mardi 27 novembre 2007

Chapitre 13

13

16/07/3023 Datation légale de Valence.

13H00 / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Comment je me suis retrouvé consigné 3 jours dans mes quartiers à cause de la mauvaise humeur de Nanti :

Tout a commencé le 23/07 en début d'après-midi. Je tenais compagnie à Echo qui était aux commandes. Nous avions fait une petite arnaque la veille qui nous avait valu un bon paquet donc nous aurions du tous être d'aussi bonne humeur que moi. Le patron est arrivé et s'est adressé à Echo. Je récupère la phrase exacte du patron :

« Changement de cap vers le bloc G. Coordonnées 34 43 32 14 sur trois jours vitesse standard. »

C'est un peu sec mais le patron ne s'encombre jamais de ces petits mots genre bonjour, ça va ? quoi de neuf, s'il te plait...

Bref, Echo a rentré ça dans ses machines et un nouvel hologramme m'a sauté sur le nez.

« Il n’y a rien là » a dit Echo en désignant mon crâne. J'ai failli mal le prendre mais il a précisé qu'il parlait des coordonnées. C'est là que le patron a dit la phrase fatidique

Je récupère tout le dialogue de la mémoire du drone afin de bien faire cerner la tournure de la conversation

Je reprends sur la remarque d'Echo citée plus haut et laisse la suite : Il n'y a rien là

- Je ne sais pas comment je dois le prendre.

- Je parle des coordonnées.

- Il n’y a rien encore, mais quand on arrivera, on croisera la flotte du clan de Valence. »

Voila, c'était la phrase fatidique du patron.

J’en ai laissé tomber mon verre. Nanti m’a ordonné de nettoyer immédiatement mon infâme décoction avant qu’elle ne s’attaque à la structure du vaisseau.

Un savant mélange d’épice : du gingembre, des clous de girofle, de la cardamome et une pointe de cannelle. Une boisson de planétaire. C’est Martel qui me l’a fait découvrir lors d’un de nos périples sur vaisseau croisières. C’est pas bon mais ça fait très chic. Enfin pour le mien ce sont des arômes de synthèse mais on peut faire comme si.

Je n'ai pas obéi de suite. J’avais la très mauvaise impression que non seulement j’avais bien entendu les élucubrations du patron mais qu’en plus, il était sérieux. J'intègre la suite du dialogue

« Quoi !? » ça c'est moi. Remarque somme toute très pertinente

- Je t’ai dit de nettoyer.

- Non, enfin oui, je nettoierais mais on ne va tout de même pas traverser la flotte de Valence ?

- Non seulement nous allons la traverser mais en plus, je compte bien m’y arrêter.

C'est ma réponse m’a valu trois jours de réclusion dans mes quartiers.

Je ne me souviens pas de l’expression exacte que j’ai employé. Je l'ai dit si bas que le drone ne l'a pas prise en compte, j’avais diminué la sensibilité du micro car Thymothe s’exerçait à la guitare. Pourtant c'était encore trop fort, Nanti lui a entendu. Je sais que j’ai commencé par une splendide métaphore en disant qu’ensuite, nous pourrions chercher une baleine spatiale sur un courant solaire et faire un tour dans sa gueule histoire de voir comment c’est fait à l’intérieur. Puis j’ai insisté en jouant sur l’ironie en disant que ça ne me posait aucun problème et que je m’étais mis à son service dans l’espoir de mourir pour lui le plus bêtement possible, que j’avais pas réussi en allant me frotter aux Sylphides, mais aller rendre visite au clan de Valence était sans contexte encore bien plus stupide. J’ai dit encore un truc mais je ne me souviens plus quoi

Nanti a trouvé que je commençais à oublier qui était le patron et qu’il en avait plus qu’assez de mes impertinences. Il m’a consigné.

Je sais ce qu’il a en tête. Il veut rentabiliser Maelie en convoyant des produits de luxe. Il a les clients mais notre panel de fournisseurs est trop restreint. Il veut obtenir une accréditation planète pour le potentiellement innocente. Il imagine que Martel pourrait nous l’obtenir. Jouer au seigneur sur un vaisseau croisière ou une base spatiale, c’est une chose mais faire ce manège sous le nez de la corporation clanique de Valence, c’est du délire. Ha oui, c’était ça, le truc que j’ai dit en trop à Nanti. Vu le spectacle, je pense que je peux sortir maintenant.

