mardi 27 novembre 2007

Chapitre 18

18

01/09/3023 Datation légale de Valence.

23H30/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Journal de bord du potentiellement innocente.

La livraison s’est effectuée comme prévue. Des tonnes de terres noires entassées dans le vaisseau ainsi que sur une remorque. Je n’en ai jamais vu autant excepté sur le vaisseau Village. Maître Nanti a tant rempli le vaisseau qu’il a fallu diminuer les espaces de vie mais on s'est serré en songeant au fric que ça allait nous rapporter

Il nous a fallu trois semaines pour arriver à bon port et vider la cargaison dans les serres de la base D3454. C’était ma première visite sur cette station. Elle est propre est bien tenue. Les tours sont espacées et on voit peu de monde dormir hors des espaces privatifs. On s’y sent en sécurité. Une milice au service de la population y est active et ne tolère aucune incartade ce qui est rare pour une base si éloignée des activités planétaires.

Plusieurs fois durant le trajet notre radar a croisé celui d’autres vaisseaux. A chaque fois nous avons effectué un détour de précaution et Maelie s’est attelé à brouiller leurs transmissions. Je ne sais pas comme elle s’y prend mais ça l’épuise. Elle a toujours l’air ailleurs et une fois sur deux répond à coté aux questions qu’on lui pose. Le reste du temps, elle n’y répond même pas. Si j’ai bien compris, le patron a exigé qu’elle tienne un écran dissimulateur autour du vaisseau en permanence, même faible mais il veut une protection constante. C’est impossible, elle doit se reposer de temps en temps mais elle fragmente ses heures de sommeil au maximum. On dirait qu’on lui a peint des cernes au feutre sur son visage. Elle est blanche comme un cadavre et ne s’alimente pratiquement pas.

Elle me fait pitié bien sur mais je ne peux m’empêcher de penser que si elle n’avait pas commencé sa mission après une nuit blanche, elle aurait eu plus facile. En effet, elle m’a eu proprement. J’étais chargé de veiller sur elle tandis que les autres étaient partis effectuer le chargement sur la belle d’été. Elle était vexée de ne pas avoir pu les accompagner mais en employée modèle avait demandé elle-même à se coucher tôt pour être en pleine possession de ses moyens. Je l’avais trouvé très responsable, j'aurais dû trouver ça louche. Je l’ai donc raccompagnée à notre hôtel, lui ai souhaité une bonne nuit puis j’en ai profité pour me faire une virée. J’avais droit.

J’ai laissé derrières moi les petits cafés proprets dépourvus d’ambiance. Près des plates formes d’amarrages, il y avait des coins plus animés. J’ai pris quelques verres dans un bar pas très propre mais de bonne ambiance et lié connaissance avec des mecs d’un équipage spécialisés en transport de pièces détachés. On a parlé mécanique un bon moment puis les sujets sont devenus moins sérieux au fur et à mesure des tournées. Ensuite un de leurs potes, un sédentaire de la station nous a donné une adresse, à voir absolument qu’il a dit. On y est allé et les serveuses avaient pour tout vêtement une large ceinture moulante sur les hanches. Superbe mais interdit de toucher. Après, j’ai demandé à mes nouveaux camarades s’il n’y avait pas des établissements où les filles étaient, disons moins farouches. On m’a donné une adresse et plusieurs mecs m’ont suivi. On est passé par des coins vraiment craignos ou des mecs faisaient des paris sur des combats de rue. Je n’aime pas ce genre d’exhibition. C’est violent et dangereux inutilement. La vie est suffisamment dure, pour éviter d’en rajouter. Ca criait des enchères de partout et il y avait un bel attroupement. J’ai pas pu m’empêcher de m’approcher. Mais je n’étais pas tout seul. A ma décharge, ce sont mes nouveaux potes qui ont commencé par se frayer un passage et Rial, c’est un des mecs que j’avais rencontré, est ressorti de la masse de spectateur en gueulant qu’il lui fallait absolument de quoi miser. Alors je me suis approché, mais juste pour critiquer en connaissance de cause. Il y avait un mec vraiment impressionnant mais à mon avis, plus en graisse qu’en muscle. Cela dit, il fallait être fêlé pour se mesurer à toute personne dépassant les deux mètres vingt. Il vacillait dangereusement et portait déjà un beau coquart. Le combat devait être déjà sérieusement entamé. « Ca fait plus de vingt minutes qu’ils y sont » m'a confirmé un mec en me proposant de parier sur la petite. « Je suis sur qu'elle fait durer le plaisir » m'a-t-il précisé.

« La petite ? » Je n'ai pas eu le temps d'intégrer les données qu'une brume noire s’est intensifiée et a pris la forme d’un long serpent qui, gueule ouverte, s'est jeté sur son adversaire. Je connaissais pour m’être déjà trouvé en face à face avec ce genre de bestioles dans le vaisseau. Le géant s'est jeté sur le coté mais il avait reçu le coup à l’épaule et a vacillé avant de récupérer son équilibre et avec une agilité peu en rapport avec son poids, a jeté son poing en avant. Le monstre a disparu et seul est resté visible Maelie, les cheveux plaqués par la sueur, ses vêtements en lambeaux et le nez en sang. Elle s’est essuyé du revers d’un reste de manche, a disparu sous les cris de la foule puis est reparue derrière son adversaire et a préparé un nouveau sortilège qui s'est matérialisé sous forme de nuage rouge qui a pris rapidement une teinte incandescente tandis que le géant chargeait de nouveau. Il fallait que j’arrête ça de suite.

