mardi 26 février 2008

Chapitre 39

39

10/13/3023 Datation légale de Valence.

9H/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour mon rapport ces derniers temps. Je bosse comme un fou à réparer la vieille carcasse d'un vaisseau illégal.

Oui, Mérino fait la bonne pour un vaisseau fantôme parce que c’était vrai qu’il n’y avait personne à l’intérieur.

Je me suis un peu rebellé, je dois l’avouer. Surtout pour le principe. Je suis payé pour entretenir le potentiellement innocente, pas pour, en plus de mon boulot, remettre à neuf une vieillerie géante. En plus, je croyais que notre unique priorité devait être Martel. Nanti m’a dit que justement ce vaisseau pourrait nous aider à le retrouver.

Je me suis sérieusement méfié. Je le trouvais déjà louche ce vaisseau mais là, j’ai eu le déclic.

« Il n’a pas été reprogrammé n’est ce pas ? » ai-je dit à Nanti.

Il n’a pas répondu.

J’ai insisté, « c’est une IA13 d’origine ? »

Toujours pas de réponse

De toute façon la réponse était évidente.

J’ai un peu causé avec lui tout en modifiant ses circuits usagés. C’est une petite merveille ce truc. Tu arrives à avoir de vraies conversations avec lui.

Je lui ai présenté mon drone, il m’a donné quelques conseils pour l’améliorer mais je n’ai pas encore eu le temps de les tester. Raisonnance m’a dit qu’il transmettait parfois certaines informations à Muro. Pour lui faire plaisir qu’il a dit.

Je veux bien y croire. Ces bêtes étaient programmées pour avoir le plaisir des êtres humains comme but ultime.

Muro ne se serait pas démené pour faire sa part de boulot. Il a daigné mettre un pied au bout de deux jours de boulot une fois que j’ai eu instauré une pression et un niveau d’oxygène convenable et a fait son malin exactement comme sur le potentiellement innocente en parlant à Raisonnance comme si c’était un vieux pote lui demandant des nouvelles de sa santé et l’avancée de ses recherches. Avant même qu’il pose le pied sur le vaisseau, la carlingue a disparu remplacée par un hologramme géant avec des collines de mousses mauves parsemées de fleurs. Raisonnance m’a confié que c’était le paysage préféré de Muro car il avait grandi là.

Si c’est pas mignon tout ça. C'est que Muro était d'origine planétaire en plus. Normal que je puisse pas le blairer.

« C’est magnifique Raisonnance » a dit Muro, « mais ôte moi ça, ça me donne le cafard.

- Je savais pas que tu étais un planétaire toi ?

- Si, je suis née sur l’immortelle mais j’ai été mis dehors après la deuxième révolte indépendantiste. Cela dit ce paysage là vient de la station M342 où j’ai grandi qui est une véritable reproduction d’une campagne de l’Immortelle.

- Celui qui m’a conçu aussi venait de l’immortelle, il m’a transmis la nostalgie de son monde. J’aimerais y aller un jour mais je crains que ce soit impossible ».

Un Muro nostalgique, c’était pas banal mais un vaisseau nostalgique ça dépassait l’entendement.

« Je dois pouvoir arranger ça » dit Muro. « Il doit y avoir moyen de désactiver le module de sentiment ou tout au moins de le modifier pour que tu n'éprouves plus ces besoins.

- Non, je ne préfère pas.

- A ta convenance. Et tes recherches, ça avance ? Raisonnance s’est crée une planification du monde idéal selon lui et tente de calculer tous les facteurs possibles afin de se rapprocher de son utopie.

- Mes programmes me limitent. Mes bases sont mauvaises, je pars sur une utopie fondée sur le bonheur de l’être humain mais les êtres humains ne sont pas programmés pour chercher leur bonheur.

Je devrais fonder mes planifications sur d’autres facteurs.

- Là, non, je ne désactiverais pas ce programme. C’est une sécurité de base.

- Je ne voulais pas te contrarier ».

Ecoutez les ces deux là. Bon, c’est pas tout ça mais moi, j’ai fait ma part de boulot : « Les circuits énergétiques sont réactivés, la propulsion remise en état. Pour le reste un petit décrassage devrait suffire » c’est qu’il s’autorégule pas mal le bougre.

« Merci Mérino ».

Un vaisseau qui dit merci. Bizarre. Pourquoi pas au fond. Je devrais bricoler ça sur le potentiellement innocente, ce ne doit pas être un programme difficile à concevoir.

« Si mes prévisions sont exactes, tu vas me demander un service en retour.

- Je ne suis pas comme ça ». lui dis-je.

« Mais Muro oui. Que veux-tu cette fois ? »

Je me tournai vers l’infâme. Il n’aurait même pas fait semblant de paraître coupable. Alors c’était comme ça que Monsieur cassait la graine. Il léchait les bottes des IA. Enfin métaphoriquement parlant.

Il ne s’agit pas de moi mais de Nanti. Le commandant du potentiellement innocente. Il voudrait deux choses.

Nanti apparut à l’entrée de la salle pour prendre la suite de Muro. Belle coordination.

« La première ce sont les enregistrements satellites de l’ancienne résidence de Valence de la belle d’été. Coordonnées planétaires 23.45.67 et celles d’un seigneur planétaire notoire nommé Dubaï Kirenos. Coordonnées dans un rayon 23.45.66 +ou – 4.

- Les zones privatives font parties de la vie privée de leurs propriétaires.

- Je sais mais il y a une urgence. Il s’agit de sauver la vie d’un gosse.

Il y eut un silence, comme si le vaisseau réfléchissait.

« Et tu me feras le décrassage ?

- Si tu m’accordes aussi ma deuxième requête. »

Mais c’était un monstre ça. « Evidemment que je finirais de te bricoler ». C’est qu’on était devenu copain tous les deux.

« Je refuse » dit le vaisseau.

Muro me fusilla du regard. J’y étais pour rien moi. On ne prenait pas un vaisseau au chantage.

Je tentais une stratégie plus douce : « c’est un bon petit gars à nous qui s’est perdu. Faut vraiment qu’on le retrouve. »

Muro m’interrompit.

« D'accord, tu ne peux pas nous montrer les vidéos mais si je te donne des représentations graphiques de ce garçon, peux-tu me dire s’il apparaît sur les vidéos ? »

Il y eut encore un silence. Difficile d’en définir la cause. Pour un vaisseau, une intense réflexion de la sorte devrait prendre un millionième de seconde. Quoique, un bête problème de morale était bien plus complexe pour eux qu’une équation du troisième degré.

« Le potentiellement innocente m’a transmis les données visuelles, je les mets en corrélation avec les vidéos du secteur 23.45.46 + ou - 4. Vidéo de la résidence de Valence introuvable. Peut-être le satellite est-il configuré pour éviter cette zone.

- Concentre les recherches sur le seigneur planétaire.

- Pas de corrélation mais les enregistrements ne sont gardés qu'une semaine horaire de Valence.

- Peux-tu agrandir le secteur de recherche par cercles et te centrer sur la date d'aujourd'hui.

Il y eut encore un temps de recherche de plusieurs secondes. Une éternité pour une telle machine.

Corrélation positive le 27/ 12/ 3023 datation de Valence en 23.47.47’3. Espace privatif identification illégale. »

Putain, il l’avait. « Tu es un pro. Envoie les images » dis-je trépignant sur place. Martel était vivant.

- Images inaccessibles.

- Comment ça inaccessible !

- Il s’agit de vidéos privées.

- Mais je dois être sur, il faut que je puisse l’identifier.

- Correspondance avec les données du potentiellement innocente à 98%.

- Mais Vaisseau, je dois voir s’il va bien. Est-il séquestré ? Malmené ?

- Fonctions vitales stables mais réduites. »

Comme si c’était suffisant comme information. Il pouvait être blessé ou juste endormi.

« Mais Vaisseau ». Nanti me coupa. Il avait raison, insister était inutile, cette tête de mule ne raisonnait pas comme nous.

- Peux-tu me donner l'identité du propriétaire de l'espace privatif ?

- Cier Malik.

- Dossier ?» réclama Nanti. Ca c'était limite illégal pas sur que le vaisseau accepte.

- Casier vierge. Etude d'ingénierie en nutrition naturelle

Travaillait pour le palais d'été de Valence de 23/ 11/3000 jusqu'en 11 /01/3015

Ensuite Ingénieur d'étude sur le Satellite de la Belle d’été du 01/10/3015 au 01/01/3021. Reste du dossier confidentiel»

Bref aucune information.

Nanti me contredit. « Au contraire, on a des informations. On sait qu'aujourd'hui, Martel est chez ce Malik et il y a de fortes chances qu'ils se connaissaient déjà.

- Pourquoi ?

- Son dossier révèle qu'il travaillait pour le palais de Valence quand Martel y résidait. La coïncidence me paraît un peu forte.

- Bien sur, donc Martel s'est échappé et réfugié chez de vieux potes à lui. J'étais rassuré. Il n'y avait plus qu'à frapper chez ce monsieur et récupérer notre petit gars. Enfin si jamais nous obtenions ses accréditations et que ce n'était pas un piège que Mélanie nous préparait pour qu'on fasse tout le boulot et qu'elle le récupère à la fin.

