les Sylphides ont une haine invétérée contre Calice.

Le silence se fit intense en réponse aux élucubrations de Maelie. Apparemment, elle divaguait toujours.

Je me tournai vers Nanti pensant l’entendre démentir mais il resta silencieux. Quand enfin il prit la parole, ce fut pour dire à Echo : « Rester ici ne sert à rien. Demi tour Echo. On file tant qu’ils sont braqués sur la navette.

- On ne va pas laisser Martel ?

- On ne peut rien faire en restant ici. J’ai dit demi tour. Tout de suite » ajouta-t-il en ne voyant rien bouger.

Maelie était tombée à genoux et s’était mise à geindre. « C’est vrai » insista-t-elle, « ils vont tuer Martel. »

Bien sur Maelie et on va refaire un gros dodo. Vu la situation on ne va peut-être même pas se réveiller.

- Tu crois que je ne connais pas mes hommes petite fille » répliqua Nanti.

- Vous voulez dire que vous le saviez ? »

C'est qu'elle insistait en plus.

« Je l’ai su à la minute où il a mis le pied sur ce vaisseau ».

Là, je crois qu'on s'est tous tourné en même temps vers Nanti. La folie de Maelie serait-elle contagieuse ?

« Ce n’est pas poss…

- Echo, les coordonnées. Maelie, tu lui fais un pont transdimensionnel ou je ne sais quoi pour le faire revenir. Je pense cet idiot apte à détourner la magie Sylphide mais sûrement pas les tirs des mercenaires.

- Mais je n’y connais rien.

- Fais ce que tu peux. Il tentera sûrement de revenir, montre lui le chemin, débrouille toi. Il doit avoir les moyens de se sortir de là.

- Mais il n’a pas d’implant, ça le tuerait.

- Fais ce que tu peux et de suite. Allez, exécution. »

Elle hocha la tête.

« Mérino, qu'est ce que tu fais planté là, va l’aider ».

Je renonce à essayer de comprendre et Je me précipitai à la suite de la petite fille. S’il y avait ne fut-ce qu’une chance de pouvoir se sortir de se merdier, j’étais prêt à tout même si la patron avait perdu la raison. On aurait bien le temps de m’expliquer une fois à quelques années lumière de ses traîtres à leur race. Maelie devait être dans le même état d’esprit car elle semblait avoir trouver une nouvelle vigueur.

Elle courut à sa cabine, en sortit une petite valise qu’elle jeta presque dans la grande salle nettoyée de sa terre

Elle en sortit un gros feutre blanc, de la poudre noire et un attirail d’aimants et de fils de tungstène.

Je me retins de lui demander si ses artifices pouvaient avoir une quelconque utilité, j’avais bien trop peur qu’elle me réponde non.

Je finis par craquer. « Qu’est-ce qu’on fait ? Maelie. »

Elle dessinait des figures abstraites sur tout le sol de la grande salle. Elle me répondit sans même lever les yeux récitant comme un texte appris par cœur.

« Nanti et moi pensons qu'on peut faire revenir Martel en passant par une autre réalité. Une réalité où l'espace entre sa navette et nous n'existe pas.

- on se calme, on revient au monde réel, il est inutile de faire appel à une magie que ne possède que la famille de Valence. D’ailleurs je préfèrerais qu’on évite de parler de trucs déments, ça porte malheur.

« Nanti demande si on peut passer en vitesse supérieure. Il pense que si il nous voit nous mettre hors de porté, il tentera à son tour de s’échapper.

Le cercle se resserre autour de lui. Et plus on attend plus ses chances sont minces. » Thymothe regardait Maelie. Sans doute Maître Nanti avait-il demandé que Maelie confirme ses instructions.

« On s’en va » dit-elle prenant une craie de couleur pour accentuer certains motifs.

Comme si c’était le moment de faire de l’art.

Comme en réponse à mes pensées, elle souleva la tête et d’une main pleine de craie et ôta quelques mèches collantes de transpiration sur son visage. « Ses signes représentent Martel et le potentiellement innocente » dit-elle très vite.

« En le délimitant par un champ magnétique conséquent. Ca devrait lui servir de point d’ancrage. Théoriquement sur une distance courte et avec un pouvoir suffisant c’est possible sans implants. Du moins les premiers sorciers à utiliser les autres réalités pour se déplacer dans l’espace avant l’invention des implants se guidaient ainsi. Bien sur, la plupart se disloquaient et mourraient mais il y a des précédents»

Je hochai la tête. Je n’avais rien compris, je ne voyais pas en quoi ça représentait quoi que se soit mais je ne voulais pas qu’elle perde du temps à m’expliquer.

« Et on fait quoi maintenant ?

- On attend » dit-elle les épaules basses et les bras ballants. « Je ne peux rien faire de plus.

Nous sommes prêt à passer dans le couloir d’accélération a lancé Thymothe.

- Ok, on attend le dernier moment.

Le patron descendit à son tour et observa les motifs, je fus étonné de constater qu’il ne critiqua pas l’inutilité de la chose.

- Crois-tu qu’il en est capable ? demanda-t-il à Maelie.

- En vérité ? Non.

« Capable de quoi ? » On parlait encore de Martel ou quoi ?

Nanti m’attrapa par la chemise et me tira violemment en arrière. Martel était apparu roulé en boule au centre des dessins de Maelie. Son image vacilla comme Maelie quand elle était en train de disparaître puis parut se fragmenter, se diviser, comme si chaque cellule de son corps s’éloignait les unes des autres.

« Il n'y arrivera pas » hurla Maelie.

Fais quelque chose. Dis-je à Maelie. Je n'y comprenais rien mais je ne voyais pas quoi dire d'autre.

Je peux pas dit-elle affolée je ne suis pas assez puissante. Puis il y eut une ombre qui assombrit l'image de Martel lui et son corps se reforma. Il sembla se faire happer comme par une main d'ombre noire et on entendit même un hurlement mais comme étouffé puis tout disparu.

« Ces salops ont fait exploser la navette » lança Echo

Je ne sais plus trop ce qu’il s’est passé ensuite. Le choc m’a chamboulé le cerveau.

Echo a parlé de Martel, en disant qu’il s’est jeté sur le vaisseau principal et qu’ils l’ont descendu.

Je ne pouvais accepter ne fut ce que la possibilité que Martel soit mort. Ce matin on jouait encore aux cartes. Qu’il se soit fait descendre par une flotte Sylphide était tout simplement impossible. Beaucoup trop douloureux pour être concevable. Personne ne disait mot.

Nanti a été le premier à briser le silence. La flotte va se retourner contre nous. Ils ne rechigneront pas à récupérer Maelie en prime. Passage immédiat dans le couloir d’accélération avant de perdre le créneau.