Je retrouve les autres dans la coupole. C’est ainsi qu’on nomme le dessous extérieur du vaisseau, protégé uniquement par le champ de force. Sans le moindre élément matériel et en pesanteur inversé, il nous donne la plus belle vue. Malheureusement difficile à aménager vu que quand on se pose et qu’on coupe le champ de force et la pesanteur plus rien ne retiendrait le mobilier. Quand on marche là-dessus c’est comme si on était au milieu des étoiles. Enfin d’habitude, là c’est plutôt l’embouteillage. Jamais vu autant de vaisseaux.

- On les appelle les insectes.

- Quoi ?

Charlie répète : « les insectes, se sont ces centaines de vaisseaux qui suivent ou cherche à approcher pour une raison ou une autre la flotte de Valence. »

Charlie a les yeux qui brillent. Il s’est toujours senti frustré sur le potentiellement innocente. Il a soif de pouvoir et de gloire et c’est exactement ce que représente la flotte de Valence. Faut surtout pas qu'il les approche.

Le potentiellement innocente se décale et je remarque un trou dans la masse de vaisseau, il y en a moins que je ne pensais, il y a de l’espace libre derrière.

- Oui, c’est le champ de force extérieur de la flotte.

- On ne va tout de même pas le traverser ?

- Je l’ignore, Nanti, ou plutôt Martel a demandé une autorisation d’approche. Il se plaint d’un bug informatique qui aurait effacé l’accréditation planète du vaisseau.

Ha oui, parce que c’est pour ça qu’on est là. Nanti veut faire commerce de produits naturel mais c’est le monopole des propriétaires terrien. Il parait qu’il a un filon pour récupérer une cargaison de terre sur la belle d’été mais il faut aller la chercher et pour y aller il faut une autorisation pour le vaisseau. C’est une simple formalité administrative je crois mais réservée à une élite, pour de pauvres gars comme nous c’est plus compliqués.

Le potentiellement innocente fait une embardée et plonge vers un espace libre, slalomant entre les vaisseaux avec grâce malgré sa vieille carcasse.

Je ferme les yeux et me protège le visage. On approche dangereusement du champ de force. J’ai confiance aux capacités de pilotage d’Echo mais je me méfie de tous les autres vaisseaux qui n’ont peut-être pas de si bons pilotes et qui sont dangereusement proches de nous. Moi en tout cas, dans une situation similaire, il y a longtemps que j’aurai percuté quelque chose.

- Ouvre les yeux Mérino, nous sommes passés.

- Ouhaw.

Je vais sans doute mourir mais je commence à penser que le spectacle en vaut le coup. Je n’ai jamais rien vu de pareil.

On dirait une planète, mais plate et avec pleins de satellites. C’est énorme.

Et encore, nous sommes très loin.

- Le plus gros vaisseau, celui au centre en forme de disque, a une circonférence de cinquante kilomètres. C’est le vaisseau principal, il s’appelle l’impérium »

Je siffle, ça commence à faire. Je rectifie mes données visuelles, les vaisseaux qui gravitent autour ne sont pas des navettes. Il y a une sorte de satellite artificiel tout rond avec un phare gigantesque pour imiter la lumière solaire.

Nous passons sous la flotte. Le dessous de l’impérium est constitué d’un embrigadement de plate forme d’amarrage. On doit pouvoir y accrocher plusieurs centaines de vaisseaux de la taille du potentiellement innocente.

« Plusieurs milliers tu veux dire » rectifie Charlie.

Je suis presque déçu de constater qu’on ne s’approche pas d’avantage. « Vaisseau, fais moi la liaison avec la plate-forme de commande par les hauts parleur du drone. Quelle est la suite du programme Echo ?

- Je vais me placer dans la traîne.

Je me tourne vers Charlie « c’est quoi la traîne ?

- C’est l’arrière de la flotte, là où suivent les vaisseaux qui sont en attente d’un créneau d’amarrage.

- Ca veut dire qu’on n’a pas l’autorisation d’approche ? »

Le potentiellement innocente a ralenti et à la suite de l’impérium d’autres vaisseaux de la flotte nous dépassent tous de taille à faire passer les plus beaux vaisseaux croisière pour des petits pois écrasés. Bientôt nous nous retrouvons au milieu d’une nuée de vaisseaux de guerre.