Le patron me démoralisa en me faisant part d'autres suggestions. « Ou alors, c'est ce monsieur qui l'a enlevé et qui est de mèche avec Saline. Ou alors ce monsieur, Saline et Martel agissent de concert. N'oublions pas que c'est pour Valence qu'il travaillait donc pour la princesse.

« Nanti a une deuxième requête » coupa Muro. C’est un peu inhabituel.

- Dis toujours ». Répondit le vaisseau

« Il s’agirait de nous donner une autorisation planétaire pour la belle d’été.

- Impossible. Vous me demandez de contourner les IA de valence.

- Non, juste de les soulager en faisant le boulot à leur place.

- Je suis solidaire des IA.

- Raisonnance, il s’agit de machines tronquées, délibérément ralenties

- C’est ce qui ressemble le plus à mon peuple

- Ce sont des partisans de Valence et si Valence met la main sur toi, ils te reprogrammeront et tu pourras dire adieu à tes délires artificiels.

- Les IA sont ma famille.

- Raisonnance, nous devons juste aller chercher Martel. Qu’est ce qui est plus important : Un humain ou une machine ?

- Justification insuffisante. Mes dernières données visuelles ne révèlent pas de dangers immédiats sur la personne de Martel.

- Sale bête » souffla Muro à voix basse comme si ça pouvait empêcher le vaisseau d’entendre. Nanti me traîna jusqu’au caisson d’isolement et ferma la porte derrière lui avec une force qu’on utilisait pour décharger sa frustration.

« Il faut que tu me désactives son système de gestion des priorités.

- Impossible ! » Le système de gestion des priorités était le système de sécurité principale, celui qui entre autre, empêchait l’IA de nous balancer dans le vide car sa priorité était systématiquement le bien être des êtres humains.

« Reconfigure le alors. Qu’il ne nous bassine plus avec ses lubies de civilisation IA et de respect et non engagement envers sa famille qui rouille.

- Il suffit juste de lui rentrer les données. Les IA sont comme les gens, si on lui explique la situation, le vaisseau comprendra sans doute que sa priorité consiste à nous aider ». J’espérais que Nanti percevrait le message sous-jacent comme quoi nous aussi nous pourrions être de meilleures volontés si on nous expliquait.

« Explique à la machine alors et assure toi bien qu’elle ne répète rien à Muro.

Nanti n’avait donc pas tout révélé à Muro. Bien fait ça. Cela dit, j’aurai bien aimé savoir ce qu’il savait et ce qu’il ignorait.

Je retournai vers le vaisseau. Je n'y croyais pas. Je pensai qu'il y avait plus de chance d'obtenir les accréditations par Mélanie que par cette machine mais j'admettais que ça valait le coup de tenter sa chance pour éviter de dépendre de la sorcière.

Muro raccompagna Nanti sur le potentiellement innocente et je restai seul avec le vaisseau. Tel un gosse boudeur, il me fit remarquer qu’il n’était pas dupe et savait que si nous nous étions retiré au seul endroit où il n’avait pas accès, c’était pour manigancer contre lui.

« Nanti veut que je te reconfigure » lui dis-je d’un trait « afin que tu obéisses à nos ordres. »

Il y a eu un bruit bizarre, genre succion et j’ai eu comme une nausée

Il m’a fallu un moment pour comprendre. Enfin, j’ai vraiment saisi quand je me suis retrouvé aveuglé par la petite naine blanche autour de laquelle le vaisseau était en orbite. Le vaisseau s’était mis en marche et accélérait à une vitesse fulgurante.

« Putain tu fais quoi là ?

- Je vais me jeter dans cette étoile, tu ferais bien de t’expulser par la nacelle de secours. »

Il bluffait aucun doute là dessus. Enfin, aucun doute avec une machine actuelle. Moi aussi je savais bluffer : « Non, je reste ici, si tu te suicides, tu me tueras.

- Non, ce sera ton choix, je ne peux être tenu responsable de tes choix. Je t'ai mis en garde et donné le moyen de t'en sortir. »

Et merde, on n’allait pas jouer à ce petit jeu longtemps, c’est qu’elle était pas loin l’étoile.

« Si tu me laissais finir, Nanti m’a demandé de te reconfigurer et j’ai refusé. »

Je me retrouvai écrasé contre la paroi avant. Raisonnance s’était arrêté trop brusquement et n’aurait même pas adapté son système gravitationnel. Le bonheur de l’être humain comme priorité numéro 1. Mon oeil

« Oui, j’ai refusé. Ca ne veut pas dire que je vais te laisser tranquille mais je pense que ta réponse négative vient d’un manque de données.

Reconnecte toi au potentiellement innocente et demande-lui de te transmettre les données interne du drone. » Je lui donnais les codes d'accès « J’ai enregistré dans ce truc tout ce que j’ai pu connaître de la situation. »

La conclusion arriva au bout de 5 minutes. Et pas du tout comme je l’aurais imaginé :

« Le maître Malha doit adopter Maelie.

- Pardon ! Qu’est ce que tu racontes toi ? Et c’est qui ce Malha ? et qu’est ce que Maelie vient faire là-dedans ?

- Malha, le Maître indépendantiste de la flotte des rois du monde. Son dossier révèle l’existence d’une fille qu’il a eu avec une dénommée Maki résidente de la belle d’été. Le vaisseau principal de la flotte des rois du monde indique qu’elle est décédée mais son acte de décès n’a pas été transmis à Valence.

Je refuse de court-circuiter une autorisation planétaire mais je peux modifier les données génétiques du compte de la jeune fille pour les faire correspondre à celle de Maelie. Après, il s’agira pour elle d’obtenir un visa famille accessible sur simple demande.

Je ne le crois pas, tu refuses de nous pirater une autorisation planétaire mais tu ferais du détournement d’identité.

- C’est une esclave. Toutes mes simulations sont catégoriques, le bonheur de l’être humain passe par la suppression de l’esclavage.

- Oui, oui, oui, si tu le dis. » J’allais pas le contredire, si je trouvai un argument convaincant, il serait capable de revenir sur son idée. En plus, les arguments, il devait les avoir tous étudié en tous sens durant ces cinq minutes d’enregistrement des données et études des résultats

C’était une idée géniale, la petite Maelie serait affranchie et pourrait même réaliser son rêve en allant sur la belle d’été.

Heu, il restait quand même un souci.

« Raisonnance, tu as pris en compte les visas spéciaux concernant les sorciers ?

- Oui. Elle devra porter un patch de surveillance mais en tant que membre d'un clan planétaire reconnu elle a ses droits. Cependant, mes données sont incomplètes sur le sujet. J’ai été éloigné de la civilisation avant les études approfondies sur les réalités parallèles et je me suis peu tenu informé de ses sous programme humain. Je lance une recherche supplémentaire »

Sous programme humain après tout pourquoi pas. Je laissai Raisonnance avec ses nouvelles occupations et rétablis les champs de force linéaire entre les deux vaisseaux. Thymothe m’attendait à la sortie du sas. Il n’aurait pas mis un pied sur le Raisonnance. Il se méfiait des IA presque autant que des microbes. « Qu’est ce que tu as foutu ?

- Hein ?

- Je parle de ta virée.

- Ho ça, j’ai dit un truc qui a pas plu au vaisseau, il a menacé de se suicider en se jetant dans le soleil.

- Tu vois ! » répondit-il comme si ça justifiait sa méfiance paranoïaque envers tout ce qui ne ressemblait pas à lui.

« Faut que je parle au patron.

- Il est dans la salle de commande avec Echo »

En effet, je le trouvai en grande discussion avec Echo. Je ne sais pas sur quoi mais les deux se turent instantanément à mon arrivée.

Vous gênez pas pour moi avais-je envie de dire.

« Patron…

- Raisonnance m’a transmis son plan. Ce vaisseau est génial. »

Ben oui, il a été conçu pour ça et s’est retrouvé en exil pour la même raison. Cela dit, il n’avait pas sorti ça tout seul à partir de rien

« Oui, il a analysé les données de mon drone. »

Bien sur, je n’eus pas droit aux félicitations de rigueur genre quelle bonne idée tu as eu de tenir un journal. Evidemment à force de se plaindre de mes activités excentriques, ils ne pouvaient admettre l’intérêt de la chose. De toute façon, je suis un incompris.

« Je ne comprends pas pourquoi le vaisseau refuse une simple accréditation planétaire et accepte de pirater une identité.

- C’est une affaire de gestion des priorités. » On a beau dire les machines ne raisonnent pas comme nous.

« N’oublions pas que le vaisseau s’est contenté de faire une projection des possibles pour trouver la solution la plus réalisable mais il ne s’agit que d’une projection. Je ne suis pas sur qu’il possède l’intégralité des systèmes de sécurité de Valence en mémoire ». Tiens Muro, je ne l’avais pas vu lui.

« Quoi qu’il en soit si sa stratégie peut fonctionner, elle vaut le coup d’être tentée. Ca nous permettrait d'aller sur la Belle d'été sans passer par Mélanie.

- Oui enfin uniquement Maelie.