On s’est retrouvé au milieu du vide. Un vide qui n’avait jamais paru aussi vide.

Je me suis laissé tomber contre une cloison virtuelle. Les autres sont descendus nous rejoindre peu à peu. Charlie d’abord. Il a posé sa main sur mon épaule et s’est assis à coté de moi. J’aurais voulu le frapper. C’était qu’un lâche et sans doute se réjouissait-il d’être vivant à l’heure actuelle. Echo est venu aussi. Il gardait la tête baissée. Il a traversé la salle mais a continué sans s’arrêter et j’ai vu qu’il pleurait.

Le patron a pris une grande inspiration comme il faisait avant de sortir une information déterminante. « Maelie dit-il. Quelle est la probabilité qu’il soit encore en vie ?

- Comment voulez-vous qu’il soit en vie, sa navette a explosé » s’est exclamé Thymothe.

« J’ai demandé à Maelie ?

Elle secoua la tête puis explosa à son tour. « Evidemment, il est vivant, il ne peut pas être mort. Il ne peut pas ». Son menton tremblait et ses yeux s’embuaient.

« Ha oui, et comment on survit quand sa navette est réduite en poudre ?

- Mais il n’était pas dedans quand elle a explosé.

- Il était où alors ? hurla Thymothe.

- On se calme. » La voix de Nanti était plus faible mais son autorité sans faille et ni Maelie ni Thymothe n'ajoutèrent un mot.

Charlie mit les pieds dans le plat. « Martel venait vraiment de Calice ?

Nanti leva les yeux. « Si vous aviez un tant soit peu étudié la situation alors, vous l’auriez deviné. Le seul bâtiment d’importance qui avait explosé dans la zone où nous sommes allés le chercher, c’est le palais d’été de Valence et il n’y a que leur suite qui ait un implant A.

« Mais pourquoi ne l’a-t-il pas dit ?

- Sans doute craignait-il qu’on le renvoie à Valence contre une jolie fortune.

- Mais nous n’aurions jamais rien fait de tel ! »

Je n’ajoutai rien d’autre mais ne pus m’empêcher de regarder autour de moi. Charlie s’était ouvert une bouteille. Il avait bien la tête du gars qui pourrait vendre sa mère contre une place en vaisseau croisière. Et Thymothe, toujours prêt à la magouille pour un ou deux crédits. Et moi au fond, les premiers mois avec Martel, je ne cessai de répéter qu’il fallait trouver d’où il venait pour le rendre à sa famille contre une prime substantielle voire s’en débarrasser n’importe où. Si j’avais su à l’époque le paquet que j’aurai pu en tirer ! Quoique, Valence nous aurait poignardé dans le dos avant qu’on dépense les premiers sous de la prime.

« Je pense que quelqu’un l’a enlevé » dit soudain Maelie.

« Quoi ? Mais c’est ridicule. »

Maelie a essayé de me frapper mais j’ai retenu sa main. Outre ses pouvoirs flippant, elle n’a pas plus de force qu’une autre gamine de son age « Mais tu es témoin » s’exclama-t-elle. Tu l’as vu se matérialiser dans le vaisseau et tu as vu qu’une ombre l’a arraché.

Qui a fait quoi ? » c’est vrai, Echo n’était pas présent lors des petits dessins de Maelie et moi, j’ai bien vu quelque chose mis rien que je puisse expliquer. Il y avait bien une ombre mais Maelie en fait pleins d’ombres. Elle est même plus balèze encore en ombre qu’en dissimulation.

« Il s’est dématérialisé. Il est passé de la navette au vaisseau.

- C’est totalement impossible. » dit Thymothe. Et j’étais d’accord avec lui. Mais pas Maelie

« C’est possible

- Mais s’il avait réussi, il serait là ». Je ne voulais pas qu’on me donne des faux espoirs. Je préférai souffrir une bonne fois.

« Non », s’exclama Maelie, « il y avait quelqu’un d’autre. Je l’ai perçu. Comme une main qui l’agrippait et qui l’entraînait avec elle et tu l’as vu aussi. Il est vivant je vous dis. Mais quelqu’un l’a enlevé.

Une entité démoniaque surgie d'autres réalités s'exclama Thymothe.

Maelie haussa les épaules et à son air je compris que Thymothe avait tout faux. Moi j'y connaissais rien dans ces trucs et s'y on me disait que des trucs venant d'autres réalités pouvaient enlever des gamins, je le croirais volontiers.

« Quelqu’un ayant les mêmes pouvoirs que lui. » dit Maelie

- Martel n’a pas de pouvoir, c’est un bon petit gars »

Je me suis pris un regard incendiaire de Maelie. Et quand je dis ça, c’est pas au figuré, elle m’a vraiment brûlé et si Nanti ne l’avais pas arrêtée, je ne sais pas ce qu’elle m’aurait mis. C’est que je veux bien admettre que c’est une brave fille mais les sorcières, moins on s’y frotte mieux on se porte.

Chapitre 18

18

01/09/3023 Datation légale de Valence.

23H30/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Journal de bord du potentiellement innocente.

La livraison s’est effectuée comme prévue. Des tonnes de terres noires entassées dans le vaisseau ainsi que sur une remorque. Je n’en ai jamais vu autant excepté sur le vaisseau Village. Maître Nanti a tant rempli le vaisseau qu’il a fallu diminuer les espaces de vie mais on s'est serré en songeant au fric que ça allait nous rapporter

Il nous a fallu trois semaines pour arriver à bon port et vider la cargaison dans les serres de la base D3454. C’était ma première visite sur cette station. Elle est propre est bien tenue. Les tours sont espacées et on voit peu de monde dormir hors des espaces privatifs. On s’y sent en sécurité. Une milice au service de la population y est active et ne tolère aucune incartade ce qui est rare pour une base si éloignée des activités planétaires.

Plusieurs fois durant le trajet notre radar a croisé celui d’autres vaisseaux. A chaque fois nous avons effectué un détour de précaution et Maelie s’est attelé à brouiller leurs transmissions. Je ne sais pas comme elle s’y prend mais ça l’épuise. Elle a toujours l’air ailleurs et une fois sur deux répond à coté aux questions qu’on lui pose. Le reste du temps, elle n’y répond même pas. Si j’ai bien compris, le patron a exigé qu’elle tienne un écran dissimulateur autour du vaisseau en permanence, même faible mais il veut une protection constante. C’est impossible, elle doit se reposer de temps en temps mais elle fragmente ses heures de sommeil au maximum. On dirait qu’on lui a peint des cernes au feutre sur son visage. Elle est blanche comme un cadavre et ne s’alimente pratiquement pas.