Si les champs répulsifs lâchent maintenant, c’est nous qui ferons les petits pois écrasés

C’est Thymothe qui nous rejoint. « On ne peut pas atterrir ?

- Oui et non ». Reprend la voix d’Echo à travers le drone. « Martel a reçu l’autorisation mais pas pour le vaisseau, il devra se contenter d’une navette.

- Mais nous pourrons tous y aller ? Il parait que ces vaisseaux reproduisent si bien l’écosystème planétaire qu’on y trouve même des bêtes. » Il peut toujours rêver le Charlie, Nanti ne se risquerait jamais à l'envoyer nous trahir là-bas.

Mes yeux ne lâchent pas le spectacle de cette flotte gigantesque

« Mérino !

- mhh. Oui» Je reprends avec un oui plus franc en réalisant que c’est le patron qui me parle dans le haut parleur.

- Tu vas accompagner Martel

Houla, je ne suis pas sur d’avoir envie. « Je vois très bien d’ici

- Nous avons l’autorisation d’atterrir sur l’impérium ? » Charlie est excité comme un gosse.

- N’exagérons rien, nous avons accès à un vaisseau secondaire, celui nommé le Village. Et tu te débrouilles Mérino, je veux cette habilitation planétaire.

- Vous ne venez pas Patron ?

- Non, tu as dit que c’était du suicide, alors je te laisse au casse pipe »

Merci du cadeau. Et en plus, Charlie me fait la gueule car lui bien sur, voulait y aller. Comme si j’étais dans quelque chose dans les décisions de Nanti. Bon, direction la navette d’approche. Martel est déjà installé. Encore plus excité que Charlie. A quinze ans, c’est normal. Enfin je dois dire que moi aussi je trouve ça excitant mais je ne peux m’empêcher de me dire que si je meurs ici, je ne pourrais pas frimer en racontant que je me suis posé sur un vaisseau de la flotte de Valence. Qu’il cerne bien mon état d’esprit et évite de me bassiner avec son enthousiasme. C’est chez les méchants qu’on va, les envahisseurs, ceux qui ont décidé de régenter le système sans nous demander notre avis sous prétexte qu’ils maîtrisent la sorcellerie mieux que les autres et accessoirement sont suivi d'une flotte de guerre gigantesque. D’un coté, je dois admettre que moi aussi je voudrais voir ça mais je veux bien lui faire comprendre que ce qu’on fait est dangereux. On ne joue pas avec Valence comme avec un bateau croisière. J’enclenche la navette, je la désamorce et nous sommes partis. A peine séparé du potentiellement innocente, je vois une de ses navettes de surveillance qu'on croise parfois jusqu'en périphérie. On les nomme les tiques du nom d’un parasite planétaire et j’ai horreur d’en avoir si près. Toujours à te coller. Celui là ne fait pas mine d’approcher, se contentant de nous tourner autour, sans doute pour nous sonder.

Martel s’agite en tout sens. Peut-être qu’il se rend enfin compte dans quel piège on s'est fourré. Il regarde derrière et étouffe un cri.

« Oui » lui dis-je, « nous sommes surveillés mais je ne pense pas qu’ils nous posent problème. Prends la radio ».

Il obéit et répète les codes d’approches. J’ai horreur de piloter avec tant de monde.

« Approche du vaisseau Valence le Village en cours ».

Martel répète mon message et je reçois en retour tout un tas de coordonnées que je transmets au vaisseau sans plus me poser de questions. Pour certaines choses, je fais plus confiance aux machines pour dialoguer ensemble que moi. Et accrocher ma tête d’épingle sur ce monstre en fait partie. Martel a fini son étude de l’arrière de la navette et en revient à l’avant.

« Ferme la bouche on dirait un Cooque » lui dis-je.

C’est vrai, les yeux exorbités, la bouche ouverte, il ne manque qu’un filet de bave.