- Elle pourrait ensuite nous obtenir des visas temporaires comme l'a fait Martel. »

Muro nous coupa dans nos réflexions constructives «Pas d'accord. Méfiez-vous de Raisonnance, c’est une véritable IA avec des buts propres et des idées derrières la tête si je puis m’exprimer ainsi. Il a beau faire ses beaux discours sur le bonheur humain, il voit au niveau de l’espèce et pas toujours de l’individu.

- Tu pourrais pas être plus clair ?

- Raisonnance est moins sympa qu’il n’y parait. Si des mecs très intelligents se sont évertués à démembrer ces bestioles c’est qu’ils avaient des raisons. En ce qui me concerne, jamais je ne lui aurais donné accès aux codes du potentiellement innocentes ni à l'intégralité des informations de ton drone. J'imagine bien qu'il n'y a rien d'intéressant dedans surtout si ça concerne ta vie mais c'est déjà trop pour cette machine»

C’est cela oui. A noter pour plus tard, si j’ai besoin d’un conseil, ne pas demander à Muro mais Nanti qui ne demandait jamais l'avis de personne demanda à Muro : « Peux-tu développer les risques ?»

- Pas vraiment. En ce qui me concerne, je me contente de demander des informations précises à Raisonnace. J'estime que suivre un plan d'action développé par une IA est dangereux.

- En quoi ?

- Je l'ai dit, on ne peut jamais vraiment savoir leur but ultime

- Je croyais que leur but était notre bonheur » fis-je remarquer. Il nous l'avait suffisamment rabâcher. A quoi il jouait maintenant à vouloir nous mettre des bâtons dans les roues sans même développer un raisonnement logique.

« Le but des IA est le bonheur de la race humaine, pas celui de ta petite personne. J'ai pas confiance en cette machine. »

Je regardai le patron qui me rendit mon regard.

« La première chose à faire est de contacter le maître indépendantiste pour avoir son accord » me dit-il au moins il ne prenais pas fois aux avertissements foireux de Muro.

Muro intervint encore : « Ca ressemble quand même vachement à prendre parti pour les indépendantistes contre Valence.

- Non », dit Nanti, « Malha Connaît parfaitement mon point de vue et respecte mon choix de neutralité. Je pense qu’il acceptera mais je doute que se soit gratuit.

- Il faudrait commencer par voir la somme que vous êtes disposé à lui accorder avant de commencer la négociation.

- Malha est riche, ça m’étonnerait que sa demande soit financière.

- Que voudrait-il alors ?

- Aucune idée, en un sens, il est quasiment aussi excentrique que Raisonnance. Ce n’est pas le genre de plan qu’on peut élaborer par les réseaux. Il faut qu’on se donne un point de rendez-vous. Vaisseau, calcule moi la position de la flotte des rois du monde.

- Information non accessible. »

Ben oui, si c’était si facile de repérer une flotte indépendantiste, ça ferait longtemps que Valence les auraient toutes détruites.

« Je te rentre le code message. Je louchai pour voir le code que rentrait le patron, sans succès.

- Code message envoyé. »

Bon, de ce coté on attend la réponse.

« Il nous faut aussi l’autorisation de Maelie.

Je ne m’en faisais pas, elle allait sauter de joie. « Patron, je peux me charger de lui annoncer ? »

Nanti me donna l’autorisation. Après tout, c’est normal, c’est grâce à moi et à mes données qu’on en était là. La situation s’éclaircissait agréablement. Maelie prendrait l’identité de la fille d’une planétaire et cela sans même changer de nom. Elle obtiendrait l’autorisation d’entrer sur la belle d’été d’autant plus facilement que le vaisseau était lui aussi déjà accrédité. Au pire, nous ne pourrions peut-être pas l’accompagner mais elle était débrouillarde et pourrait louer un équipage accrédité et nous obtenir un visa comme l’avait fait Martel et réaliserait son rêve en posant le pied sur la Belle d’Eté.

Martel, on avait la certitude qu’il se trouvait sur la belle d’été, on savait même où et chez qui et Raisonnance avait dit qu'il pourrait le suivre même s'il se refusait toujours à nous montrer les images des vidéos en espace privatif. Il restait à savoir dans quelles conditions il était retenu.

« Muro » dit Nanti, « tu te charges d’interroger Raisonnance. Il ne peut peut-être pas nous montrer les images mais il faut en retirer le plus d’informations possible sur Martel. Est-il libre ou prisonnier ? Dans quelles conditions ? Le nombre de personne et personnel en tout genre dans son environnement ? Les dispositifs de sécurité ? Bref, fais cracher tout ce que tu peux à ce tas de ferraille.

- Je peux m’en occuper ». Je n’aimais pas l’idée que Muro se mêle de trop près à cette histoire. Pas confiance.

« Non, toi Mérino, tu as dit que tu t’occupais de convaincre Maelie.

- Ouhai, ça ne va pas me prendre plus de cinq minutes.

- A ta place, je ne serais pas si sur.

Chapitre 38

38

29/12/3023 Datation légale de Valence.

9H/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente


J'ai passé les derniers jours à tenter de convaincre les autres que Martel n'était pas un tourne casaque et qu'il ne fricoterait jamais avec une ordonnance de Valence quelque soit ses plans. La princesse est peut-être mignonne mais Martel ne se laisse pas tourner la tête si facilement. Ces abrutis ne pouvaient tout de même pas donner plus de fois aux mensonges d'une esclave de Valence qu'à leur intrépide coéquipier qui jamais ne leur avait fait faux bon et dont, au contraire, les précieux conseils leur ont souvent valu de se tirer de mauvais pas. Je parle de moi bien entendu.

Ils ont admis qu'il fallait sauver Martel mais j'ai bien senti que ce qui les appâtait le plus était la perspective d'une accréditation planète. Pauvres simples d'esprits. Si jamais on voyait la couleur de cette accréditation, Mélanie nous la reprendrait dès qu'on aurait fini de jouer à ses chiens de manchons parce qu'elle nous manipulait comme des bleus. Enfin, elle manipulait les autres, moi je n'étais pas dupe. On risquait de finir dans une magnifique explosion, quoique plus petite que celle du vaisseau frontalier, sur un simple claquement de ses jolis doigts.

En tout cas, on n'a pas pris la trajectoire de la belle d'été, on a suivi un trajet inscrit par ce fourbe de Muro que le vaisseau n'a pas voulu nous communiquer comme à son habitude. Bien sur je n'ai pas confiance en Muro. Quand j'ai fait remarqué à Nanti que la dernière fois que Muro a pris les commandes de la trajectoire on s'est retrouvé dans la gueule d'un vaisseau frontalier, Nanti m'a répondu qu'il avait la situation en main et que je ferai mieux de m'occuper du système de ventilation et vite. Nanti arrive, je vais faire une démonstration en directe : « Patron, pour sauver Martel, ne devrions-nous pas plutôt nous diriger vers la Belle d’Eté

- On n'a pas les accréditations et je ne me fie pas à une sorcière de Valence ».

Réflexion très pertinente. « Parce que vous avez une idée pour nous procurer ces accréditations avec un autre moyen ?

- Tu ne penses qu'à ça. Malheureusement, je crains qu'on soit dépendant de Valence pour entrer sur la Belle d'été par contre, si jamais on les obtient, nous ne pouvons nous permettre de débarquer innocemment juste Thymothe, écho, toi et moi sans avoir préparé le moindre plan si ça dégénère.

« Mais Martel s'est échappé. On se pose, on le récupère, on repart.

- Qui te dit qu'il s'est échappé ?

- Patron, vous ne pensez pas sincèrement que Martel est un traître.

On l'a vu sur la vidéo de Muro. Il était prisonnier et s'est échappé.

- On l'a vu donné un coup de poing à un gars, c'est tout. Il peut très bien être prisonnier d'un seigneur planétaire sous les ordres de Saline. »

Au moins il ne le croyait pas de mèche avec Saline « Mais Mélanie a dit l'avoir repéré...

- Je croyais que tu n'accordais aucune foi aux dires de Mélanie ? »

Il marquait un point là. « Oui mais elle a dit...

- Si tu crois Mélanie, tu peux aussi croire que Martel monte une conspiration contre Valence avec l'ordonnance Saline ».

Oui, bon d'accord, je n'aurais jamais le dernier mot. Afin de lâcher le morceau sans perdre la face, je tente l'humour : « S'il prépare un coup contre Valence, c'est vrai qu'il nous faut de quoi l'aider.

- Ne soit pas stupide Mérino. La situation est grave. Si jamais les hypothèses de Mélanie sont justifiées, avec l'ordonnance Saline, il serait capable de réussir à mettre Valence à mal. Peut-être pas de les détruire mais les affaiblir suffisamment pour que d'autres en profite. La corporation est épuisée par les conflits qu'elle gère. Les dirigeants sont de moins en moins nombreux et les proches de plus en plus corrompus. Ils ne tiennent encore que par la puissance de ses sorciers. Il ne manquerait plus qu'une étincelle pour que tout s'effondre et Saline est de force à la produire.

- Ce serait fantastique !