Elle me fait pitié bien sur mais je ne peux m’empêcher de penser que si elle n’avait pas commencé sa mission après une nuit blanche, elle aurait eu plus facile. En effet, elle m’a eu proprement. J’étais chargé de veiller sur elle tandis que les autres étaient partis effectuer le chargement sur la belle d’été. Elle était vexée de ne pas avoir pu les accompagner mais en employée modèle avait demandé elle-même à se coucher tôt pour être en pleine possession de ses moyens. Je l’avais trouvé très responsable, j'aurais dû trouver ça louche. Je l’ai donc raccompagnée à notre hôtel, lui ai souhaité une bonne nuit puis j’en ai profité pour me faire une virée. J’avais droit.

J’ai laissé derrières moi les petits cafés proprets dépourvus d’ambiance. Près des plates formes d’amarrages, il y avait des coins plus animés. J’ai pris quelques verres dans un bar pas très propre mais de bonne ambiance et lié connaissance avec des mecs d’un équipage spécialisés en transport de pièces détachés. On a parlé mécanique un bon moment puis les sujets sont devenus moins sérieux au fur et à mesure des tournées. Ensuite un de leurs potes, un sédentaire de la station nous a donné une adresse, à voir absolument qu’il a dit. On y est allé et les serveuses avaient pour tout vêtement une large ceinture moulante sur les hanches. Superbe mais interdit de toucher. Après, j’ai demandé à mes nouveaux camarades s’il n’y avait pas des établissements où les filles étaient, disons moins farouches. On m’a donné une adresse et plusieurs mecs m’ont suivi. On est passé par des coins vraiment craignos ou des mecs faisaient des paris sur des combats de rue. Je n’aime pas ce genre d’exhibition. C’est violent et dangereux inutilement. La vie est suffisamment dure, pour éviter d’en rajouter. Ca criait des enchères de partout et il y avait un bel attroupement. J’ai pas pu m’empêcher de m’approcher. Mais je n’étais pas tout seul. A ma décharge, ce sont mes nouveaux potes qui ont commencé par se frayer un passage et Rial, c’est un des mecs que j’avais rencontré, est ressorti de la masse de spectateur en gueulant qu’il lui fallait absolument de quoi miser. Alors je me suis approché, mais juste pour critiquer en connaissance de cause. Il y avait un mec vraiment impressionnant mais à mon avis, plus en graisse qu’en muscle. Cela dit, il fallait être fêlé pour se mesurer à toute personne dépassant les deux mètres vingt. Il vacillait dangereusement et portait déjà un beau coquart. Le combat devait être déjà sérieusement entamé. « Ca fait plus de vingt minutes qu’ils y sont » m'a confirmé un mec en me proposant de parier sur la petite. « Je suis sur qu'elle fait durer le plaisir » m'a-t-il précisé.

« La petite ? » Je n'ai pas eu le temps d'intégrer les données qu'une brume noire s’est intensifiée et a pris la forme d’un long serpent qui, gueule ouverte, s'est jeté sur son adversaire. Je connaissais pour m’être déjà trouvé en face à face avec ce genre de bestioles dans le vaisseau. Le géant s'est jeté sur le coté mais il avait reçu le coup à l’épaule et a vacillé avant de récupérer son équilibre et avec une agilité peu en rapport avec son poids, a jeté son poing en avant. Le monstre a disparu et seul est resté visible Maelie, les cheveux plaqués par la sueur, ses vêtements en lambeaux et le nez en sang. Elle s’est essuyé du revers d’un reste de manche, a disparu sous les cris de la foule puis est reparue derrière son adversaire et a préparé un nouveau sortilège qui s'est matérialisé sous forme de nuage rouge qui a pris rapidement une teinte incandescente tandis que le géant chargeait de nouveau. Il fallait que j’arrête ça de suite.

« Maelie ! » ai-je hurlé tandis que le nuage s’élevait dans l’air. Le sortilège a pris son apparence matérielle et est retombé sous forme de gouttes aussi visqueuses et rouge que du sang directement sur Maelie et son adversaire.

Les deux se sont mis à crier de douleur et j’en ai profité pour me glisser dans l’arène improvisée et attraper Maelie.

Quels avaient été les mots exacts de Nanti avant son départ pour la belle d'été ? Je récupère la teneur exacte de son message dans la mémoire du drone : « Mérino, Assure-toi que Maelie reste en sûreté. Certains jeunes hommes ont des attitudes peu convenables faces aux jeunes filles. Choisis un hôtel dans un endroit tranquille, même si c’est plus cher, c’est moi qui offre mais une jeune fille n’a pas à traverser ce genre de quartier que mon équipage ne devrait pas fréquenter non plus ». Parfois, je me demande où Nanti a été élevé pour avoir ce genre de principe mais quand il s’agit de Maelie, je suis d’accord. J’ai réussi à happer Maelie hors du combat tandis qu’elle vociférait des injures à mon encontre. Je crois qu’en l’appelant, je l’avais distrait et qu’elle s’était fait brûler par son propre sortilège. Bien fait. Ensuite, ce fut la foule qui s'est retournée contre moi. Les gens n'aiment pas qu’on leur ôte leur spectacle surtout quand ils misent un paquet de fric. Les coups ont fusé de toutes parts. J’en ai rendu quelques uns au passage avant de me faire submerger par le nombre puis de me faire recouvrir par un brouillard noir qui s'est mis à scintiller. Il y a eu des cris en tous sens. J’ai attrapé la main de Maelie et me suis mis à courir sans me préoccuper de savoir si elle arrivait à me suivre ou pas ou si une entité démoniaque risquait de m’attraper. Une fois à l’écart, je l’ai envoyé valser contre un paquet d’ordure et lui ai assené une gifle supplémentaire. C'était la première fois que je la frappais et même à Martel, je n'avais jamais donné la moindre taloche même si parfois il méritait mais là, elle avait vraiment exagéré. Après coup, je me suis rendu compte de mon acte et j'ai eu vraiment peur. Pour moi, pas pour elle mais elle s'est contenté de dire : « Aïe » et de se frotter la joue alors qu’elle avait tout le reste en sang.