On est si proche maintenant que je peux apercevoir le relief derrière la coupole, un paysage planétaire tel que j’ai pu en apercevoir une fois dans la vie, le jour où nous sommes allés chercher Martel. Bien sur, j’ai vu plein d’imitations sur les vaisseaux croisières et certaines bases de luxe mais ça n’a rien à voir. Ici, c’est du naturel, même si c’est importé dans un vaisseau. Il y a de la vraie terre là-dedans et de l’herbe et peut-être même des arbres. Un peu comme sur Kelly mais sans le brouillard ni l’odeur. Ca me fiche la trouille. La peur de l’inconnu. Un bruit attire mon attention à l’arrière, une sorte de cliquetis. Je me retourne, rien. Je suis trop nerveux moi.

Le paysage de rêve disparaît derrière une masse métallique, on passe sous le vaisseau. Il y a un bon grincement bien familier et la navette s’immobilise. Nous sommes arrimés au vaisseau Valence, le village. J’inspire profondément pour me donner de l’assurance. Il y a encore un petit bruit à l’arrière, enfin je crois. « Tu n’as rien entendu Martel ?

- Non ». Il n’a pas l’air sur de lui. Moi non plus.

« Allez, on débarque ».

Je me retiens de descendre au dernier moment, c’est Martel qui doit passer devant, c’est lui qui a l’habilitation pour monter là-dedans, moi, je ne suis qu’une merde qui le suit. Nous suivons une foule venue de partout et nous faisons la file pour passer les détecteurs. Martel passe devant, on le laisse passer comme d’habitude. On m’arrête, comme d’habitude et on épluche mes fiches d’identités. Habituel. Martel se met à attirer l’attention en s’écriant que c’est scandaleux de lui faire perdre du temps à contrôler son pilote ainsi. Parce que je suis son pilote aujourd’hui, j’ai pris du galon avant j’étais un simple serviteur.

Je ne sais comment lui dire de la boucler, il monopolise l’attention inutilement.

On nous fait signe de poursuivre notre route et on fait ses excuses au Seigneur Martel. On suit encore quelques couloirs et d’un coup, on se retrouve en pleine lumière. Je plisse les yeux. Le phare lumineux en orbite autour de la flotte éclaire tout le vaisseau plus fort que le plus puissant projecteur. Le temps que mes yeux s’habituent à la lumière et devant moi s’étale le spectacle le plus improbable qui soit. J’ignore comment le décrire. Je ne possède pas le vocabulaire adéquat. Il y a de l’herbe, ça j’avais déjà vu. Ca me parait inconvenant de l’écraser en marchant dessus mais il y en a partout et je ne vois pas comment faire autrement. J’essaie de me faire léger pour ne pas l’abîmer mais la pesanteur est plus forte ici et je me sens lourd alors je marche sur la pointe des pieds pour en écraser le moins possible. Il y a une bête qui passe au dessus de ma tête. Je me protège avec un bras mais l’animal volant continue sa route. Il y a des maisons aussi, un peu comme les villas des plus beaux vaisseaux croisières mais dans des matériaux différents. Des petits espaces de détentes avec des fauteuils et des écrans à disposition des pauvres comme moi qui n’ont pas de quoi se faire implanter une projection neurale. Au dessus de nous, nulle étoile mais un écran bleu d’une grande profondeur teintant le champs externe. Je fais semblant d’avoir l’air assuré, je ne veux pas paraître idiot devant le môme.

Je fourre mes mains dans la poche et me dirige avec une fausse assurance vers le regroupement d’habitation en longeant une sorte de sentier herbeux. Je ne sais pas par où aller mais la plupart des gens suivent ce sentier alors je fais pareil. Il parait que tout ici est en matière naturel. « On dit que le vaisseau le Village reproduit un écosystème humain d’un temps très reculé ». Je peux faire mon fier avec mes connaissances. C’est Charlie qui m’a dit ça il y a à peine une heure. La haute société s’efforce de régresser en imitant des modes de vie dépassés. Retour aux sources qu’ils appellent ça. Il doit sans doute avoir une raison à ça mais personnellement, elle m’échappe.

« C’est magnifique.

- Oui, c’est vrai, c’est joli.

- Et ça sent bon !

- Oui, des parfums de synthèse, je suppose.

- J’entends de la musique, comme lointaine mais venant de partout. »

Martel est tout fou, je dois dire que son enthousiasme est contagieux. Je me demande s’il n’y a pas quelque chose dans l’air qui rend euphorique. Ce serait bien le genre de Valence. Faire inhaler des drogues pour rendre les gens joyeux et donc plus conciliant.