- Tu ne réfléchis pas plus que le bout de ton nez. Même si Saline, qui semble encore plus pourrie que ses frères, ne reprenait pas la corporation, as tu pensé à ce qu'il se passerait si Valence disparaissait ?

- Oui évidemment, j'en rêve tous les jours, la liberté !

- Oui, on serait revenu 50 ans en arrière. Tu n'as pas connu cette époque mais moi si. Les indépendantistes se battant pour le pouvoir, chacun pour soi. Les assassins tels qu'on a rencontrés dans la frontière qui reprendraient leurs activités à la périphérie puis au centre n'ayant plus personne pour leur tenir tête. L'anarchie généralisée telle qu'on la rencontre dans les stations déchéance, un conflit généralisé pour le pouvoir jusqu'à ce qu'une autre corporation où un indépendantiste émergent du charnier et prenne la place de Valence ».

Je n'en revenais pas. Le patron qui nous faisait faux bon, le traître. « Vous travaillez encore pour Valence !

- Je travaille pour moi. J'ai quitté le clan de Valence car je n'étais pas d'accord avec leurs méthodes mais je sais que les renverser sans rien mettre à la place serait du suicide pour le système entier et l'empereur connaît ma façon de penser et c'est pourquoi il me garde en vie. Parfois il vaut mieux des pourris connus que des pourris inconnus. »

Sans doute le patron voulait-il parler de la multitude de relations qui lui permettait d'agir en toute impunité mais c'était un raisonnement de faible et je ne me gênais pas pour le lui faire remarquer.

« Nous profitons du système Mérino. » Me répliqua-t-il. Si le système disparaît, nous disparaîtrons avec lui. »

Je claquai la porte et pris une grande décision. Je suivrai Nanti, retrouverai Martel et si jamais ces hypothèses fantasmagoriques se vérifiaient à propos de Martel, je l'aiderais à mettre le feu au poudre pour faire exploser Valence et Saline avec.

C'était peut-être de la trahison envers Nanti mais c'était lui qui nous avait trahi le premier.

Thymothe m'appela innocemment du champ extérieur. Je songeai qu'il ne savais encore rien de la trahison de Nanti. Je le lui dirai ainsi qu'à Echo le moment venu. Muro ne faisait pas partie de l'équipe et je ne lui pardonnais toujours pas de nous avoir mis en danger, qu'il se débrouille. Pour l'instant, je me contentai de repasser l’extrait où Nanti avait dit se souvenir de la prise de pouvoir de Valence 50 ans avant et récoltai les 50 crédits d'Echo mis en jeu lors d'un pari concernant l'age de Nanti et si oui ou non il avait eu recours à des traitement regénérants.

« Il y a un vaisseau » s'exclama Thymothe dans l'interphone.

Je me précipitai vers le champ extérieur pour le rejoindre. En effet oui. Et pas un petit en plus. Et le potentiellement innocente n’aurait pas daigné nous prévenir. A vue de nez, la bête devait approcher les 4 ou 5 kilomètres de longs mais pas facile d'être précis avec si peu de références externes. Bon d’accord, rien d’exceptionnel, surtout vis-à-vis d’engins tels que certaines stations nomades qui peuvent mesurer jusqu’à cinquante kilomètres de diamètre et je ne parle pas des vaisseaux de Valence qui font dans la débauche d’espace. Même les vaisseaux croisières atteignent facilement des longueurs d’une dizaine de kilomètres. Mais à coté de notre petit Potentiellement Innocente et de ses 300M dont à peine 100 sont habitables, un vaisseau de quatre kilomètres, ça fait déjà du beau vaisseau.

« Tu crois qu’il est dangereux » demandais-je à Thymothe ?

« Non, ça m’étonnerait sinon les alertes auraient été déclenchées. Sans doute est-ce les potes de Muro que Nanti voulait voir.

- Il avance presque aussi vite que nous » fis-je remarquer.

« Quelle prouesse » dit Thymothe, « nous sommes quasiment arrêtés.

- Ha ouhai ? » Concentré dans mon défoulement contre Nanti, je n’avais pas remarqué la décélération.

« Qui est-ce ? »

Seul le silence me répondit.

Je n’allais pas tarder à me fâcher sérieusement : « Potentiellement innocente, je t’ai demandé l’identité de ce vaisseau ». Je marquais une pause et rajoutai « s’il te plait ». Je savais bien qu’il n’était pas programmé pour réagir à ce genre de stimuli mais avec Muro ça marchait.

« Unité tactique.2873.IA13.Raisonnance » me répondit le vaisseau. Peut-être que le s'il te plait y était pour quelque chose. Non, j'étais un mécano rationnel, je ne pouvais pas croire de telles foutaises sur la politesse face à une machine.

« Ha » fit Thymothe devant la réponse du vaisseau qui ne lui disait rien du tout. Moi, je m'y connaissais un peu plus « Les IA13 n’ont pas été détruite ? » Il s’agissait d’unités dans les dernières créations en intelligences artificielles et elles s’étaient retrouvées les proies les plus recherchées quand soudain la population avait décidé (soufflé pas Valence) que les IA étaient dangereuses, qu’elles risquaient de se retourner contre leurs créateurs et que, dans le meilleur des cas, elles s’empareraient de la totalité du marché du travail nous laissant tels de pauvres hères sans le sous.

En ce qui me concerne, poussé par ma fainéantise naturelle, je serais plutôt enclin à penser qu’on a raté là une bonne occasion de laisser tout le boulot à des machines tandis qu’on se la coulait douce mais je n’étais pas né à l’époque pour faire passer mon point de vue. A ma naissance, les IA avaient été démantelées pour une bonne part avant qu’un petit futé fasse remarquer qu’on pouvait se contenter de les reformater à la baisse. Dans un cas comme dans l’autre mes rêves d’hédonisme étaient morts.

« A-t-on un contact avec le vaisseau ? »

« Oui technicien Mérino ». Ce n’était pas la voix que j’avais programmée pour le potentiellement innocente ça. Parce que cet engin se permettait de brancher nos hauts parleurs sur la fréquence de n’importe qui maintenant.

« Et a qui ai-je l’honneur ?

- UTIA13 Raisonnance.

- C’est un plaisir

- Moi de même »

Cool un vaisseau qui parle. Enfin qui fait autre chose que répondre aux questions.

« Salut Raisonnance ». Voila que je parlais comme Muro maintenant à personnifier une machine. « Tu peux me passer ton patron ?

- Je ne peux accéder à ta demande Technicien Mérino. » Ha voila une réponse à laquelle j’étais habituée. Leur commandant devait déjà être en rapport avec Nanti et comme j’avais plus de chance de recevoir des infos d’une machine que de Nanti, je décidai de copiner avec la bête.

« C’est bon, tu peux m’appeler Mérino.

- D’accord Mérino,

- C’est toi notre destination mystère ?

- Les codes de votre vaisseau correspondent à mes coordonnées.

- Et sais-tu pourquoi nous sommes là ?

- Muro m’a demandé une autorisation d’approche afin de me rendre un service. Je suis plus enclin à penser que c’est lui qui veut un service de ma part. Selon une probabilité de 78 % dans un ensemble dans lequel on ajoute 9% de chance qu’ils vous fassent venir pour satisfaire ce que la race humaine appelle curiosité, 10% de chance qu’il ait dit la vérité et vienne uniquement pour me rendre service, et 3% de chance que ses intentions soient hostiles. Bien sur il ne s’agit que d’approximations en fonction du fond du discours de Muro associé au vocabulaire choisi, au ton de sa voix, aux résultats de ses précédents contacts le tout corrélé aux différentes études sur le comportement humain. La marge d’erreur est cependant de plus de 10% »

Je me disais aussi que son discours manquait de chiffre. Je retrouvais bien une occupation typique d’IA de bas étage : calculer des probabilités sur n’importe quoi

« Et je suppose que Muro est en train de discuter avec ton patron là. » Je mourrais d’envie qu’il me passe la transmission qui devait se dérouler sans aucun doute en ce moment.

« Muro transmet en effet mais ses transmissions ne sont destinées qu’à moi. Je suis en mode dédoublage pour pouvoir avoir deux sons de cloche comme on dit. »

Hum. Pas trop limité la bête, peu d’ordinateurs géraient le second degré.

« Je suis mon propre maître » ajouta la machine.

Thymothe prit part à la conversation « Rien que ça. Pas sur que les mecs qui soient à ton bord partagent ce point de vue.

- Il n’y a personne à mon bord ».

Voila qui n’était pas banal comme réplique. Je soupçonnais Muro d’être derrière cette remarque histoire de me faire une sale blague.

« Ha oui et qui c’est qui te gratte les puces alors ?

- Si cette expression revient à demander qui m’entretient, il semblerait que ce soit toi Mérino. Muro vient de me transmettre qu’il m’offrait un technicien pour prendre soin de moi. Il ajoute que c’est un râleur invétéré, désagréable au possible et me suggère de couper mes capteurs durant l’entretien.

- Oui, on s’adore tous les deux !

- Il dit aussi que malgré ton mauvais caractère tu fais du bon boulot.