Voyant qu'elle ne semblait pas avoir l'intention de s'attaquer à moi, j'ai repris confiance et lui ai dit ce que je pensais : « Mais tu es malade » Tout ce qu'elle a cru bon de répondre c'est : « J’allais gagner. C'est juste qu'il m'a pris de vitesse. » puis elle s'est remis tant bien que mal sur ses pieds. Elle a reniflé bruyamment et son nez s'est remit à saigner. Puis elle a insisté en disant « Tu as tout gâché ». Elle était suffisamment proche pour que me faire profiter de son haleine imbibée d’alcool. De toute façon rien qu'à son élocution, j'avais repéré de suite qu'elle avait bu pourtant, moi, je devais avoir autant d'alcool qu’elle dans le sang. Ce devait être pour cela que je ne pouvais pas détacher mon regard d’un de ses seins mis à nu quand sa manche avait craquée. Je me suis repris, j'ai ôté ma chemise pour la recouvrir tel un gentleman et j'ai cru bon de remarquer : « Et en plus tu pues l’alcool » comme si au point où on en était ça pouvait faire une différence. Elle s'est laissée faire et je l’ai entraîné avec moi. Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça elle m'a dit « J’avais besoin de me défouler. »

Moi, quand je veux me défouler, je ne fais pas un massacre. Je le lui ai dit. Tout ce qu'elle a trouvé à me répliquer c'est : « C’est vrai, toi, tu vas aux putes. »

Qu’est ce que je pouvais répondre à ça. J'ai dit : « C’est moins pire, Nanti va me tuer, je devais veiller sur toi. »

Elle s'est mise à rire. « Toi, veiller sur moi ? Si je n’avais pas été là, tu te serais fait massacrer par la foule.

- Si tu n’avais pas été là, je n’aurai pas eu à me mettre la foule à dos lui ai-je répliqué du tac au tac.

Une jeune fille qui se montre en spectacle dans des combats de rue. Typiquement le genre de chose que le patron prendrait en exemple pour montrer la déchéance de la société.

Etait-ce de notre faute ? Qu’avions nous mal fait avec cette petite ? Sans doute manquait-elle d’un modèle féminin. Mais rien ne justifiait pareil comportement. J’avais beau être rongé par le remord, une autre partie de moi, était fière. Notre sorcière même bourrée, était de taille à affronter un champion de combat de rue. Elle était peut-être spécialisée dans la dissimulation, mais ses autres magies faisaient aussi leurs petits effets. J’aurai bien voulu savoir si elle aurait gagnée. C’était des idées dignes de Thymothe. Et c’est justement pour ça que Nanti ne voulait pas la laisser avec Thymothe.

Et ce n'est pas tout, après, nous sommes arrivés à l'hôtel. La petite Maelie reniflait. Elle avait de longues traînées de crasses mélangées à son maquillage le long des joues. Jamais je n’avais vu Maelie pleurer.

Puis elle s'est fourrée dans mes bras et s'est mis à sangloter pour de bon en disant : « C’est pas juste, la vie est injuste. »

Hé oui, la vie était injuste.

Evidemment, on nous a regardé avec suspicion quant on est rentré dans l’hôtel. On nous demandé d'abord poliment si on avait eu des soucis ? Là, j'ai fait une gaffe. J'ai voulu la jouer genre ironie et j'ai répondu :« Non pourquoi ?

C’était une mauvaise réponse. Nous n’étions même pas arrivés à l’ascenseur que le directeur s’est interposé et a tenté de nous renvoyer. Maelie s'est rattrapée sur ce coup là. Elle sanglotait toujours. « On s’est fait attaquer » a-t-elle dit entre deux sanglots.

Revirement de situation, nous fumes entourés de toutes les attentions. Un médecin est arrivé dans le quart d’heure nous examiner. Nous fûmes nettoyés, pansés, chouchoutés. Je fus soulagé de constater qu’une fois nettoyée, Maelie n’allait pas si mal que ça. Quelques estifades, deux ou trois ecchymoses. J'ai même songé que peut-être, toute cette histoire pourrait passer pour une chute sans importance ?

Hé bien non, ce n’est pas passé. Si encore elle avait fait un effort, mais non, elle avait encore la gueule de bois quand Nanti est arrivé. Et ce n’est pas Maelie qui s’est fait passer un savon. C’est encore moi. Et je ne suis pas d’accord, Maître Nanti exagère. Maelie a 15 ans, il est tant qu’elle assume la responsabilité de ses actes et puis, il voudrait en faire une petite dame mais nous ne sommes pas des gens bien. Nous sommes des nomades, ni plus ni moins. Les filles bien ne vivent pas sur un vaisseau, elles vivent sur de ses grandes stations bien propres du genre qui tournent autour d’un petit soleil tranquille et se retrouvent entres elles après le boulot pour discuter des affaires de leur compagnon du moment parti au loin comme fait la femme d’Echo. Nanti fait vivre Maelie parmi des nomades, évidemment qu’elle n’allait pas devenir mieux que nous. Il se plaint qu’on a transformé une petite fille qui ne rêvait que de robes et de rubans en un petit garçon manqué bagarreur en moins quelques mois. C’est totalement faux. A la rigueur Thymothe qui, quand il a appris qu’elle s’était battue lui a demandé tous les détails tout en racontant ses propres combats, moi, je ne l’ai jamais poussée dans cette voix. Et d’ailleurs, Nanti ne la traite pas mieux. Ce qui lui demande est pire

Il est en train de l’épuiser. Les rares pauses où elle ne dormait pas durant le trajet, elle restait avec Martel. On dirait qu’il n’y a que lui dont elle supportait la présence. Il la rassure, lui parle je crois. Je ne sais pas mais ils sont de plus en plus proche. C’est bien pour elle mais je n’aime pas ça. Je me méfie. Je voudrais éviter qu’ils leur viennent l’idée de fricoter ensemble. Ce n’est pas sain au sein d’une équipe et de toute façon, elle est bien trop jeune.

J’ai tenté de lui en toucher un mot mais elle m’a répondu qu’elle voyait une étoile verte. De temps en temps, elle débloque grave. Elle se traîne furtivement dans le vaisseau, les yeux cernés de noirs et le visage blanc. Le patron ne s’en inquiète pas à outre mesure, il dit que c’est du à l’épuisement et qu’elle se reposera à notre arrivée. De toute façon, le seule chose qui comptait pour lui c’était que sa cargaison de terre arrive à bon port.

Je n’aime pas ça. Je retire tout ce que j’ai pu penser, sa prime, elle la méritera.

J’ai aussi parlé à Martel, j’ai tenté par des voix détournées de lui expliquer que Maelie était encore une petite fille et que bon, il était compréhensible qu’il ait certaines idées car Maelie était une jolie fille…

Il a répondu calmement que je pouvais me mêler de mes affaires mais avec un je ne sais quoi dans le ton qui m’a fait froid dans le dos » Il est d'une humeur massacrante depuis son passage sur la Belle d'été mais différemment qu’avant. Avant il gueulait pour un rien maintenant il ne hausse plus le ton et je le regretterais presque. Paraît qu'il s'est perdu sur la belle d’été et que Thymothe l'a retrouvé à la limite de la ville. En peu plus et le visa expirait sans pouvoir le récupérer. Il a dû être vexé à mort lui qui faisait le fier car soi disant il connaissait la Belle d'été comme sa poche. Il s'éloigne de moi, le petit Martel avant il me disait tout.

