vendredi 1 février 2008

Chapitre 26

26

11/09/3023 Datation légale de Valence.

02H21 / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

« Maître Nanti ! » Je pensais le trouver endormi, la nuit était bien avancée et si j’avais pu, moi, j’aurais été en train de dormir. Mais j’étais de garde au poste de pilotage et je passais le temps en crachant mes poumons. J’avais attrapé la crève du siècle chez mon frère. Faut dire, c’est une station de rapias dont la politique est de dire que le chauffage, c’est du gaspillage d’énergie et que leur soleil suffit. Bref, quand j’ai ouvert la porte de chez Nanti, une vraie porte en titane, il était habillé et n’avait pas l’air d’un homme qu’on venait de réveiller. Juste une ride de contrariété qui disait que je le dérangeais. Alors que moi, j’avais l’air du mec bien endormi.

« Un appel de l’Impérium. » que je lui ai dit. Car le vaisseau m’avait réveillé, enfin je ne dormais pas, j’étais à mon poste. Bref, je venais de recevoir un message de l’impérium venant du réseau prioritaire. C’était la nouvelle du siècle. Nanti haussa un sourcil et hocha la tête.

« Transmets » a-t-il dit

J’avais déjà essayé mais le récepteur de ses quartiers avait encore lâché. Je le lui ai expliqué mais il m’a claqué la porte au nez en me disant de réessayer. Je suis remonté à la salle des commandes, j’ai récupéré l’appel, me suis excusé pour l’attente et j’ai dis à mon interlocuteur que je passai le message. J’ai recommencé la transmission et j’ai entendu la voix du patron. J’ai lutté de toutes mes forces contre ma curiosité et j’ai réussi à couper l’interphone de moi-même avant que le vaisseau ne le fasse. Si je l’avais laissé, le patron le saurait et j’en prendrais plein la tête. A la place, je me concentrai sur le pilotage. Je n’avais objectivement rien à faire sinon rester là durant mon tour de garde. Si j’avais encore mon amulette de chance de Marvin, je m’en serai servie pour demander que Nanti vienne me faire un compte rendu de son entretien téléphonique, mais je l’avais perdue au jeu. Je devrais demander à Maelie de m’en concocter une autre. Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? La réponse était évidente, je ne croyais pas en ses foutaises. Même Marvin avait avoué qu’il n’y avait aucune magie qui influait la chance. Mais ces temps-ci, à force de baigner dans le surnaturel, j’en finis par perdre ma rationalité. Pas bon ça. Cette situation était trop stressante, ma curiosité me rendait malade. Aucun danger en vue, une petite balade ne prêtera pas à conséquence et il me semble important de mettre les autres au courant de la situation et je devais me déplacer jusqu’à leurs quartiers, parce que, par l’interphone, je n’aurais pas le plaisir de voir leurs têtes quand je leur annoncerai que le patron a une communication directe avec l’Impérium.

Je frappai contre le champ de force des quartiers de Thymothe, juste histoire de le réveiller pour voir. Mon bras passa à travers et déstabilisé et entraîné par mon poids, je le traversai tout entier pour m’écraser de l’autre coté, ma chute heureusement amortie par un pouf bien placé. Thymothe et Echo me regardèrent, chacun un paquet de carte à la main. « T’es pas bien toi !» commenta Thymothe.

En effet oui. Je n’étais pas bien et j’avais un peu la haine en voyant qu’alors que moi, je montai la garde, seul et malade, mes deux équipiers, plutôt que de dormir, se payaient du bon temps. Pour jouer, ils auraient très bien pu le faire en haut en montant la garde tandis que moi, j’aurais pu dormir.

Je ravalai mes réprimandes, ils avaient le droit de passer leur temps libres comme bon leur semblait. Juste, ils auraient pu avoir pitié de moi. Je toussai un bon coup pour me faire plaindre.

« Oui, ca va pas mieux » lança Echo d’un ton de fausse pitié.