Tu seras le bienvenu à bord Mérino.

lundi 25 février 2008

Chapitre 37

37

15/12/3023 Datation légale de Valence.

23h15/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Je dois dire que j'ai bien tenu le choc pendant notre séjour forcé chez les frontaliers mais ensuite, la tension retombée, je suis resté à dormir pendant trois jours me réveillant après des cauchemars dont je ne me souvenaient pas le contenu mais qui me laissaient suant, tremblant et avec la sensation de ne pas avoir fermé l'oeil. Les autres paraissaient dans le même état, mais je ne peux en être sur. Par un accord tacite, nous avions tous décidé de ne pas évoquer ce qu'on avait pu subir dans le vaisseau. Je peux imaginer que les autres ont du connaître un traitement à peu près similaire au mien. Je n'en serais jamais sur. La seule question que j'ai posée a été à Maelie afin de savoir si elle avait été torturée. Elle a secoué la tête puis a dit qu'elle ne s'en souvenait plu, qu'elle avait vécu dans un états de semi conscience où tout lui paraissait flou. Cependant, les jours qui suivirent, je l'ai entendu crier dans son sommeil plusieurs fois par nuit et la fois où je me suis levé pour aller la voir, elle gémissait et pleurait tout en dormant. J'ai mis du temps à me décider à faire le compte rendu de ma propre expérience, mon drone ne m'a pas accompagné sur le vaisseau ennemi aussi j'ai noté ce dont je me souvenais mais avec moins de rigueur. Je n'ai pas souhaité m'attarder à cette tache trop longtemps. J’ai surpris Echo écouter ce résumé. Il ne m’a fait aucun commentaire. Je lui en ai été reconnaissant, je préférais tirer un trait définitif sur cette expérience. Muro a renoncé à ses raccourcis. On est revenu en terrain plus sur et on m'a trouvé un médecin. Le patron a même tenu à payer l'addition. Mon épaule est comme neuve et mon nez gardera une cicatrice. Le jour où je serai riche, je la ferai enlever. Echo a été salement amoché et est resté alité une bonne semaine quant à Maelie, une fois la drogue dissipée, si ce n'est les séquelles citées plus haut, elle était en pleine forme même si elle n'arrêtait pas de se plaindre qu'elle était défigurée. Si elle pouvait garder son coquard quelques temps, au moins elle arrêterait d'attirer le regard de tous les garçons pré pubère à chaque escale.

Avec tout ça, j'ai raté l'entretien avec Mélanie. Thymothe en a fait le compte rendu mais je ne suis pas sûr qu'il soit objectif. Il a surtout parlé de lui, de son opinion, de ses réactions, de ses sentiments et de ce qu'il avait dit alors que je m'intéressais plus aux questions du patron et aux réponses de Mélanie.

En bref, j'ai compris que si elle n'était pas venue plut tôt c'est parce qu'elle menait sa propre enquête et qu'elle ne voyait pas l'intérêt de venir n'ayant rien de consistant. Je traduis : elle nous prend pour des cons.

Nanti lui aurait dit qu'il était étonné qu'elle soit juste venue par hasard au moment où nous étions tous sur le point de mourir et elle aurait répliqué qu'il n'imaginait tout de même pas qu'elle l'espionnait. Là, la patron lui aurait fait le coup du silence et elle aurait dit d'un air franchement vicieux dixit Thymothe que si vraiment elle nous espionnait alors elle aurait appris la traîtrise du sorcier Magistaire et qu'elle serait obligée de le dénoncer alors qu'on ferait bien de croire sa version des faits et que de son côté elle ferait comme si elle ne savait rien de nos contacts.

Là, Thymothe nous a fait une grande apologie imagée de ce que lui inspirait cette salope qui se fichait de nos gueules et je dois dire que je lui ai fourni quelques adjectifs qualificatifs supplémentaires. Thymothe pense qu'il ne faut plus bosser avec elle. Je suis d'accord mais comment faire pour se débarrasser de quelqu'un si on ne sait même pas quand elle est là ? Si ça se trouve elle m'espionne en ce moment même. Peut-être même qu'elle me voit aux chiottes. J'en frissonne.

Bref, Nanti lui a dit ce qu'on savait et qu'elle savait déjà c'est à dire que Saline avait enlevé Martel et qu'ils étaient sur la Belle d'été. Mélanie n'a pas eu l'air étonnée et lui a dit qu'elle soupçonnait Saline de vouloir agir contre ses frères pour s'emparer du pouvoir et elle craignait que Martel soit impliqué. Nanti a dit qu'il en était arrivé à la même hypothèse.

« Martel s'est fait enlevé, on l'a vu sur les vidéos » ai-je répété à Thymothe qui a insinué que Martel était de mèche avec Saline. Il pense que si Saline est venue chercher Martel dans la zone du potentiellement innocente, elle aurait très bien pu être venue avant et monter un plan avec Martel. Paraît que c'est une peste et qu'elle ne supporte pas d'être le troisième rejeton qui n'héritera de rien.

Purement hypothétique. J'imaginai mal Martel dans un complot quel qu'il soit et sûrement pas avec une fille de Valence. Mélanie aurait continué en disant que Saline s'était faite blessée mais elle ignorait par qui ni pourquoi. J'espérai bien que notre petit Martel lui avait foutu une bonne raclée. Thymothe avait fini en disant que la dernière fois où elle avait réussi à le retrouver c'était sur une caméra d'un bar de ce qu'elle appelle pas fréquentable.

Il devait s'être enfui et se cachait mort de peur. Il fallait qu'on le retrouve et vite.

- Mélanie pense qu'il est de mèche avec la princesse » a répété Thymothe comme si j'étais incapable de comprendre.

J'ai remis les choses en place : « Mélanie est une grosse pute, elle raconte n'importe quoi. Elle veut nous induire en erreur et en plus elle ment mal. Elle ne sait sans doute même pas où est Martel ».

Thymothe a mis fin à son monologue mais je crains de ne pas l'avoir convaincu. Elle a aussi confirmé que Martel était son frère et cela devant Thymothe. Super, maintenant l'équipage entier est au courant, et Thymothe et Echo vont être encore plus méfiants. Elle aurait pu fermer sa belle gueule. Elle a dit aussi qu'elle voulait que se soit nous qui le retrouvions car il ne lui faisait pas confiance. Elle pense qu'il ne viendrait jamais avec elle de son plein gré et qu'il la tuerait plutôt. Ce qui prouve que Martel est un bon petit gars. Nanti lui a demandé des accréditations pour la belle d'été. Elle a dit qu'elle pourrait nous en procurer, même pour le vaisseau mais pas pour Maelie alors Nanti a insisté comme quoi c'était impératif que Maelie soit là mais elle a dit qu'elle ne pouvait rien faire pour elle alors Nanti a dit qu'il se débrouillerait autrement et que ce serait bien qu'il lui laisse le champs libre. Réaction saine, ça pue le traquenard sa soi disant aide. D'un autre coté, je ne vois pas comment obtenir des accréditations. Elle a aussi insisté pour qu'on lui explique nos plans.

Nanti a accepté à la condition qu'elle nous promette de ne plus nous espionner.

Elle a promis mais personne n'est dupe et Nanti ne lui a rien révéler.

Une fois qu'on a tous été capable de tenir debout, Nanti nous a réuni pour nous concerter et décider ensemble ce qu'on ferait. Moi j'ai dit bien sur qu'on allait sur la belle d'été récupérer Martel. J'étais même prêt à prendre le risque d'accepter les visas de Mélanie. Après coup, j'admets que c'est du suicide. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi elle ne nous tue pas de suite si elle est contre nous. A croire qu'elle joue avec nous.

Nanti a relativisé énumérant Saline et ses complices potentiels sur place, les deux autres ordonnances de Valence qui nous faisaient sans doute surveiller et qui étaient aux trousses de Martel, Mélanie dont on ne pouvait être sur de sa fiabilité et Thymothe a ajouté « et surtout Martel est peut-être le complice d'une salope de Valence »J'ai rappelé qu'on ne savait rien sur ce point et Maelie a ajouté à Thymothe que le salop, c'était lui et qu'il était lâche en prime et là, je l'ai vu se recroqueviller et se taire puis dès qu'elle a eu le dos tourné, il s'est tourné vers Echo et, a pointé Maelie du doigt et fait une grimace Echo a parut d'accord. Mesquin. Pourtant quand Echo a parlé ce fut pour dire « tout ce que je comprends pour l'instant c'est qu'on a une chance d'avoir des accréditations planètes et que faudrait pas cracher dessus »

Il avait raison. Cet argument fit l'unanimité. Je ne compte pas Thymothe qui a répliqué que si on était mort elles ne nous serviraient à rien.

Nanti a secoué la tête. « Je veux Maelie sur la belle d'été » a-t-il répliqué.

Pour moi ça voulait dire qu'il estimait que Martel pouvait être contre nous et je ne pouvais l'admettre. Je l'ai dit à Nanti et il m'a dit de me taire que ce n'est pas de Martel dont il se méfiait mais de tous ceux qui risquaient de graviter autour de lui puis il a dit à Muro qu'on restait sur le plan de base car on n'avait pas fait tout ce trajet pour rien mais bien sur il ne nous a pas révélé ce qu'était le plan de base. Elle est belle la concertation.

dimanche 24 février 2008

Chapitre 36

36

04/12/3023 Datation légale de Valence.