Nous avons atteint les premières habitations et l’herbe s’est vue remplacée par des pierres toutes petites placées les unes à coté des autres. Les constructions sont très basses trois ou quatre étages à peine avec des murs marron clair et des toitures de toutes les couleurs. Je croyais de loin c’était des habitations mais elles ont de larges ouvertures ou sont exposées tout un tas de marchandises.

Martel me tire par la manche. Je reviens de suite, j’ai un truc à faire.

Je hoche la tête. « Quoi ? » dis-je à retardement, le temps de réaliser ce qu’il venait de me dire. « Tu ne vas nulle part, nous devons trouver le bâtiment qui s’occupe des accréditations.

- S’il te plait, attend moi là, je reviens dans cinq minutes.

- D’accords. »

Un sourire illumine son visage, « merci, je savais que je pouvais te faire confiance » Et il disparaît dans une rue transversale.

J’attends quelques secondes. Confiance. Mon œil. Si je connaissais la signification de ce mot, je serais mort depuis longtemps. Voyons ce qu’il mijote.

Je me faufile discrètement dans la rue qu’il vient d’emprunter. Il y a du monde. Tant mieux, on me remarquera moins. Sauf que j’ai l’air d’une loque entouré par tous ces gens habillés comme s’ils sortaient d’une réception. J’essaie de repérer le gosse. Pas facile. La rue s’élargit. Il y a un truc en pierre avec du liquide dedans, peut-être de l'eau, qui monte et retombe bruyamment. Et derrière. Oui, cette silhouette, ses cheveux en bataille, c’est Martel. Ici, ses beaux vêtements ne se remarquent pas mais je suis sur que c’est lui. Il parle à quelqu’un. Comment pourrait-il connaître quelqu’un ici. C'est de plus en plus louche. Déjà que je l'ai surpris y avait à peine un mois à transmettre des infos codées à je ne sais qui et je ne parle pas des fois où il s'enferme dans ses quartiers. Je m’approche, je dois voir la tête de son interlocuteur qui reste dans l’ombre. Je passe derrière le truc à eau. La personne avec Martel se déplace légèrement. J’ai juste le temps d’apercevoir son visage avant qu’il disparaisse.

« MAELIE ! »

Qu’est ce que cette petite sorcière fait ici. « Apparais toute suite » dis-je plus doucement en grinçant des dents. Rien.

Si, un cliquetis que je reconnais. Je me fis à mon oreille et me lance dans le vide. Avec satisfaction, je sens un corps sous mes doigts. L’atmosphère tremble et Maelie apparaît.

« Je suis désolée » dit-elle à toute vitesse avant que je puisse commencer mes réprimandes. Elle prend son petit air contrit. Ca ne marche pas avec moi. Je jette un oeil aux alentours c'est le genre de gaffe à se faire mettre dehors mais très gentiment. On est toujours poli avec les sorciers sur les stations mais on préfère qu'ils aillent poser leurs pieds ailleurs. Genre loin. Apparemment c'est passé inaperçu. « Mais qu’est ce qui te passe par la tête ? Tu es folle ? Imagine que quelqu’un t’ai repérée !» Elle récupère son air fier de petite pimbêche miniature comme quoi, ses excuses, c’était du bluff. « Personne ne peut me repérer, je suis capable de brouiller les meilleurs détecteurs ».

Oui, je dois l’admettre, c'est un peu pour ça qu'on a risqué notre peau à la récupérer. Pour ça et parce que Nanti nous a obligé. Tu m’étonnes que les Sylphides voulaient la garder. Eux aussi peuvent s’infiltrer partout discrètement mais ils n’ont pas de petites mains pour tout piquer. Depuis qu'elle est là, on a évité un paquet d'ennuis mais on en a récupéré d'autres.

« Imagine qu’il y ait eu des sorciers pour garder le vaisseau ou même de simples capteurs d'implants !

- Ce serait du gâchis dit-elle en haussant les épaules. Sur l’impérium peut-être mais ici.

Quelle naïveté, Valence a de quoi se payer des sorciers même pour nettoyer les chiottes.

Je ne lui fais pas remarquer, Martel ne me laisse pas parler. « Je t’ai demandé cinq minutes, je te faisais confiance.