« Maelie ! » ai-je hurlé tandis que le nuage s’élevait dans l’air. Le sortilège a pris son apparence matérielle et est retombé sous forme de gouttes aussi visqueuses et rouge que du sang directement sur Maelie et son adversaire.

Les deux se sont mis à crier de douleur et j’en ai profité pour me glisser dans l’arène improvisée et attraper Maelie.

Quels avaient été les mots exacts de Nanti avant son départ pour la belle d'été ? Je récupère la teneur exacte de son message dans la mémoire du drone : « Mérino, Assure-toi que Maelie reste en sûreté. Certains jeunes hommes ont des attitudes peu convenables faces aux jeunes filles. Choisis un hôtel dans un endroit tranquille, même si c’est plus cher, c’est moi qui offre mais une jeune fille n’a pas à traverser ce genre de quartier que mon équipage ne devrait pas fréquenter non plus ». Parfois, je me demande où Nanti a été élevé pour avoir ce genre de principe mais quand il s’agit de Maelie, je suis d’accord. J’ai réussi à happer Maelie hors du combat tandis qu’elle vociférait des injures à mon encontre. Je crois qu’en l’appelant, je l’avais distrait et qu’elle s’était fait brûler par son propre sortilège. Bien fait. Ensuite, ce fut la foule qui s'est retournée contre moi. Les gens n'aiment pas qu’on leur ôte leur spectacle surtout quand ils misent un paquet de fric. Les coups ont fusé de toutes parts. J’en ai rendu quelques uns au passage avant de me faire submerger par le nombre puis de me faire recouvrir par un brouillard noir qui s'est mis à scintiller. Il y a eu des cris en tous sens. J’ai attrapé la main de Maelie et me suis mis à courir sans me préoccuper de savoir si elle arrivait à me suivre ou pas ou si une entité démoniaque risquait de m’attraper. Une fois à l’écart, je l’ai envoyé valser contre un paquet d’ordure et lui ai assené une gifle supplémentaire. C'était la première fois que je la frappais et même à Martel, je n'avais jamais donné la moindre taloche même si parfois il méritait mais là, elle avait vraiment exagéré. Après coup, je me suis rendu compte de mon acte et j'ai eu vraiment peur. Pour moi, pas pour elle mais elle s'est contenté de dire : « Aïe » et de se frotter la joue alors qu’elle avait tout le reste en sang.

Voyant qu'elle ne semblait pas avoir l'intention de s'attaquer à moi, j'ai repris confiance et lui ai dit ce que je pensais : « Mais tu es malade » Tout ce qu'elle a cru bon de répondre c'est : « J’allais gagner. C'est juste qu'il m'a pris de vitesse. » puis elle s'est remis tant bien que mal sur ses pieds. Elle a reniflé bruyamment et son nez s'est remit à saigner. Puis elle a insisté en disant « Tu as tout gâché ». Elle était suffisamment proche pour que me faire profiter de son haleine imbibée d’alcool. De toute façon rien qu'à son élocution, j'avais repéré de suite qu'elle avait bu pourtant, moi, je devais avoir autant d'alcool qu’elle dans le sang. Ce devait être pour cela que je ne pouvais pas détacher mon regard d’un de ses seins mis à nu quand sa manche avait craquée. Je me suis repris, j'ai ôté ma chemise pour la recouvrir tel un gentleman et j'ai cru bon de remarquer : « Et en plus tu pues l’alcool » comme si au point où on en était ça pouvait faire une différence. Elle s'est laissée faire et je l’ai entraîné avec moi. Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça elle m'a dit « J’avais besoin de me défouler. »

Moi, quand je veux me défouler, je ne fais pas un massacre. Je le lui ai dit. Tout ce qu'elle a trouvé à me répliquer c'est : « C’est vrai, toi, tu vas aux putes. »

Qu’est ce que je pouvais répondre à ça. J'ai dit : « C’est moins pire, Nanti va me tuer, je devais veiller sur toi. »

Elle s'est mise à rire. « Toi, veiller sur moi ? Si je n’avais pas été là, tu te serais fait massacrer par la foule.

- Si tu n’avais pas été là, je n’aurai pas eu à me mettre la foule à dos lui ai-je répliqué du tac au tac.

Une jeune fille qui se montre en spectacle dans des combats de rue. Typiquement le genre de chose que le patron prendrait en exemple pour montrer la déchéance de la société.

Etait-ce de notre faute ? Qu’avions nous mal fait avec cette petite ? Sans doute manquait-elle d’un modèle féminin. Mais rien ne justifiait pareil comportement. J’avais beau être rongé par le remord, une autre partie de moi, était fière. Notre sorcière même bourrée, était de taille à affronter un champion de combat de rue. Elle était peut-être spécialisée dans la dissimulation, mais ses autres magies faisaient aussi leurs petits effets. J’aurai bien voulu savoir si elle aurait gagnée. C’était des idées dignes de Thymothe. Et c’est justement pour ça que Nanti ne voulait pas la laisser avec Thymothe.