Chapitre 17

17

13/08/3023 Datation légale de Valence.

21H15/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

20H00/25 : horaire local = horaire de Valence

Journal de bord du potentiellement innocente.

Escale sur la plate-forme B324 périphérie de la planète catégorie A : Belle d’été.

La plate forme B324 est une des plus ancienne en place dans le système. J’avais souvent entendu parler de cette curiosité sans jamais avoir eu l’occasion d’y mettre les pieds. Elle a été conçue il y a environ 600 ans. En 2340 pour être précis. La belle d’été ne connaissait pas de problème de surpopulation à l’époque. Une fois saturée par une croissance rapide de la population et l’allongement de l’espérance de vie par les traitements de régénération cellulaire, elle avait tout naturellement colonisée l’Immortelle et le joyau vert et suivait un régime social sur fond de cotisation où les plus riches voyaient une partie de leur salaire disparaître pour contribuer à l’aide des plus défavorisés dans une sorte d’utopie d’égalité et de bonheur pour tous. Certains éminents savants richissismes refusant ce système dans lequel se prélassait les plus pauvres, suivant leur dire, décidèrent de s’expatrier hors planète. Ils conçurent donc une base spatiale gigantesque suivant les critères de l’époque en périphérie de la Belle d’été et démarrèrent une nouvelle civilisation.

Les résultats furent catastrophiques en grande partie à cause du manque de personnel de faibles qualifications mais la station spatiale était une telle merveille technologique que, 600 ans après, bien peu de modifications ont été effectuées. La station garde un charme désuet. Après, on aime ou on n’aime pas. Je dois dire que c’est dépaysant. Le plus impressionnant est la verrière. Entièrement conçue dans une sorte de plexiglas entrecoupée d’arcades métallique. A l’époque, on ne maîtrisait pas encore les champs de force permettant de garder l’air autour des stations. Je pense cependant qu’actuellement des champs de force ont été ajoutés et que la verrière est maintenue uniquement par soucis de préservation du patrimoine et du tourisme qui va avec. L’économie de la station est florissante grâce aux nombreux curieux qui se plaisent à venir la visiter mais pas uniquement. Des serres hydroponiques de grandes dimensions ont été ajoutées et par la proximité de la belle d’été, il a été possible de concevoir certaines serres dites naturelles avec de la terre d’importation. Je n’ai pas eu l’occasion de les visiter. Ces secteurs sont évidemment très sécurisés. On trouve aussi des entreprises de rénovation de vaisseau de bons niveaux quoique à mon avis un peu cher. De toute façon, plus on approche des planètes de type A plus la vie est chère, excepté peut être au niveau des matières premières planétaires, mais ces dernières sont de toute façon hors de portée de ma modeste bourse qu’on y retire un crédit ou non.

- Mérino ?

- Attends, Maelie, je finis mon compte rendu est je suis à toi. Va commander quelque chose à manger en attendant, je garde la place.

Oui, bon. Donc je disais que le potentiellement innocente avait fait escale sur la station B324 par une lubie de notre patron qui souhaitait le mettre aux normes planétaire. Je n’en vois pas l’utilité à partir du moment où, de toute façon, nous avions une autorisation planétaire. Enfin, si elle est valide. Pour l’instant, je suis déjà heureux que cette puce d’accréditation ne nous ait pas encore explosée dessus. Chaque jour, je fais un check up complet du potentiellement innocente afin de certifier qu’elle n’avait pas déclenché un virus, une liaison de donnée suspecte ou un tracé de circuit mais tout semble normal. Si on peut évoquer le terme de normal malgré les circonstances dans lesquels nous avons obtenu cette accréditation. Le patron craignait, justement à cause de cela, qu’on ait des contrôles draconiens pour entrer sur la Belle d’été et ne voulait rien laisser au hasard. Il est entré en communication avec un client potentiel sur la planète. Un Propriétaire terrien qui était prêt à nous vendre un chargement de terre et Maître Nanti a déjà un acheteur dans le secteur X. Rare sont ceux osant ce type de chargement, c’est encombrant, peu discret et sa valeur attire toutes les flottes de pilleurs telle un phare. Nanti a choisi son client à la périphérie du système, personne n’est assez fou pour garder un chargement de terre sur une telle distance. Quand je lui en ai fait la remarque, il m’a répliqué que, justement, c’est pour cette raison que son client était prêt à payer une fortune pour cette livraison.

A condition qu’elle arrive à bon port ai-je pensé. Le patron, n’est pas un idiot et s’il prend des risques, c’est toujours calculé. Je sais que avant d’accepter ce chargement, il s’est longuement entretenu avec Maelie afin de calculer jusqu’où pourraient nous servir ses potentialités.

Maelie ne m’a pas parlé en détail de ses discussions. Je ne suis pas un spécialiste de l’irrationnel. Elle s’est contentée de me dire qu’elle allait devoir trimer comme une bête et que c’était de l’exploitation pire que ce qu’elle subissait chez les sylphides puis a ajouté en souriant, mais ça devrait passer. Non, ça va passer a-t-elle précisé car si je réussis, maître Nanti a dit que j’aurai une prime.

Moi, quand je lui ai demandé une prime, il m’a dit qu’il ignorait la teneur exacte de ce terme de vocabulaire. Il a dû se renseigner depuis.

Bref, la mise aux normes planétaire du potentiellement innocente s’est avérée d’un coût exorbitant. Je pense en grande partie qu’il s’agit d’exploitation. Les spécialistes du domaine savent que ceux ayant une accréditation planétaire sont plein aux as et donc facile à plumer. Ce n’est pas notre cas. Il a été décidé de faire notre possible avec les moyens du bord, c'est-à-dire, Thymothe et moi. Nous avons bossé comme des malades pour bricoler quelque chose afin de réduire aux maximums les rejets externes et cela sans la moindre prime. Ensuite, la patron s’est procuré un vieux moteur auxiliaire électromagnétique. Totalement inutile sauf en atmosphère ou ça a l’avantage d’être non polluant. Il ne marche pas mais c’est juste pour faire illusion ainsi, en cas de contrôle, on peut montrer qu’on avait tout ce qu’il faut mais que malheureusement, il vient de nous lâcher. Je craignais pour l'identité de Martel mais son implant A remplace avantageusement tout test ADN et est un passeport diplomatique suffisant pour ne pas avoir besoin d'une preuve de son identité. Tant que je parle de Martel, je crois bon d'ajouter qu'il est de plus en plus bizarre. Il reste souvent ses temps libres enfermés dans ses quartiers, élude mes questions et soit il parle tout seul soit il a trouvé un moyen de faire passer des communications sans qu'on le sache. Déjà, il a cessé ses crises de mauvaises humeurs et ses élucubrations aux cours desquels il imagine nous inciter à faire une guerre contre Valence et les indépendantistes à nous tout seul. Je dois être trop vieux pour cmprendre les gamins.