- C’est une erreur, tu ne dois faire confiance en personne. Evidemment tu étais dans le coup.

- Non ». Il a le culot de prendre l’air indigné. Ben tiens, il voudrait me faire croire qu’il voulait aller pisser sans doute et est tombé par inadvertance sur Maelie qui traînait là. «Et d’abord, depuis quand vous êtes copains tous les deux ? » En général ils ne pouvaient pas se blairer au point que dès que Maelie entrait dans le champ de vision de Martel il se tirait vite fait.

- J’en ai marre de rester sur le potentiellement innocente » lance soudain Maelie. Ca y est, elle a encore pété un câble. Comme si on n'avait pas assez de Martel pour se plaindre.

« J’en ai marre de vivre comme une recluse et de ne sortir que sur des bases pourries. Je travaille, je gagne ma vie et j’ai l’air d’une mendiante à porter les vieilles fripes de Martel car on ne me laisse même pas visiter un centre commercial nomade. »

Est-ce qu’elle va se taire celle là. « Bon, ça va, j’ai compris le topo, tu restes avec nous, je me ferais engueuler par le maître Nanti, ça ne me changera pas mais arrête de crier. »

Elle s’est arrêtée instantanément et un sourire s’est plaqué sur ses lèvres. « C’est joli ici » a-t-elle dit. Puis, elle est passée devant en lançant des commentaires sur les gens, les décorations, l’odeur, la musique et en demandant à Martel des précisions sur les plantes et les animaux qu’il s’empresser de donner comme si ses 8 ans de vie sur planète lui avaient donné la science infuse. On dirait les meilleurs amis du monde à un point que c’en est louche. Je me demande ce qui a pu leur passer par la tête. Bien sur, je voulais qu’ils s’entendent mais après réflexions, je n’en suis pas si sur. S’ils commencent à mijoter des sales coups ensembles on risque d’avoir de sacrés problèmes. Et puis la petite Maelie est de plus en plus jolie. On avait récupéré une gamine toute malingre et en quelques mois, elle a prit des formes et ça m’inquiète beaucoup. On n’aurait pas dû lui donner à manger. Le régime des Sylphides lui réussissait mieux.

Martel s’est arrêté pour regarder un homme entouré d’enfants qui tenait une marionnette. Une attraction très mal faite. La marionnette contient des fils. Et visible en plus. Parait que le village reproduit la vie de cultures anciennes mais faut pas pousser le bouchon. Bon, où est passé miss invisible. Il serait tant qu’elle arrête de disparaître celle-là. Je sens que je vais encore me faire engueuler par le patron pour l’avoir emmené, comme si c’était ma faute. « Maelie !? »

Pas de réponse. Juste des gens qui me regardent bizarrement à croire qu’on ne crie pas ici pour appeler quelqu'un. Alors qu’il y en a d’autres qui crient. J’entends une bonne vieille dispute de monde civilisé.

« Je vais vous montrer moi si je ne peux pas entrer ! »

Qu’est-ce qui se passe encore ? Qui gueule comme ça ? Merde, c’est Maelie. Elle est sur le seuil d’un magasin à gesticuler devant une vendeuse qui, sans doute aidé d’un bâton dans le cul pour tenir si droite, les bras croisés, lui barre le passage. Pour la discrétion, c’est raté.

« Je suis désolé mais notre établissement ne sert pas les gens comme vous. »

Tu parles, elle n’est pas désolée du tout. C’est vrai qu’elle a l’air d’une sauvageonne notre Maelie mais ce n’est pas une raison pour la traiter ainsi. Je l’attrape par le col avant qu’elle fasse une bêtise. Elle a déjà les petits poings serrés prêt à frapper. Et encore, frapper est loin d’être le pire qu’elle puisse faire.

« Laisse tomber Maelie.

- Tu vas voir si je vais laisser tomber. Elle commence à remuer les doigts d’une façon que je n’aime pas du tout. C’est encore un coup à se retrouver avec des dessins dans l’air suivi d’une catastrophe.

« Ca ne vaut pas le coup. Qu’est ce que t’irais faire dans ce genre de boutique de toute façon. Tu as vu les prix ! C’est pas des trucs pour toi ça »

Elle me regarde avec ses yeux tout ronds et progressivement, je sens que sa hargne se déplace vers moi.