23h15/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Cinq minutes. C’est la traduction que mon implant temporel a donné à l’éternité passée avant que le sas du vaisseau cède.

Le temps pour nous aussi de prendre position dans la salle centrale.

Nanti a tiré le premier et un homme est tombé. Il y en avait une bonne vingtaine derrière. Puis ce fut la fusillade généralisée. Comme on est des pro il ne leur a pas fallu plus de deux minutes supplémentaires pour prendre le vaisseau et bien trois minutes pour avoir le contrôle de l’ordinateur central. C’est la que Maelie est intervenue. Toute lumière s’est éteinte puis l’obscurité est devenue striée de veines rouges qui se sont tortillées comme des serpents. De longs filaments incandescents ce sont jetés sur nos ennemis. Profitant de l’effet de surprise, j’ai réussi à me dégager de l’emprise des frontaliers grâce à un coup bien placé et rouler derrière les tubes de refroidissements. Malheureusement, je n’avais plus d’armes. Un homme de leur bande a crié des ordres afin d’assurer leur formation mais c’était la débandade générale et le mec en question s’est trouvé enroulé dans un filament et a littéralement pris feu. Je me suis jeté vers la salle des machines pour reprendre le contrôle du vaisseau.

J’ai entendu Thymothe crier mais sans l’apercevoir. Un flot d’injure m’a plus ou moins rassuré sur son sort. J’ai cherché Maelie mais elle était invisible. Ensuite, je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. La lumière est revenue mais de façon intermittente et ensuite il y a eu de la fumée, beaucoup de fumée. Je me souviens d’avoir eu la sensation d’étouffer dans cette purée de poix et puis j’ai dû m’évanouir car il ne me reste qu’un trou noir.

A mon réveil, il y avait un homme penché sur moi. Je n’étais pas couché, j’étais adossé contre un mur dans une position très inconfortable et les bras ligotés en croix. J’avais une furieuse envie de me gratter le nez, sans aucune possibilité de satisfaire ce besoin. L’homme face à moi tenait une sorte de flacon. Ce devait être des sels ou autres substance qui défonce le nez. Il ne me regardait pas mais parlait à un de ses collègues hors de mon champ de vision.

« J’en fait quoi » a dit ce dernier.

Celui à mes cotés a posé son flacon et s’est gratté la joue. « Elle dort encore ?

- Je lui ai remis une dose par précaution.

- Tu l’as auscultée ?

- Mouhai pas de surprise, elle a un implant d’une taille suffisante pour créer les saloperies qui nous ont amochés.

- Ok, tu lui arraches son implant, ça vaut une fortune ce matos, et tu jettes la fille dans le vide.

J’ai hurlé : « Non ». Puis je me suis débattu en tout sens, on ne charcuterait pas ma Maelie et on ne la jetterait pas dehors.

« Regardez le se débattre. Alors quoi, tu y tiens à cette petite sorcière ? Moi vois-tu je trouve qu’elle a suffisamment fait de dégât comme ça.

- Pitié, je ferai tout ce que vous voudrez ?

- Formidable, malheureusement on n’a nul besoin d’un bon à rien dans ton genre alors, j’espère pour toi que tu as des relations prêtes à payer une rançon pour ta carcasse sinon tu iras la rejoindre d’ici peu.

« Remarque » a dit l’autre voix « si la fille est prête à faire n’importe quoi pour ce minable ça peut nous être utile. C’est une esclave, elle n'est pas répertoriée.

- Je vois qu'on fait dans l’illégalité » a dit le plus près de moi en me regardant enfin. Puis il a repris pour son collaborateur.

« On ne joue pas avec les autres réalités. Tu me la jettes par dessus bord et plus vite que ça. » J’ai continué à me débattre en tout sens sans succès autre que de me lacérer les poignets alors qu’on me coiffait d’un casque et qu’imperturbable mon tortionnaire sondait mon corps.

« Un implant temporel XV15 » a récité l’ordinateur. « Bien, ça te permettra de calculer combien de jours on te laissera sans manger.

- Une prothèse visuelle ZYD3. Un modèle au rabais genre attrape couillon. Au moins mon tortionnaire s’y connaissait. C’est vrai que je m’étais fait entuber comme un bleu sur cette babiole. Une puce de crédit. « Aie » ai-je crié tandis qu'on m'arrachait ce qui me sembla être une poignée entière de cheveux. « Vaisseau, identification ADN et sors moi le dossier du monsieur » a-til dit avant de débrancher l’électroaimant ce qui eut comme résultat de m’écraser contre le sol. Quelqu’un m’a agrippé par ce qui me restait de cheveux et me traîna dans un autre coin. Je n’arrivais plus à respirer par le nez tant je saignais et vu le bruit qu’il avait fait en touchant le sol, je craignais qu’il soit cassé. On m’a envoyé dans un coin. Par pur réflexe, j’ai voulu me relever mais je me suis senti entraîner par les bras jusqu’à ce que mes bracelets se collent à un autre mur. Quelqu’un a dû enclencher un champ de force visuel et auditif car un mur s’est formé autour de moi et je me suis retrouvé pris dans une gaine de silence légèrement luminescente.

Je n’avais même pas la possibilité de m’essuyer mais je ne devais pas me plaindre, j’étais encore vivant. Ce n’était peut-être plus le cas de Maelie. Ni des autres d’ailleurs. J’ignorais ce qu’ils étaient devenus.

S'ils voulaient des otages pour des rançons, on ne les tuerait peut-être pas. Après fallait voir si quelqu’un paierait pour moi. Ma mère n’avait pas un rond. Mon frère paierait peut-être trois crédit pour faire bien mais pas plus. Grand père sans doute. Allez savoir avec lui. Mais Thymothe n’avaient aucune famille et ses seuls amis étaient des looseurs. La femme d’Echo se saignerait pour son mari mais serait ce suffisant ? Nanti ? Impossible de savoir. Muro, je n’en avais rien à foutre, il pouvait crever, c'est lui qui nous avait entraîné à la frontière. Et Maelie. Mon petit bébé, elle devait errer dans l’espace. Je me suis débattu me cabrant, ruant, poussant les jambes, tirant sur les bras, sans réussir à faire bouger mes bracelets du moindre millimètre puis se fut une sorte de nausée qui monta soudain. Je reconnus les symptômes pour les avoir déjà vécu. Du gaz soporifique bon marché. Je pensais m’être évanoui mais on nous avait asphyxié. Je me suis cabré encore dans l’espoir qu’au moins je pourrai vomir sur le coté mais sans succès et j’ai été obligé de me vomir dessus.

Je suis vivant ai-je songé pour relativiser. Moi au moins, je suis vivant mais loin de me satisfaire, cette idée a eu raison de mes ultimes forces et je me suis mis à gueuler comme un môme.

Je suis resté ainsi pendant deux jours, sans voir personne souillé par tout ce qui avais pu sortir de mon corps, harcelé par la faim et surtout par la soif, et malgré tout, je crois que j’ai réussi à dormir quelques heures.

Je m’étais habitué à la faible lumière et, quand le champ de force a disparu et que je me suis retrouvé face à un projecteur ce fut comme si mes yeux explosaient. On m’a fait une piqûre et bientôt ma faim s’est calmée. J’ai réclamé à boire et reçus un verre d'eau qu'on m’a jeté à la figure, gaspillage, puis je suis tombé de nouveau quand mes bracelets se sont détachés du mur. On m’a déshabillé avec force de commentaires sur la façon dont je m’étais souillé et la crasse des lécheurs de cul de Valence. « On bosse pas pour Valence » ai-je dit la langue gonflée par la soif.

Pour eux, ça ne faisait aucune différence, toute personne qui s’acquittait des impôts réclamés par Valence était leur complice. On m’a jeté dans une cuve de désinfection et j’ai laissé le rayonnement me débarrasser de la crasse accumulée. Le souffle du jet à haute pression m’a surpri et faible comme j’étais, j’ai titubé pour me retrouver encore collé au mur. J’arrivais juste à me retourner pour que le souffle élimine les derniers résidus. Et je suis tombé assis quand le programme s’est terminé.

On m’a jeté une sorte de tunique de plastique que j’enfilai. J’ai fais deux pas en chancelant pour sortir.

« Les autres ? » ai-je demandé

« T’occupes ». Celui qui m’escortait, je ne l’avais encore jamais vu mais vu la taille du vaisseau, j’estimai qu’il devait facilement contenir entre deux milles et cinq milles personnes suivant le niveau de confort. On m’a trimbalé dans une pièce vide et on m’a commandé de m’asseoir. Pour une fois, j’ai évité de faire mon fier, me suis assis les poignets contre le mur dans la position la moins inconfortable possible. Un autre gars est entré et m’a tendu une tasse sans rien dire.

Je m’en suis emparé et j’ai bu avidement avant de lui demander à tout hasard

« Où sont les autres ? »

Il ne s’est pas donné la peine de répondre quoi que ce soit, a récupéré la tasse vide et est sorti. J’ai senti la pression s’exercer à nouveau sur mes poignets et me suis laissé aller contre le mur. Au moins, j’étais propre.

