dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 10

10

14/03/3023 Datation légale de Valence.

16H34 / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Horaire planète Kelly inconnue, approximativement milieu de soirée

Nous sommes dans une sorte de marécage putride couvert de brume. Difficile à dire, s’il y avait des Sylphides dans le coin, ils se seraient confondus avec le brouillard. On apercevait des lumières tremblotantes qui semblaient lointaines mais vu la visibilité réduite, elles pouvait être à quelques centaines de mètres. J’avais entendu parler des bases pour humains sur Kelly. Mes sources étaient modérément fiables. Il s’agissait de personnes qui connaissaient des gens, qui en connaissaient d’autres qui auraient entendu parler d’autres qui seraient allés sur Kelly. Les discours étaient cependant similaires. Une façade de luxe et des palais entiers pour leurs invités de marque qui étaient traités suivant les normes dignes de la cours de Valence. Des mets raffinés, des chambres luxueuses avec des filles ou des hommes suivant les goûts, chargés de répondre aux moindres désirs des invités aussi exotiques soient-ils. Après, de la vie des hommes employés par les Sylphides, j’ignorai tout et de la vie des Sylphides eux-mêmes, je n’en savais guère plus. Je ne pense pas qu’ils vivaient là. Je vois mal des boules de gaz dans un lit ou assis à une table. De même, ils ne mangent pas, ne boivent pas, ne sont soumis à aucun besoin que réclame un corps. Tout n’est que façade pour leurs riches clients.

Echo est arrivé un mouchoir autour du nez. C’est vrai, l’odeur était atroce. L’atmosphère est saturée en soufre. Il parait que ce n’est pas toxique et qu’il y a assez d’oxygène pour nous. On ne peut pas le nier puisque de nombreuses personnes vivent ici. Et c’est vrai qu’après dix heures à inhaler ça, je m’habitue. Je ne sens presque plus rien.

« Thymothe râle encore ? » Je demande ça à Echo parce que Thymothe nous avait fait une crise quand Nanti a annoncé le plus tranquillement du monde que nous n’allions pas user nos réserves d’air comprimés alors que l’atmosphère locale est respirable et que nous pourrions même en profiter pour faire le réapprovisionnement gratuitement. La phobie de Thymothe pour l’air naturel est légendaire. Il a râlé, geint, supplié mais Nanti est resté intraitable et a désactivé le champ de force et le système gravitationnel retenant l’air. Depuis, Thymothe s’est cloisonné dans mes quartiers établis dans la structure du vaisseau et l’a calfeutré au mieux. Il ne pouvait rester dans les siens car une de ses cloisons est constituée d’un champ de force pas assez puissant pour empêcher l’air de passer. Cela dit, il ne pourra pas empêcher l’atmosphère locale de s’infiltrer.

« Ca ne va pas »

Qu’est-ce qui ne va pas ?

« Thymothe. Il ne répondait pas, alors, je suis allé voir. Je l’ai trouvé inconscient. J’ai réussi à le ranimer mais il est brûlant, très faible et il délire ».

Je me suis levé si vite que j’ai buté sur mon drone en orbite qui s’est fracassé au sol et s’est éteint. Après un juron, je l’ai laissé à terre, il y avait plus urgent. Thymothe n’avait pas la forme en effet. Il était brûlant et murmurait des paroles à peine audibles sur l’air qui l’empoisonnait.

Echo m’a demandé mon avis. Comme si j’y connaissais quoi que ce soit.

Je n’étais pas médecin et pour une fois qu’on avait réellement besoin de lui Charlie était absent. C’est vraiment un boulet celui-là. Je songeais à sortir le chercher mais l’état de Thymothe était sans doute dû à une réaction psychologique due à sa phobie. Quoique, un coup de stress peut donner des crampes d’estomac mais ce que j’avais devant moi, c’était le niveau au dessus. J’ai suggérer de demander un scanne au vaisseau mais Echo l’avait déjà fait et aucune lésion n’avait été détectée mais cette machine ne détecte pas les maladies.