« Et pourquoi ce ne serait pas des trucs pour moi ? Parce que tu crois que ce que je porte c’est mieux sans doute dit-elle désignant ses vêtements trop larges. Tu oublies que je gagne ma vie, j’ai un salaire. »

J’aurais du mal à l’oublier, il est même plus élevé que le mien. Alors que moi, ça fait quinze ans que je sers sur ce rafiot. Et peut-être que la gamine peut faire des tours mais elle ne sait pas réparer un réacteur ionique et n’entends rien en combustion hybride. Sans moi, le potentiellement innocente ne serait qu’une ruine. Je l’ai dit à Nanti. Il m’a répliqué que des mécaniciens, il y en a à la pelle et des sorciers à ce prix là, non. J’ai rien pu répondre et je l’ai encore en travers, alors elle ferait mieux de ne pas me le rappeler.

« C’est qu’on s’arrête toujours dans des endroits miteux et encore, la plupart du temps, je n’ai même pas le droit de descendre. Tu me diras, qu’est ce que j’irais faire dans des bordels, vu qu’il n’y a que ça là où vous faites escale.

- Voyons Maelie, on ne va pas dans ce genre d’établissement ! »

Bien sur qu’on passe notre vie aux putes mais ça ne se dit pas devant les enfants.

- Ha oui ! Parce que tu imagines sans doute pouvoir draguer des filles autres que des putes avec ta célèbre accroche : Chérie, on va chez toi que je te montre comment on médite sur la Belle d’été. »

C’est la phrase qui tue ça. Elle marche à tous les coups.

« Elle a raison. »

Tiens, voila Martel qui s’en mêle, il aurait mieux fait de rester avec ses marionnettes celui-là.

« Qu’est-ce que tu racontes toi ? »

- Une femme de sa qualité, se doit de s’habiller correctement.

- Où est-ce que tu vois une femme là-dedans ? » Dis-je en désignant Maelie.

Elle devient toute rouge, je la sens prête à cracher son venin puis soudain, elle fait volte face, se retrouve devant la vendeuse qui garde toujours jalousement sa porte mais avec moins de conviction.

« Cette fille est avec vous ? » demande-t-elle à Martel

« Avec qui je suis importe peu » s’offusque-t-elle avant de disparaître. Et ça recommence. Je brasse l’air inutilement là où elle se trouvait une seconde plus tôt, tout en m’excusant auprès de la vendeuse sans résultat autre que d’être ridicule. Et je finis par l’apercevoir à l’intérieur examinant une robe qu’il est hors de question qu’elle porte un jour.

La vendeuse se retourne à son tour. Je m’apprêtai à sortir le baratin de circonstance, c'est-à-dire, n’importe quoi pourvu que ça commence par : ce n’est pas ce que vous croyez on s'en va de suite, la situation est totalement sous mon contrôle mais la vendeuse s’excuse.

Soraïa Sérilla, je suis désolé, je serais honoré de vous servir.

Houlà, pas bon ça, c’est un coup à lui donner la grosse tête à notre Maelie.

« T’entends ça Mérino » me lance-t-elle avec un cou de coude quand je passe près d'elle. « Elle a dit Soraïa Sérilla. C’est presque un titre de maître Sorcière ça.

- De bébé sorcière plutôt. D’apprentis en fait quoique les subtilités des dialectes de Valence m'échappent parfois »

Elle hausse les épaules et feint d’ignorer ma présence. « Montrez moi votre collection ».

Et voila pas qu’on lui sort tout plein de fanfreluches inutiles et Martel qui en rajoute en donnant son avis. Comme s'il s'y connaissait en truc de fille.

« Y a qu’a Valence qu’on accueille si bien les Sorciers pensai-je, ils peuvent jamais rien faire comme tout le monde ».