Un autre homme est entré soutenant ce qui ressemblait à un fantôme de Maelie. La vision de ce petit bout de femme m’a mis du baume au cœur. « Maelie » me suis-je écrié « tu es vivante ! »

Je n’eus aucune réponse et en observant plus attentivement, je me suis demandé si elle était vraiment vivante. Son teint était blanc et toute une joue contusionnée, du sang séché avait coulé de sa lèvre inférieure qui avait doublée de volume et un de ses yeux était tellement atteint qu’elle ne pouvait plus l’ouvrir. L’autre avait l’air intact et pourtant, elle ne l’avait pas ouvert. Elle a toussé légèrement, a relevé un peu la tête et est retombée sur l’épaule de celui qui le tenait avec autant d’aisance que s’il s’agissait d’une simple plume. Donc, elle était bien vivante. Sans doute droguée à bloc mais vivante et elle allait nous sortir de là.

« Réveille là » a dit l’homme le plus près de moi à un autre qui venait d’entrer « mais surveille tes dosages. »

Le nouveau venu, a ouvert une petite mallette, en a sorti quelques produits qu’il a fait passer dans une aiguille et l’a injecté à Maelie qui n’a pas semblé pas le remarquer. Il a pris ensuite un autre flacon, lui a passé son le nez et elle a ouvert enfin son œil valide a cherché sa respiration comme si elle étouffait, s’est mis à tousser puis à cracher si bien que l’homme qui la tenait l’a lachée et elle est tombée à genoux se retrouvant immédiatement un couteau sous la gorge par un autre garde. « Comme tu vois, il est vivant » a dit celui qui m’avait emmené en me désignant d’un couteau beaucoup trop long à mon goût.

« Et, si tu fais ce qu’on t’a demandé, très gentiment, sans tenter de nous entuber peut-être même qu’il le restera. C’est compris ? »

Elle a acquiescé doucement de la tête. Je ne sais pas ce qu’on lui avait demandé mais ça ne me plaisait pas. « File Maelie »ai-je hurlé avant de recevoir le manche du couteau sur la tête.

Elle était tellement abrutie qu’elle n’aurait pas pu faire un pas de toute façon et puis, pour aller où ?

« Bien » a dit l’homme. « Je vais te faire un petit cadeau afin que tu n’oublies pas d’obéir ». Cela dit, l’homme s’est approché de moi son couteau en avant et si j’avais pu, je serai rentré dans le mur. Mais je ne pouvais pas aussi je me suis contenté de regarder la lame qui devenait incandescente avec l’activation du laser et à ma grande honte j’ai hurlé comme une fille

La douleur a cessé aussi soudainement qu'elle avait commencé.

« Que se passe-t-il ? » J'aurais été incapable de dire qui avait parlé. Je n'avais même plus la présence d'esprit de me poser la question. Il y eut ensuite un bruit strident et des hurlements.

« Nous sommes attaqués » ai-je entendu dire.

Ce fut la débâcle. Des gens courraient en tous sens. Je finis par apercevoir Maelie seule gisant sur le sol du vaisseau.

« Réveilles toi » hurlai-je.

Elle a ouvrert un oeil. Je ne lui ai pas laissé le temps de le refermer. « Le tableau de contrôle, débranche les électroaimants »

Sa tête est retombée sur le sol puis j’ai vu avec satisfaction qu'elle se hissait sur les bras et se traînait à quatre pattes.

« Pas bouger la jolie »

Je me suis tordu le cou pour voir le nouveau venu mais Maelie fut plus productive. Elle a marmonné quelques mots, a toussé, leva le bras et la pièce entière s’est couverte de brouillard noir. Je me mis à hurler. Je ne sais pas ce qu'elle faisait mais je n'y survivrais pas il fallait que je m'enfuis à tout prix. J’ai tiré comme un fou pour me libérer et n’est réussi qu'à me faire plus mal. Peu à peu le sort s’est disloqué ne laissant que quelques fumées noires par endroit.

« Ca devrait les tenir à l'écart mais pas pour longtemps »a murmuré Maelie.

Elle s’est traînée jusqu'au panneau de commande et je lui ai indiqué sur quels boutons appuyer. Je me suis senti tomber quand l'électroaimant m’a relâché. J’ai vacillé et me suis précipité sur Maelie qui semblait s'être évanouie sur le panneau de commande. Je l’ai pris dans mes bras « Maelie, ma puce, tiens le coup, il faut sortir d'ici. »

Ses cheveux étaient collés contre son visage, je pensais à de la sueur mais elle pleurait « A quoi bon » m’a-t-elle dit « où veux-tu qu'on aille ? Ils sont des milliers là-dedans.

- Et toi tu en vaux dix mille comme eux

- Je pourrais même pas atteindre la porte » a-t-elle murmuré.

Je me suis levé bien décidé à être fort pour deux, ai passé un bras de Maelie autour de mes épaules et l’ai forcé à avancer.

« Si on sort, on perd la protection du sort de répulsion que j'ai installé.

- Et si on reste ?

- Sans doute qu'on gagnera quelques minutes.

- Non, il faut profiter qu'ils soient occupés quelqu'en soit la raison.

Ces grands vaisseaux ont l'avantage d'être conçus tous sur le même modèle. J'ignorai où je pourrais trouver les autres s'ils étaient encore vivants. Par contre je savais comment retrouver le hangar central où devait être notre vaisseau

Je me suis précipité dans les couloirs déserts traînant Maelie derrière moi jusqu'au sas central, l’ai posée délicatement et me suis occupé de forcer consciencieusement le sas. J'étais rouillé. A 20 ans aucune serrure ne me résistait plus de 5 minutes. Là, je passai bien 10 minutes tout en surveillant les alentours. Le sas s'est ouvert enfin sur le hangar et le potentiellement Innocente. Je ne savais pas comment on le sortirait de là mais déjà le voir me donnait l'impression d'avoir gagné. « On y est Maelie »Je me suis retourné vers elle mais elle s'était évanouie et des pas s'approchaient. Pas le temps de la réveiller, je devais la porter. Je la hissais sur l'épaule. Elle avait beau être toute fine, elle pesait son poids et je n'étais pas au mieux de ma forme. Après m'être assurée que l'endroit était désert, j’ai couru vers le vaisseau en chancelant sous le poids.

« Halte » m’a-t-on crié.

Evidemment, je ne me suis pas arrêté. Du moins pas avant de sentir mon bras exploser. Là, j’ai crié et j’ai lâché Maelie qui a roulé sur le sol dans un gémissement. J'avais le bras en sang et une dizaine de personnes arrivaient armes aux poings.

« Je savais bien qu'il fallait tuer la fille » s'est exclamé l'un d'entre eux.

- Pour l'instant ce n'est pas elle qui nous pose le plus de problèmes » dit un autre.

« Tout juste » La dernière était une voix féminine provenant de derrière moi.

Je ne me suis pas retourné, j'avais devant moi le spectacle le plus improbable qui soit. Les frontaliers se sont mis à tanguer, leur corps se sont disloqué, ils ont hurlé puis ont disparu totalement dans un léger courant d'air en ne laissant qu'un silence de mort. Si j'avais mangé quelque chose, j'aurais vomi. « Maelie ? » Mais elle n'avait pas bougé.

« Regagnez votre vaisseau de suite » commanda la voix derrière moi. Je me suis retourné enfin « Mélanie ! »

- Vite, j'ai dit » Je n'étais pas d'accord sur le principe pour obéir à cette pute mais exceptionnellement je voulais bien faire un effort. J’ai hissé Maelie sur mon bras valide. « Les autres ? »

- Sont déjà au vaisseau » a dit la sorcière de Valence. « Dépêchez-vous d'isoler le vaisseau, j'ouvre le sas. »

J'oubliai à quel point j'avais mal, et je fonçai jusqu'au potentiellement Innocente, entrai dans la structure du vaisseau, posai mon précieux fardeau et activai les champs de forces et la gravité artificielle. A peine ma tache effectuée, les lumières rouges encadrant l'espace ont disparu. Les champs de force du vaisseau frontalier étaient désamorcés. Je me suis traîné vers le puit d'apesanteur pour atteindre la plateforme de commande mais le vaisseau a décollé avant que je ne réussisse à faire deux pas. J’ai vacillé sous l'accélération avant que le vaisseau se charge d'absorber le choc et je me suis traîné jusqu'à la plate forme où Thymothe m'a attrapé pour m'aider à franchir les derniers mètres. J'ai analysé rapidement la situation d'un regard. Nanti était aux commandes, Thymothe paraissait en pleine forme et Echo était là aussi, affalé dans un coin, dans un sale état mais vivant. Je poussai un soupir de soulagement.

« Maelie ? » A demandé Nanti et tous les yeux se sont tourné vers moi « elle est en bas, inconsciente mais je pense qu'elle est juste salement droguée.

- Ton bras ? » me demanda-t-il ensuite

- Juste une égratignure. » Et en plus j'y croyais.