« Je vais crever » que je lui dis. C’était un peu mélodramatique mais j’avais déjà vérifié sur le réseau de la station où je pourrais avoir une injection et étudier mon compte pour vérifier si je pourrais me la payer et j’avais conclu de mes recherches que je pourrais me faire soigner n’importe où mais que je n’avais pas les moyens. Le traitement rapide et efficace était hors de prix. Parait qu’à une époque reculée, on avait lancé la mode des soins gratuits. Faudrait proposer ça à Valence, le concept leur plairait de payer les soins à tous plutôt que de bouffer nos taxes à nous rendre malade.

« J’ai des trucs contre la fièvre » dit Thymothe.

- Merci, j’ai déjà pris.

- Et ?

- Et, j’ai transpiré à me liquéfier, puis j’ai eu chaud, puis froid, puis ça a été mieux, puis ça a recommencé. Grand-père m’a donné des médicaments. Il m’a assuré que dans une semaine je serai sur pied. Dire que si j’avais du fric, en une demi-heure je pourrais être guéri. Il n’y a pas de justice.

- Tu ne devrais pas être de surveillance en haut ? » Dit Echo

M’aurait-il proposé de me remplacer ? Aurait-il compati à ma douleur ? Que dalle.

« J’y retourne. Je suis juste descendu prévenir Nanti car il avait un appel de l’Impérium. »

Tout d’un coup, j’avais capté l’attention des deux compères bien plus qu’avec mon agonie.

« Un appel de l’Impérium ! De qui ? Pourquoi ?

- Je dois rejoindre mon poste. » Je traversais le champ de force comme s’il n’existait pas. Je n’entendis pas d’autres questions. Sans doute avaient-ils branché l’isolation phonique. En tout cas, je n’avais pas fait deux pas en traînant et toussé encore cinq fois qu’ils étaient sur mes talons. « Raconte ? » disait Thymothe. Je laissai le petit monde bavant de curiosité à ma traîne jusqu’au poste de pilotage et installé dans un fauteuil, je me décidai à faire le compte rendu. Je les aurais bien laissé patienter mais les entendre me harceler de questions accentuait mon mal de crâne.

« Donc, j’étais à mon poste et je frissonnai sous le coup d’une poussée fébrile.

- Abrège” dit Thymothe.

Aucune compassion celui-là. « Et un message est apparu précisant que le Vaisseau Impérium de la flotte de Valence souhaitait parler au commandant du potentiellement Innocente.

- Et ?

- Alors, j’ai essayé de le transmettre à Nanti mais ça ne marchait pas. Le vaisseau m’a dit qu’il avait débranché ses hauts parleurs

- Et alors ?

- Alors, je suis descendu prévenir Nanti.

- Et ?

- Et il a rebranché le serveur. Alors, il a dis de transmettre l’appel et m’a dit élégamment de foutre le camp.

- Et ?

- Et voila, je suis passé vous voir. Je comptais frapper doucement aux quartiers de Thymothe pour voir s’il dormait mais vu qu’il avait mis champ de force au minimum je suis passé au travers.

- Consigne d’économie d’énergie » expliqua Thymothe.

« Et c’est tout ! » s’exclama Echo.

Ben oui, c’était tout, jamais je n’avais dit qu’il y avait quelque chose de palpitant. Pourtant, je crus bon de me justifier. « Si on analyse la teneur du message, c’est quand même intéressant. D’abords, ils ont répondu et au bout d’à peine cinq jours et puis dans la formulation, ils parlent de souhaits. Ils souhaitent parler au commandant. Ils auraient pu dire : j’exige ou je veux. Non, ils modulent leur réponse.

- C’est qui ils ?

- Comment ça ?

- Le message ! C’était qui ?

- J’en sais rien, c’était juste marqué l’Impérium. Le vaisseau a refusé l’accès à l’identité ». Faut vraiment que je bricole cette machine.

« Bref, tu ne sais rien. »

Là, mon orgueil était piqué au vif d’autant plus que Thymothe avait raison mais ça, je ne pouvais décemment pas l’avouer.

« Le fait qu’il n’y ait pas de nom, c’est aussi un indice. Peut-être le correspondant ne voulait-il pas qu’on sache son identité. Il faudrait se demander pourquoi il voulait se dissimuler ainsi. Sans doute voulait-il rester anonyme mais pourquoi ? »

Je tournai en rond là.