Et ce n'est pas tout, après, nous sommes arrivés à l'hôtel. La petite Maelie reniflait. Elle avait de longues traînées de crasses mélangées à son maquillage le long des joues. Jamais je n’avais vu Maelie pleurer.

Puis elle s'est fourrée dans mes bras et s'est mis à sangloter pour de bon en disant : « C’est pas juste, la vie est injuste. »

Hé oui, la vie était injuste.

Evidemment, on nous a regardé avec suspicion quant on est rentré dans l’hôtel. On nous demandé d'abord poliment si on avait eu des soucis ? Là, j'ai fait une gaffe. J'ai voulu la jouer genre ironie et j'ai répondu :« Non pourquoi ?

C’était une mauvaise réponse. Nous n’étions même pas arrivés à l’ascenseur que le directeur s’est interposé et a tenté de nous renvoyer. Maelie s'est rattrapée sur ce coup là. Elle sanglotait toujours. « On s’est fait attaquer » a-t-elle dit entre deux sanglots.

Revirement de situation, nous fumes entourés de toutes les attentions. Un médecin est arrivé dans le quart d’heure nous examiner. Nous fûmes nettoyés, pansés, chouchoutés. Je fus soulagé de constater qu’une fois nettoyée, Maelie n’allait pas si mal que ça. Quelques estifades, deux ou trois ecchymoses. J'ai même songé que peut-être, toute cette histoire pourrait passer pour une chute sans importance ?

Hé bien non, ce n’est pas passé. Si encore elle avait fait un effort, mais non, elle avait encore la gueule de bois quand Nanti est arrivé. Et ce n’est pas Maelie qui s’est fait passer un savon. C’est encore moi. Et je ne suis pas d’accord, Maître Nanti exagère. Maelie a 15 ans, il est tant qu’elle assume la responsabilité de ses actes et puis, il voudrait en faire une petite dame mais nous ne sommes pas des gens bien. Nous sommes des nomades, ni plus ni moins. Les filles bien ne vivent pas sur un vaisseau, elles vivent sur de ses grandes stations bien propres du genre qui tournent autour d’un petit soleil tranquille et se retrouvent entres elles après le boulot pour discuter des affaires de leur compagnon du moment parti au loin comme fait la femme d’Echo. Nanti fait vivre Maelie parmi des nomades, évidemment qu’elle n’allait pas devenir mieux que nous. Il se plaint qu’on a transformé une petite fille qui ne rêvait que de robes et de rubans en un petit garçon manqué bagarreur en moins quelques mois. C’est totalement faux. A la rigueur Thymothe qui, quand il a appris qu’elle s’était battue lui a demandé tous les détails tout en racontant ses propres combats, moi, je ne l’ai jamais poussée dans cette voix. Et d’ailleurs, Nanti ne la traite pas mieux. Ce qui lui demande est pire

Il est en train de l’épuiser. Les rares pauses où elle ne dormait pas durant le trajet, elle restait avec Martel. On dirait qu’il n’y a que lui dont elle supportait la présence. Il la rassure, lui parle je crois. Je ne sais pas mais ils sont de plus en plus proche. C’est bien pour elle mais je n’aime pas ça. Je me méfie. Je voudrais éviter qu’ils leur viennent l’idée de fricoter ensemble. Ce n’est pas sain au sein d’une équipe et de toute façon, elle est bien trop jeune.

J’ai tenté de lui en toucher un mot mais elle m’a répondu qu’elle voyait une étoile verte. De temps en temps, elle débloque grave. Elle se traîne furtivement dans le vaisseau, les yeux cernés de noirs et le visage blanc. Le patron ne s’en inquiète pas à outre mesure, il dit que c’est du à l’épuisement et qu’elle se reposera à notre arrivée. De toute façon, le seule chose qui comptait pour lui c’était que sa cargaison de terre arrive à bon port.

Je n’aime pas ça. Je retire tout ce que j’ai pu penser, sa prime, elle la méritera.

J’ai aussi parlé à Martel, j’ai tenté par des voix détournées de lui expliquer que Maelie était encore une petite fille et que bon, il était compréhensible qu’il ait certaines idées car Maelie était une jolie fille…

Il a répondu calmement que je pouvais me mêler de mes affaires mais avec un je ne sais quoi dans le ton qui m’a fait froid dans le dos » Il est d'une humeur massacrante depuis son passage sur la Belle d'été mais différemment qu’avant. Avant il gueulait pour un rien maintenant il ne hausse plus le ton et je le regretterais presque. Paraît qu'il s'est perdu sur la belle d’été et que Thymothe l'a retrouvé à la limite de la ville. En peu plus et le visa expirait sans pouvoir le récupérer. Il a dû être vexé à mort lui qui faisait le fier car soi disant il connaissait la Belle d'été comme sa poche. Il s'éloigne de moi, le petit Martel avant il me disait tout.

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