Prêt à conquérir la belle d’été, le patron nous a rassemblé pour un petit discours motivant sur les futurs richesses que nous allions amonceler expliquant que les denrées planétaires n’étaient quasiment jamais exportée jusqu’en périphérie, que les continentaux voyaient les périphériques comme des va nu pieds sans le sous mais qu’ils avaient torts, qu’ils y avait aussi des richesses en périphérie et des acheteurs potentiels.

On savait tous ça, notre crainte concernait plutôt les indépendantistes. Le patron a éludé le sujet disant juste qu’il maîtrisait la situation. On a tous regardé Maelie car on sait que question maîtrise c’est plutôt elle la pro et à la voir toute frêle et délicate, j’ai pas été rassuré.

Ensuite, Nanti a dit qu’il était désolé mais que Maelie devrait rester sur B324 en attendant le chargement. Il ne voulait pas prendre le risque de faire atterrir la petite sorcière sans autorisation. Déjà, il faudrait que Martel en obtienne une pour le reste de l’équipage, il se renseignerait sur place, si tout marchait pour tenter de faciliter les formalités d’entrée pour une dissimulatrice.

Il n’avait pas voulu la brusquer mais j’avais surpris une conversation qu’il avait eu sur le réseau avec le maître Malha de la flotte les rois du monde. Le vieux pirate avait entendu parler d’un polymorphe qui avait voulu obtenir cette autorisation on lui avait répliqué qu’aucun sorcier n’entrait sur la belle d’été excepté ceux des clans reconnus et bien sur ceux sous les ordres directs de Valence et des familles planétaires.

- C’est vrai ça ?

- Ho Maelie, je ne t’avais pas entendu revenir. »

quelques barres protéinées furent jetées sur la table. « Je me doute oui, sinon tu aurais omis ses quelques détails dans ton rapport.

- Je suis désolée.

- Pas besoin de ta pitié, de toute façon je le savais. Je me demandais juste quand quelqu’un aurait le courage de me le dire en face. »

Pauvre petit bout. Je tentai de dédramatiser : « De toute façon, les planètes, c’est pas terrible. La pesanteur est trop forte et il peut faire froid et…

- C’est pour cela que tu as crié à l’injustice quand Nanti a dit que se serait toi qui resterait avec moi ? »

Oui, là, elle marquait un point. Je l’avais trouvé vraiment injuste. En plus, j’ai bossé comme un malade pour mettre le vaisseau aux normes. Je pensais que Thymothe resterait, il a la hantise des planètes et de tout ce qui risquerait de contenir un microbe. Mais non, il était indispensable qu’au moins un des mécano accompagne le potentiellement innocente et le patron a désigné Thymothe. Ce dernier a dit qu’il ne voulait pas y aller mais le patron a dit qu’il n’avait pas le choix. Charlie devait venir pour voir un fournisseur potentiel en certaines herbes curatives, Echo devait piloter bien évidemment, Martel nous servait de droit d’entrée et moi, je devais m’occuper de Maelie car il était hors de question de la laisser seul. D’abord, ce n’était pas convenable et ensuite, c’était dangereux. Je ne sais pas si c’était plus dangereux pour elle ou pour les autres mais c’est sur que ; quelque soit ses pouvoirs, on ne laisse pas une petite jeune fille jolie comme un cœur seule sur une base spatiale.

Il a dit qu’il ne voulait aucune discussion mais m’a tout de même pris à part pour expliquer qu’il ne pouvait pas confier Maelie à Thymothe. Je comprends son point de vue. Thymothe est un bon gars mais il est rustre, ne s’intéresse qu’aux filles de petites moralités et n’est pas apte à chaperonner une jeune fille bien. Il serait capable de la vendre dans un bordel.

« Tu sais Maelie, on pourrait en profiter pour se faire des vacances, après tu auras beaucoup de boulot. Nous sommes sur une station très chics, il doit y avoir des centres commerciaux. On pourrait te trouver des jolies toilettes et puis on irait dans une salle de jeu ou ce que tu veux.

- Je voulais aller sur une planète ».

Je tapotais l’épaule de Maelie.

« Qu’est-ce qu’il y a de plus sur une planète ?

- C’est joli, c’est comme le vaisseau village où tout est propre et beau.

- Le vaisseau Village est un nid de mecs de Valence.

- Et alors ? » se récrie-t-elle « vous êtes tous à maudire Valence mais je ne les trouve pas si mal, leurs vaisseaux sont jolis et les gens qui y vivent ont pleins d’activités sympas.

- Ils peuvent, ils régentent tout le système.

- Et alors, quel mal ? Que je sache, les taxes ne sont pas pires et c’est plus pratique d’avoir des crédits qui passent partout et une langue commune et ils respectent les sorciers ? »

Ha la naïveté enfantine couplée à la hargne adolescente. « Assieds toi Maelie, tu mélanges tout, je ne dis pas que la dictature de Valence ne nous ait apportée que des mauvaises choses, ce que je leur reproche c’est de ne pas nous avoir donné le choix. Tu vois, ceux qui ont conçu cette station vivaient dans un système qui ne leur plaisait pas. Pourtant, c’était une démocratie, mais ils étaient minoritaires et ne voulait pas ce plier aux lois en vigueur. A tort ou à raison, ce n’est pas important. L’important, c’est qu’ils avaient la possibilité de dire non et de partir. Ils ont crée cette station et y ont vécu selon leur désir.

- Et ce fut une catastrophe.

- Oui, là ce n’est pas un bon exemple mais l’important c’est de laisser un choix. Valence ne laisse aucun choix, ils se sont appropriés tout le système contre notre volonté et obligent la population entière à suivre leurs règles et tuent les opposants. Impossible même de fuir avec eux, ou qu’on aille, on est considéré sous leur loi. C’est peut-être bien d’avoir une langue commune mais pourquoi avoir imposé la leur ?

- Parce que la tienne serait mieux sans doute ?