« Peut-être juste que tu n’as aucune info. » Thymothe se détourna et se laissa tomber dans le puit. Echo était resté mais je ne le sentais pas prêt à avoir pitié.

« Maelie est réveillé ? » me demanda-t-il.

Parce que non seulement je devais me taper la garde mais en plus la surveillance de Maelie ! Quand grand-père avait examiné Maelie il avait failli faire demi tour. Il l’a examiné et m’a rappelé cinq minutes après. « Mérino, c’est quoi ce monstre ? » a-t-il dit en désignant l’implant de Maelie.

« Je ne suis pas un monstre » s’est-elle récriée. Ca a failli mal tourner, Nanti est arrivé, il m’a dit de sortir ensuite il m’a retrouvé 10 minutes après et m’a dit que le grand-père allait le faire. J’ignore comment il l’a convaincu. Sans doute un supplément financier, avec grand père c'est les vases communicant : plus l'argent augmente plus la morale diminue. Peut-être Maelie pourra-t-elle m’en dire plus à son réveil.

D’ailleurs, a ce propos : « vaisseau, Maelie est-elle réveillée ? »

C’était une chirurgie mineure, mais on n'est jamais trop prudent, j’avais fait relier ses fonctions vitales au vaisseau. « Ondes cérébrales en phase REM. »

Ca voulait dire que le bébé faisait de jolis rêves. Si c’est pas mignon ça.

J’éternuai, me refis une aspiration pour me vider le nez puis me laissai aller sur mon siège pour poursuivre mon agonie, Echo était parti pendant mon compte rendu, à croire que ça ne l’intéressait pas

« Tu as juste attrapé froid Mérino, pas de quoi faire de telles démonstrations ».

Je poussai un cri de surprise. Pourquoi Nanti arrivait-il toujours par derrière sans prévenir.

« Tu es de garde Mérino, tu ne devrais pas te laisser surprendre.

- Oui Patron ». Je ne pus cependant pas m’empêcher d’ajouter : « D’un autre coté, je surveille surtout l’extérieur. J’imagine mal quel danger pourrait venir de l’intérieur du vaisseau. A moins que Thymothe nous fasse une nouvelle crise de somnambulisme ». Un jour, à jouer les somnambules, il avait tenté, en dormant, d’ouvrir le sas. Pas de quoi s’inquiéter, les systèmes de sécurités sont tels que jamais le sas ne s’ouvrirait sur le vide mais le vaisseau a ameuté tout le monde. Se faire réveiller en état d’alerte maximale pour trouver Thymothe à poil, c’est quelque chose.

« Alors tu manques d’imagination Mérino. »

Ne jamais contredire Nanti. Chercher plutôt un moyen de satisfaire ma curiosité. J’expérimentai une phrase dans ma tête : Alors Patron, cet appel de l’Impérium ? C’était foireux comme approche.

« Ou sommes nous ? » demanda le patron

Je lui envoyais à hauteur de regard un hologramme remplit de chiffres. Echo savait mettre des mots sur ce genre d’abstraction, moi, je ne voyais que des coordonnées.

« Bien » dit-il. « Trouve moi la position de la flotte de Valence. »

Je me mordis la lèvre pour ne pas lui demander des précisions et demandai à l’ordinateur de sortir les informations demandées, que j’affichai à coté des nôtres.

« Bien », dit-il encore. « Tu m’alignes ça. »

Je craquai. « Vous voulez dire qu’on va sur l’Impérium ?

- Quel brillant esprit déductif Mérino. Et tu vas m’accélérer ça, nous devons y être dans six jours. »

Je restai la bouche ouverte, secouai la tête et repris : « grand-père a émis l’hypothèse pas stupide que si Valence avait enlevé Martel, ils ne le garderaient pas sur leur vaisseau d’autant plus qu’ils pouvaient se téléporter n’importe où. »

Nanti me rabroua : « Tu me l'as déjà dit.

Ok, bon ben destination suicide alors pensai-je en entrant les coordonnées. Après tout, on commence à avoir l'habitude.

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