J’ai proposé qu’on lui donne de quoi faire tomber la fièvre et qu’on revienne sur nos réserves d’air pur ensuite, s’il n’allait pas mieux, j’irai chercher Charlie.

Echo a approuvé. Sans doute aurait-il approuvé n’importe quoi pourvu que je me propose moi-même pour aller chercher le doc en cas de coup dur.

J’avais réactivé le champ de force du vaisseau et je m’apprêtai à fermer le sas quand Echo m’a retenu. « Tu oublies la fille » a-t-il chuchoté. Ma première réaction fut de dire : « Quelle fille ? ». J’en avais oublié le but de notre présence ici puis je me suis rappelé que nous devions laisser le sas ouvert pour permettre à notre visiteuse de se faufiler. La poisse. Alors, j’ai laissé le sas extérieur déverrouillé mais j’ai bloqué le sas interne ainsi, elle pourra rentrer au moins dans le sas.

Les médicaments ont fait baisser la fièvre de Thymothe à notre grand soulagement mais il restait dans un état de semi conscience assez inquiétant pour que plusieurs fois, je songe sérieusement à aller chercher le doc. Mais où le chercher ? Et puis, ça faisait douze heures qu’ils étaient partis. Ils ne tarderaient pas. Si je sortais, on risquait de se croiser dans le brouillard. Je ne savais même pas par où ils étaient partis. Et si je faisais une gaffe, je risquais de compromettre la mission. Et surtout, j’avais la trouille. Et si c’était un piège, et si les Sylphides s’étaient débarrassés de Nanti et du doc. Ils auraient au moins pu prendre un transmetteur.

« Regarde » Echo m’a donné un coup de coude. Mais violent. J’ai suivi son doigt qui désignait les écrans laissés en mode surveillance interne. La porte extérieure est ouverte.

« C’est peut-être juste le vent ». Echo cherche à se rassurer.

« C’est vrai que c’est la tempête dehors ».

Je fais de l’ironie, il n’y a pas un souffle d’air. La nuit est tombée mais nos capteurs sont en parfait état. Le vent est faible et la porte du sas peut résister à une tempête. Je prends une grande inspiration d’air pur. « Plus j’y pense, plus je crois qu’on fait une belle connerie ».

- Possible » J’aurai préféré qu’Echo me dise un truc du genre, mais non, le patron sait ce qu’il fait, ou : nous ne risquons rien ou n’importe quel autre bobard auxquels j’aurais pu m’accrocher.

« Si c’était la fille, nous la verrions sur les caméras de sécurité.

- Justement non, c’est le principe de la dissimulation. Pouvoir agir sur la vue mais aussi sur la technologie, les caméras, les radars, tout.

- Comment ça marche ?

Echo regardait toujours l’écran. « Alors, là, je n’en sais rien. Des techniques de brouillage ou de passage par des mondes parallèles. Il paraît qu’on peut les repérer en surveillant des grésillements dans certains appareils de contrôle ou une image qui saute. Ou rien du tout. Certains sont indétectables.

- C’est pas humain ce truc là.

- Ce n’est peut-être pas elle.

A la voix d’Echo, je compris qu’il espérait que ce ne soit pas elle. Il avait autant la trouille que moi. « C’est peut-être un Sylphide ».

- Il aurait traversé le champ de force et n’aurait pas déplacé la porte ». Bon, il fallait se reprendre. Je déverrouille le sas intérieur, juste au cas où.

On est resté les yeux braqués sur la deuxième prote. Elle a glissé sur le coté puis elle a repris sa place. « Elle est nulle, on la repère très bien si elle bouge des portes. » J’essayais de détendre l’atmosphère par une touche d’humour. Je fais toujours ça quand j’ai la trouille.

- Peut-être le fait-elle justement exprès pour confirmer sa présence. Une dissimulatrice vraiment douée avec un bon implant aurait pu bloquer l’image pour qu’elle reste sur la position porte fermée. Enfin je crois.

- Faut peut-être pas exagérer.

Echo me dit de me taire. « Elle est peut-être dans la pièce ».

Cette idée me fait froid dans le dos. Quelqu’un que je ne connais pas, chez moi. Car je considérais le potentiellement innocente comme chez moi, et en train de m’espionner. Je comprenais mieux les réticences de Martel.