C’est vrai qu’à voir Maelie dans une jolie robe, on dirait un petit bout de femme en miniature. Ca grandit vite. C’est qu’on s’y attache à ces petits bouts. Pourtant, je ne suis pas sentimental. Quand on a découvert qu’on avait nulle part ou caser Martel, j’étais le premier à dire qu’il fallait s’en débarrasser. Pas n’importe où d’accord mais s’encombrer d’un gamin, c’était hors de question. Mais je ne regrette pas de l’avoir gardé, je m’y suis attaché. C’est qu’un célibataire endurci comme moi ne risque pas de fonder un foyer alors, ca fait du bien quand même d’avoir des gosses. Car Martel, je le considère un peu comme mon gamin. C’est quand même nous qui l’avons élevé et j’en suis fier. C’est un bon petit gars et c’est pas tous les jours faciles d’élever un enfant, il faut montrer l’exemple et on ne sait pas toujours s’y prendre.

Et maintenant, Maelie, je l’aime bien aussi ce petit bout de femme. Bon c'est pas comme ma fille car je me méfie d'elle ou plutôt des trucs qu'elle fait pour s'exercer qui un jour vont détruire le vaisseau mais surtout une nana, je ne sais pas comment ça marche.

Je reviens à la réalité en entendant Maelie élever encore la voix. La vendeuse lui propose des bijoux. « Non » dit-elle sûre d’elle. « Je n’achète pas de bijoux. C’est aux hommes de nous offrir ce genre de cadeaux ». Elle jette un regard qui se veut complice à la vendeuse qui ne sait pas comment réagir. Je me prends la tête dans les mains. Il y a deux trucs vraiment insupportables dans l’univers : Les sorciers et les nanas. « En plus c’est bruyant et je soupçonne Nanti de m’avoir offert ses boucles d’oreille juste pour me repérer au bruit. »

Je ne dis rien mais en effet, c’est pour cela qu’il lui a offert ces petits anneaux qui s’entrechoquent sans cesse. En y repensant, je m’en veux de ne pas avoir reconnu le bruit dans la navette. Martel l’a repéré de suite lui. Il est plus futé que moi. Je me fais vieux.

- Je t’ai déjà commandé des trucs. J’ai fait livrer sur la C34.

D’ici à ce qu’on n’y passe, ce ne sera plus ma taille en plus la prochaine fois, demande moi mon avis.

« Quoi ? C’est bien ». Je lui ai conçu un super tee shirt avec marqué n’approche pas.

Maelie est repartie dans ses essayages. Je lui rappelle qu’on n’est pas venu ici pour faire du shopping et lui demande comment elle compte payer tout ça.

Une esclave ne peut avoir de compte, il faut une identité pour ça. Je sais que Nanti lui met son argent sur un compte à son nom comme il le fait pour Martel mais elle aura toujours besoin des empruntes digitales de Nanti pour ses transactions.

« Mais c’est toi qui va payer Mérino et Nanti te remboursera sur mon compte.

- Pas question.

Mais je ne pouvais pas résister à ses petits yeux suppliants et c’est vrai que c’était injuste qu’elle n’ait droit à rien juste parce qu’elle était né d’une mère s'étant fait capturée par les Sylphides.

Elle finit par sortir vêtue d’une façon que je dois admettre lui allait à la perfection. Une vraie petite guerrière avec une petite robe courte tout en forme sur un pantalon étroit et des bottillons avec des petits lacets de tissus.

C’est tout en lin, ça doit coûter une fortune. La vendeuse sort un prix qui frise le délire. Maelie me regarde. Je soupire et passe au scanne. Nanti a intérêt à me rembourser vite car je n’ai pas autant sur mon compte. La vendeuse lui ressort des titres ronflants. C’est vrai que j’aurai du m’en douter. Dans notre monde, on se méfie des sorcières mais ici, c’est tous des larbins de Valence et niveau sorcellerie, le clan de Valence, c’est la plus grosse pointure. Pas étonnant que la sorcellerie soit bien considérée.

Je fais tout de même la morale à la petite. C’est peut-être son argent mais le dépenser dans de telles futilités est un manque de maturité.

« Bien sur, c’est plus mature de le dépenser à boire dans les bars et s’offrir des filles.

- Mais on ne… » Ho, et puis qu’est-ce que je peux répondre à ça ? C’est vrai qu’au fond, elle a raison. Je me contente de m’approcher d’elle pour lui resserrer le laçage de sa robe. C’est qu’elle commence à avoir des petits seins qui pointent et il est hors de question que des hommes aillent plonger leur regard là-dedans. Je sais ce qu’ils peuvent penser devant un décolleté.

« Bon on s’occupe de cette accréditation maintenant ? »

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