- Ce qui aurait été bien ça aurait été de voter afin de choisir en commun. » Bon, ce type de vote avait déjà été exécuté sans autres succès que des manifestations en tout sens mais ce n’était pas la peine de tergiverser avec ça.

« Mais nous, quand on est obligé d’obéir à Nanti c’est pareil et on n’a pas grand-chose en échange. »

Elle commençait à m’énerver cette petite. « L’important c’est le choix, je t’ai dit. Je peux toujours refuser l’autorité de Nanti et trouver un boulot ailleurs. Valence ne s’occupe que de quelques privilégiés, ils négligent la périphérie et ferment les yeux sur la piraterie des indépendantistes tant qu’ils n’assassinent pas une flotte entière. Pourtant, ils demandent des sommes exorbitantes pour la protection et se gardent les meilleurs sorciers ».

Je n’aurais peut-être pas du dire ça, c’est vrai qu’elle avait toujours vécu dépourvu de choix d’abord en tant qu’esclave des Sylphides et maintenant, elle savait que si elle partait, elle risquait de se faire ramener aux Sylphides voir, je n’excluais pas la possibilité que le patron la dénonce si il la trahissait. Sans doute était-elle payée, elle gardait tout de même son statut d’esclave.

Et n’oublie pas le principal, si tu ne peux pas entrer sur la belle d’été, c’est à cause de Valence, c’est eux qui ont jeté tout le monde hors planète.

« Il parait que si toute la population était restée, les planètes auraient étouffées, qu’on polluait trop et qu’on aurait plus eu de matière première et qu’on serait tous mort.

- Bien sur, et les quelques millions des privilégiés polluent moins que nous sans doute ? Ils se sont déclarés régents des planètes, ont jeté dehors neuf dixième de la population ne laissant que ceux capables de leur payer des taxes exorbitantes et les obligeant à suivre des normes draconiennes. Tu trouves ça normal toi ? »

Elle ne répondit pas. J’espérais avoir réussi à la convaincre. Je demanderais à Echo de lui dire un mot. Après tout, il a passé toute son enfance sur la belle d’été avant que ses parents se fassent tuer à la guerre et lui jeté dehors avec ses frères en même temps qu’un million d’autre sur une base sordide pouvant contenir au plus 100 000 personnes. Paraît même qu'il a vu ses frères mourir l'un après l'autre à cause des épidémies qui s'étaient déclarées dans ses taudis insalubres. Il devrait trouver les mots pour la convaincre. Quoique, si elle osait évoquer devant lui la possibilité que la dictature de Valence ne soit pas un mal, il risquerait de la frapper puis de hurler sur cette jeune génération qui n’y connaît rien et n’a pas vécu la guerre.

« Tu comprends ? »

Elle hocha la tête sans que je cerne si ça voulait dire oui ou non.

Je me demandai soudain ce que Valence ferait si elle allait leur demander du travail. La corpo de Valence n’aime pas les Sylphides, ils les supportent par obligation ne sachant comment s’en débarrasser et évitaient de s’occuper de leurs affaires et réciproquement. Jamais ils n’auraient pris le risque de leur enlever un de leur esclave mais vu qu’elle était déjà partie, ils seraient peut-être contents de se l’approprier. Ils n’avaient nul besoin de sorciers supplémentaires mais se plaisait à leur proposer de bons boulots juste pour éviter que les autres les aient. Je pensais même que ce ne serait pas mal pour la petite, qu’elle aurait une vie plus décente dans un meilleur environnement et qu’elle pourrait peut-être même faire des missions planétaires. Ou alors il la renverrait chez les Sylphides afin d’entretenir leur bonnes relations avec eux sachant qu’une sorcière de plus chez eux ne ferait pas une grande différence.

« A quoi tu penses » me demanda-t-elle.

« A rien.

- Tu crois vraiment que les barrières planétaires détectent les sorciers ?

- Sans aucun doute.

- Tous ?

Sauf les Sylphides qui s’infiltrent partout mais ils n’ont pas la possibilité matérielle de causer beaucoup d’ennui et leur flotte humaine n’y a pas accès.

- Et ceux de Calice ?

- Et ceux de Calice n’auraient sans doute aucun mal à passer les barrages en se téléportant, ces vermines valent les sylphides mais ils ont quasiment tous péri dans la destruction de Calice et déjà avant ça, les seuls qui vivaient hors planète étaient esclaves de Valence.

- Esclaves ?!! »

Je m’étonnais d’une telle réaction. La petite s’était accoudée sur la table rejetant le reste de sa barre de protéine. Elle manquait d’éducation. Elle avait soif d’apprendre mais personne n’avait de temps à perdre pour lui parler histoire ou politique. Entre nous on préférait passer nos temps libre à parler de jolies fesses et de jeux, je dois m’en repentir, après, il n’était pas étonnant qu’elle se fasse des idées erronées par manque d’information.

Je mastiquai intensément ma barre sans goût le temps de trouver comment aborder un sujet pourtant connu mais pas évident à transmettre à une petite fille.

« Oui, tu sais, Calice avait perdu leur flotte spatiale et Valence avait trop peur d’eux pour leur laisser ne fut-ce qu’un vaisseau. Ils les ont cantonné à leur planète morte de merde et accepté de les ravitailler uniquement en échange de sorciers esclaves qui se devaient de leur obéir s’ils ne voulaient pas que cesse les ravitaillements. Ca a duré ainsi pendant plusieurs centaines d’années. Tous ceux qui quittaient la planète étaient esclaves et les autres ont péri à la destruction de la planète.

- Mais je croyais que le clan de Valence était allié à Calice. J’ai entendu dire que ceux de Valence ont plus de sang de Calice que de Valence.

- Evidemment car ça ne leur a pas suffit d’avoir de puissants sorciers à leur bottes, ils voulaient eux-mêmes acquérir la puissance de Calice, alors, ils se sont tapés aussi quelques jolies esclaves de Calice qui ont mis bas de jolis petits bébés potelés qui ont été de suite enlevé à leur mère et malgré leur illégitimité reconnus par leur père et adoptés par les femmes de Valence ou alliées à Valence. Programme de sélection génétique ils ont appelé ça. Voila comment agit le clan de Valence. Alors tu m’excuses de ne pas m’extasier juste parce qu’ils ont de jolis vaisseaux.

- Et celle qu’on a vu sur le Village, Mélanie, c’est aussi une esclave ?

- Oui. Une poule de luxe chargée de faire de jolis bébés bien puissants à Valence même si maintenant ils pourraient les faire in vitro mais ca m’étonnerait, si j’avais une femme comme Mélanie à mes ordres, j’aurais bien envie de les faire naturellement mes gamins.

- La sorcellerie ne marche pas in vitro. »

Voila qu’elle m’apprend quelque chose.