« Arrête de parler Mérino »

Je ne peux pas, ça me détends. Il y a quelqu’un ?

Je trouve que ma voix résonne bizarrement comme dans un grand espace vide et Echo à mes cotés ne fait pas le fier.

« La ferme Mérino »

« Il y a quelqu’un ? » Je répétai un peu plus fort.

« Chut, tu oublies les ordres, surtout faire comme si il n’y avait rien d’anormal. Nous sommes peut être aussi observés par les Sylphides ».

Mais que faisait Nanti, je ne tiendrais jamais une heure de plus ici. Il ne fallait pas trois jours pour faire des négociations bidon. Comme en réponse à mes supplications, il vient d’y avoir du mouvement sur l’écoutille arrière. Je déverrouillais et Nanti entre suivi d’un Charlie furieux. Ca se voit, il est, rouge, moite et encore plus moche que d’habitude

« Mais j’aurais pu le faire, c’est un bon prix et c’est normal qu’ils réclament une démonstration.

- Tu ne disais pas cela sur place. Tu m’as fait honte à te conduire comme un gosse dans les jupes de sa mère.

- Ils me fichent la trouille.

- Alors comment veux-tu bosser avec eux ?

- Mais je pourrais avoir un labo hors de Kelly »

C’est Le patron et Charlie qui se disputent. Aïe, le patron se tourne vers nous, je ne ais pas pourquoi, mais je sens qu’on va en prendre une.

« Pourquoi avez-vous rétabli le champ de force ? Vous n’allez pas me dire que vous faites des manières juste à cause d’une petite odeur ? »

Petite, je n’aurais pas dit ça. « Non Patron mais Thymothe est malade.

- Thymothe est toujours malade » Réflexion logiqu du patron, j’ai eu la même avant de constater par moi-même son état. Nanti continuait à avancer, Charlie toujours geignant derrière lui et maintenant suivi aussi par Echo.

« Patron, je crois que c’est grave. »

- Qu’est-ce qui est grave ?

- Thymothe, il a une forte fièvre et il délire. »

Nanti s’arrêt et Charlie cesse de geindre.

J’en profite pour interpeller Charlie « Tu devrais aller le voir, il est dans ma cabine.

« Bien, nous, on décolle. »

Le patron n’ajoute aucun mot sur la fille. Bon, d’accord, on verrait ça plus tard. Echo a pris les commandes. Logique, c’est le seul capable de piloter en atmosphère. Ses manœuvres sont à la fois rapides et sures, celles d‘un gars qui veut se retrouver vite très loin. Moi, je surveille la présence de vaisseaux éventuels dans notre sillage. Et merde, il y en a un.

« Patron, il y a quelqu’un dans le secteur, il ne semble pas nous suivre mais si nous continuons, nous risquons de croiser sa route.

- C’est prévu. C’est le Nuage d’été.

- Le Nuage d’été ? Je croyais que c’était nous ça ?

- Oui hé bien voilà le vrai. Ainsi, s’il plait aux Sylphides de nous chercher ils perdront du temps à poursuivre celui-là.

- Mais comment saviez-vous ?

- Nous sommes bons amis avec le général Vino du nuage d’été. Il se laissera appareiller par les Sylphides et ces derniers ne pourront que constater qu’ils se sont fait berner mais ne se risqueront pas à menacer un général de Valence.

- Parce que vous avez révélé nos plans à un général de Valence !

- Pas dans leur globalité mais une partie en effet et j’ai confiance en lui. Au fond ça l’arrange qu’on affaiblisse les Sylphides même si ce n’est que d’une simple illusionniste.

- Mais qui vous dit qu’il ne voudra pas la récupérer ?

- Pour la rendre aux Sylphides, quel intérêt ?

- Mais non, pour Valence. Les armées de Valence adorent s’entourer de sorciers en tout genre.

- J’ai confiance au général Vino c’est mon ami ».

C’est cela oui. Un général de Valence est toujours un général de Valence, jamais je ne ferais confiance à ces gens-là.

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