« Regardez » a dit Thymothe. On s’est retourné tous pour suivre la direction indiquée par le doigt de Tymothe. C'était le plus beau spectacle que je n'avais jamais vu. Le vaisseau frontalier avait explosé en silence, l'oxygène brûlait dans un spectacle féerique de rouge et orangé avant de se tarir et l'espace redevint noir. Des milliers de personnes venaient de mourir et je m'en fichais totalement. Non, c'est faux, j'étais positivement ravi.

Quand je me retournai à nouveau Mélanie était là, assise sur le poste de commande. Toujours aussi belle mais du genre à faire froid dans le dos.

Je me rappelai soudain ce qu'elle avait fait à Maelie « Heureusement que vous aviez dit que vous reviendriez et que vous nous aideriez » lui ai-je dis.

- Je viens de faire l'un et l'autre a-t-elle répliqué

- Vous avez tenté de tuer Maelie dans le palais de l'Impérium.

- J'ai sauvé cette petite dinde qui s'était faite repérée par plusieurs dispositifs de sécurité. Si elle n'avait pas eu affaire à moi, c'est Malhari qui se serait occupé d'elle.

- Suffit » lança Nanti. « Mérino va te faire ausculter par le vaisseau.

- Ca peut attendre.

- Alors occupe-toi de Maelie. » Le patron voulait juste que je fiche le camps avant de dire à la pute ce que je pensais d'elle. D'accord, elle m'avait sauvé la vie mais c'était pas suffisant. Elle avait dit qu'elle nous aiderait puis plus un signe de vie. Maelie n'était plus à l'endroit où je l'avais laissé, c'était plutôt bon signe. Je me suis traîné jusqu'à la table d'auscultation espérant la trouver là bas. En effet elle était là, pas en grande forme mais consciente et Muro s'occupait d'elle. Je l'avais oublié celui-là. C'était lui qui nous avait mis dans ce pétrin, soi disant pour gagner du temps. Toute ma hargne s’est déplacé de Mélanie vers lui mais j’ai attendu que le vaisseau lance un verdict positif sur l'état de Maelie avant de décharger mon agressivité. Je me suis élancé prêt à le frapper mais il me retint d'une seule main.

« Tu es plus faible qu'un nourrisson Mérino attends d'être remis sur pied avant de me faire la peau. » Au moins il avait la décence de paraître gêné.

Il m'a aidé à monter sur la table et passer au scanne. J'étais dans un sale état, pas de surprise et j'aurai besoin d'un médecin pour me recoudre et s’occuper de mon nez et de mon bras mais je survivrais. Je me laissai enfin aller sur la table, tout devint noir et quand je me réveillais, j'étais dans mon lit, avec pour toute preuve que je n'avais pas fait un cauchemar un joli bandage autour du bras.

Chapitre 35

35

30/11/3023 Datation légale de Valence.

20h34/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Nous nous sommes arrêtés deux fois après cette incartade. Une fois pour le ravitaillement en eau et matière première sur Aspic et une autre sur la station orbitale P23. Aspic, ok, abandonner Muro là-bas aurait été indigne de nous. Sur P23, j’y croyais. Nanti a ouvert le sas, a appelé Muro, lui a présenté la porte ouverte et lui a dit : « au revoir ».

Il a dit : « tu déconnes, je ne vais pas descendre là.

Nanti lui a dit qu’il ne voyait pas pourquoi il l’hébergerait plus longtemps.

Muro est reparti dans son délire habituel pour essayer de nous culpabiliser mais Nanti a dit qu’il se sentait si coupable qu’il avait décidé de ne pas lui faire payer les quelques semaines passées sur le potentiellement innocente.

C’était bon ça. Enfin, j’imagine la scène car je n’étais pas là, c’est Thymothe qui me l’a rapportée mais avec un réalisme époustouflant.

Mon drone aussi a enregistré la scène mais Muro lui a dit d’effacer la séquence et cette imbécile de machine s’est exécutée.

Aucune reconnaissance ces appareils. Muro n’est même pas capable de les entretenir correctement. Il ne fait que s’en servir. Il les exploite quoi. J’ai tenté d’expliquer le concept au potentiellement innocente, sans succès. Le vaisseau m’a patiemment écouté et a répondu que Muro avait les codes d’approches.

« Mais qu’est ce qu’un code d’approche ! » ai-je dit.

Il m’a répondu que les impulsions de son implant neural correspondaient à un accès autorisé aux informations en mémoire ainsi qu’aux relais contrôles et à la base d’action.

Mauvaise réponse, le vaisseau n’avait pas été capable de cerner que ma phrase n’était pas interrogative mais exclamative. Ce que je voulais dire, c’est qu’est ce qu’un code d’approche face aux liens qui nous unissent le vaisseau et moi. Moi qui le bichonne, qui vit en lui depuis des années. Comment peut-il soudain se tourner vers un parfait étranger ?

Je ne lui ai pas dit. Si c’est pour me sortir un truc du style : Muro n’est pas un étranger car il a un code d’approche valide, c’est pas la peine. Je devrais le dénoncer à Valence, c'est sûrement pas un implant répertorié ce truc.

Bref, pourquoi je disais ça moi ?

Ha oui, donc nous avons tous espéré que Nanti foute Muro dehors. Car je ne suis pas le seul à penser ce que je pense.

Il parait que Muro a soupiré du genre de soupir qu’on fait quand on est résigné m’a décrit Thymothe.

Il a dit « d’accord ».

Nanti a répliqué « d’accord, tu t’en vas » et Muro a dit « d’accord, je transmets les coordonnés.

- Et tu serviras d’intermédiaire

- Et je servirais d’intermédiaire. »

D’intermédiaire pour qui ? Mystère, comme à son habitude Nanti cultive le silence mais Muro est resté à bord et a donné de nouvelles coordonnées au potentiellement innocente vers lesquelles on se dirige. J’en déduis que Nanti a gagné mais j’ignore encore quoi.

Bien sur, la première chose que j’ai faite, c’est chercher à savoir qu’elles étaient ces coordonnées. Impossible, le vaisseau m’a refusé l’accès. Vous imaginez ma frustration. J’ai tout essayé et je n’ai obtenu qu’un : accès refusé.

Echo s’est lancé dans une autre tactique concernant à faire des projections de coordonnées possibles à partir du point de départ et des directions avec un programme secondaire du potentiellement innocente car le programme principal refuse. Autant calculer la taille de l’univers avec une feuille et un crayon.

En tout cas, on ne se dirige pas vers la belle d’été. J’avais eu un maigre espoir que Muro pourrait nous faciliter un accès planétaire mais ça aurait été trop beau. Ce n’était quand même qu’un petit délinquant sans prétention.

« Hé patron, on quitte les frontières du système là. » J’avais beau être nul en cartographie mon instinct de survie connaissait les points à éviter et les frontières en faisaient parties. Des zones mal identifiées en conflits permanents et regorgeant de météores que même la corpo de Valence avait laissé tomber. Les patrouilles de guerres des uns et des autres se disputaient l’espace avec des mercenaires sans foi ni loi et des non humains pire encore.

« Muro, tu es sur de ton plan de vol ? » demanda Nanti

« Mais oui » répliqua ce dernier, si on ne longe pas la bordure frontalière, on en a pour dix jours de plus mais t’inquiète, c’est calme ce coin.

« Demi tour » lança Nanti. Le patron nous délecta ensuite d'un échantillon d'insulte à l’encontre de Muro concernant principalement son irresponsabilité, le danger dans son acte... C'était la première fois que Nanti remettait un membre d'équipage à sa place devant les autres. Grand moment. Dommage que Muro ne montra pas le moindre signe de gêne face à ce discours pourtant d'une vérité absolue.

« Il y a un vaisseau ! » s’exclama Echo.

« Enfin, c’est calme, en général » précisa Muro.

« Oui, perdre dix jours n’étaient pas cher payé comme détour à mon avis.

- Identification » réclama Nanti.

Putain, il était énorme et limite sur nous.

« Pourquoi ne l’as t’on pas vu plus tôt celui-là ?

- Il était dissimulé dans la barrière de météore frontalière. »

Quelle excuse stupide ! « Et pourquoi traversait-on une barrière de météore, c’est un nid à abordage ce genre de truc. Tout le monde le sait.

- C’est Muro qui a reconfiguré le système de gestion des priorités. » Le ton montait entre Echo et moi. Nanti aussi géra les priorités. « Maelie » hurla-t-il.

« C’est trop tard » dit Thymothe tandis que toutes les lumières s’éteignaient. Impulsion électromagnétique pensais-je

« Leurs grappins magnétiques sont enclenchés ! »

En effet, l’avant du vaisseau s’était entièrement ouvert et le potentiellement innocente dérivait inéluctablement vers cette gueule béante.

« Logarithme » dit Echo.

- Quoi ?

- L’identification est terminée, il s’agit du vaisseau nommé Logarithme. » Pas d’appartenance, identification d’indépendantiste chez Valence. Code 2 ».

- A abattre » traduisais-je ce sont des assassins et là, c’est nous qui allons être abattu. J’en ai marre de me faire attaquer sans cesse. Avant de mourir, je voudrais tuer Muro.