« Pourquoi ?

- Je ne sais pas, c’est ce qu’on dit, il faudrait demander au doc. »

Je hochai la tête, sans doute encore du baratin pour se taper des sorcières.

- Mais si ils tenaient les sorciers de Calice juste par chantage, si la planète Calice a disparu, pourquoi Mélanie ne fuit pas ?

- Tu sais, les deux ordonnances de Valence, Matis et Malhari doivent être presque aussi puissants qu’elle et surtout, ce sont les opposants de Valence, autant dire nous, qui avons détruit Calice et je cois que ce jour là, elle a préféré prendre le parti de Valence contre nous comme la plupart des survivants de Calice. C’est compréhensible. Sans parler de l’horreur de la chose, niveau stratégique, C’était stupide de détruire Calice. L’idée était de débarrasser Valence de sa réserve de sorcier mais du coup ceux qui restaient ont choisi le mauvais camp. On ne peut pas leur en vouloir. »

Maelie gobait mes paroles, je ne l’avais jamais vu si concentrée sauf quand elle pratiquait la sorcellerie. Je me demandais ce qui pouvait bien se passer dans sa petite tête.

« Pourquoi ça compte tant pour toi d’aller sur une planète ? Tu as encore des tas de chose à découvrir dans l’espace. »

Elle se renfrogna puis finit par se lancer. « Un jour, Quand j’étais petite, je devais avoir six ou sept ans, les Sylphides avaient invité des seigneurs planétaires. Ils faisaient parfois organiser des réceptions somptueuses pour des invités humains. J’aimais ca, je me chargeais de la préparation et on avait de la nourriture naturelle et on pouvait manger les restes et grappiller discrètement en préparant. Bref, il y avait un petit garçon de mon age parmi eux et il n’avait pas été invité dans la salle de négociation alors il est venu me voir et il m’a chanté une chanson.

Je m’en souviens encore : Ca faisait : un ours grimpe sur une montagne pour voir ce qu’il y a derrière. Et que penses-tu qu’il voit ?

Il voit une autre montagne et que penses-tu qu’il fait

Il grimpe sur l’autre montagne.

Et que penses-tu qu’il voit ?

Et ça reprenait comme ça. »

Modérément passionnant. « Jolie comptine et alors ?

- Je lui ai dit que je ne savais pas ce qu’était un ours ni une montagne et je lui ai demandé de m’expliquer.

- Il m’a dit qu’il ne voyait pas l’intérêt de m’en parler vu que je n’en verrais jamais car je n’étais qu’une simple esclave des Sylphides et que jamais je n’aurais l’autorisation d’aller sur une autre planète que Kelly, que mon univers se résumerait à tous jamais à ces marécages brumeux et puants.

- Les enfants peuvent être cruels.

- Les parent aussi, car son père est sorti après ça et a récupéré son fils en disant qu’il avait mieux à faire qu’à traîner avec les esclaves.

- Sympa en effet.

- Ensuite, Je ne l’ai plus jamais vu, mais, je me suis promis que j’irais sur une planète un jour. Une vraie, pas une comme Kelly. J’ai demandé à mon maître l’autorisation d’apprendre la sorcellerie. Comme ma mère était médium, je pouvais avoir certains dons. Mon maître a accepté de me faire tester, il m’a découvert des potentiels de dissimulatrice et a estimé que ça pourrait lui être utile d’investir dans un implant. J’ai travaillé très dur et je tenais par mes rêves, je me voyais retrouver ce garçon qui m’avait insulté et lui montrer de quoi j’étais capable mais je savais qu’en restant chez les Sylphides, jamais je ne pourrais aller sur une planète car personne n’a confiance dans les sylphides ni dans leur serviteurs. J’ai décidé de fuir, ma mère m’avait dit que je devais demander de l’aide à un certain Marvin Shaman de la station ??? J’ai confié un message à un homme de passage. S’il me dénonçait, j’étais morte mais j’étais prête à tout. A peine un mois plus tard, le potentiellement innocente s’est posé et j’ai aperçu le signe convenu sous le nom du vaisseau, alors, je suis monté. »

Voila que je comprenais mieux ? Je m’étais demandé aussi pourquoi Maître Nanti nous avait demandé d’ajouter ce signe pour l’enlever ensuite.

Maelie soupira. « Maintenant, il ne me reste plus qu’à poser le pied sur une planète de type A et j’aurais prouvé que ce prétentieux se trompait.

- Tu veux dire que tu veux aller sur une planète juste à cause de ce qu’un sale gamin t’a dit il y a des années ?

- Il a blessé mon amour propre.

- Le patron me fait ravaler tout sentiment de fierté chaque jour, je n’en fais pas une maladie.

- Nanti, c’est sa façon d’être, il n’est pas vraiment méchant et au fond il nous aime bien.

- Et même si tu allais sur une planète, celui qui t’a insulté ne le saurait jamais.

- Oui, mais moi, je le saurais, je saurais qu’il s’est trompé et qu’en vrai, je suis quelqu’un.

- Mais tu es quelqu’un. Tu es même quelqu’un de bien.

- Tu es gentil Mérino mais ce n’est pas suffisant pour moi. C’est quelque chose que je dois faire et que je ferais un jour, voila tout. »

Elle prit son verre et but son contenu cul sec avant de faire une grimace et de jeter le gobelet dans le trou au centre de la table.

« Oui, je dois le faire » murmura-t-elle encore.

C’est bizarre, c’était de l’entêtement stupide, digne d’une gamine et en même temps, elle ne m’avait jamais paru plus femme. Quelque chose dans son attitude m’empêchait de me moquer d’elle. Son petit défi était sérieux à ses yeux.

« Bon alors, que veux-tu faire ce soir ? On pourrait aller danser tous les deux ?

- Non » dit-elle en s’étirant. « Je voudrais qu’on trouve un endroit calme où dormir. Le potentiellement innocente doit arriver demain et si le chargement s’est effectué correctement, je n’aurais pas beaucoup l’occasion de dormir avant la livraison ». Houla, si elle commençait à devenir raisonnable, il y avait de quoi s’inquiéter sérieusement.

« Maelie ?

- Oui.

- Je suis désolée que tu ne puisses pas réaliser ton rêve.

- Mais je le réaliserais ».

Je hochais la tête et lui souris. Je ne voyais pas de raison de la contredire. Ca fait du bien de nourrir quelques illusions.

Elle se leva et déconnecta le champ de force sur lequel elle était assise et se frotta les yeux. C’était pas plus mal. J’allais mettre la petite au lit et me faire une petite virer pour me consoler de ne pas avoir pu aller sur la belle d’été