vendredi 22 février 2008

Chapitre 33

33

30/10/3023 Datation légale de Valence.

10H00 / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

« Echo ?

- Oui Mérino.

- Est-ce que, par le plus grand des hasards, tu saurais ce que nous faisons ici ? »

Sourire sarcastique d’Echo accompagné d’une sorte de Pfff qu'il faisait dès que je posais une question idiote. Evidemment, il n’en savait rien. Il l’aurait su que j’aurai été vexé que Nanti le lui dise à lui et pas à moi. J'avais encore le goût amer de la trahison de Nanti qui nous avait caché les liens filiaux entre Martel et Mélanie. J'ai fait part à Nanti de ce que je pensais à ce sujet. J'en ai pas fait de compte rendu car il m'a humilié et...

« On s’est posé car Nanti est venu pour voir quelqu’un dans ce trou. » Parce que Thymothe savait des trucs. Ca m’étonnerait. Il devait le faire croire pour faire le malin.

« Nanti n’est pas le genre à côtoyer le genre de personnes qui vivent dans ce genre d'endroit ». Tout en disant cela, je me suis tourné pour désigner l'extérieur. Le spectacle était en tout point semblable à n’importe quel astroport de n’importe quel station. Pourtant, nous n’étions pas sur n’importe quelle station. La déchéance. Nous appelions ainsi toutes ces bases de brigands en tout genre dépourvu de la moindre organisation. Sous couvert de grandes idéologies de liberté ces trous n’acceptaient d’obéir à aucune loi et se développaient ici un vivier de parasites en tout genre.

La station n’avait pas de nom. Sans doute les occupants en avaient-ils trouvé un quoique, pour cela, il aurait fallu qu’il y ait un semblant de concertation entre leurs occupants. Il était plus probable que la station ait plusieurs dizaines de noms. Je n’en connaissais aucun aussi, je continuerais à l’appeler : la déchéance tout comme les autres endroits sordides dérivant dans l’espace en attendant le jour où Valence les découvrirait et les ferait exploser comme des boites de conserve de foire.

D’après une théorie de mon copain Mike, un ingénieur de froide que j'ai déjà dû évoquer, la corpo de Valence a déjà repéré ces stations mais les laisse vivre car elles mettent en avant une image de l’anarchie. Une façon de dire aux autres : regardez où vous en serez si nous n’étions pas là. Comme si Valence nous aidait à quoi que ce soit.

Bref, l’espérance de vie sur les stations déchéance est plus basse que nulle part ailleurs et la fin souvent violente. La seule règle est la loi du plus fort. Si tu as de la poigne tu as moyen de t’y faire un peu de pognon sinon, tu crèves.

Le seul fait de s’y être posé devait augmenter la probabilité pour moi de ne pas voir le prochain repas, ou du moins les saloperies protéinées qui en tienne lieu, d’au moins 500%.

« Pourquoi Nanti voudrait-il voir quelqu’un ici ?

- Je ne sais pas, je l’ai juste entendu le dire dans une communication. » Thymothe est nul en compte rendu « Qu’a-t-il dit exactement ?

- Hé, je n’espionne pas le patron. Je l’ai juste entendu dire : C’est bon, je viens puis il est allé voir Echo et lui a donné les coordonnées d’ici.

- Et tu n’as pas entendu de quoi il s’agissait ?

- Non, je te dis.

- Et tu n’as pas demandé au Vaisseau ?

- T’es con, bien sur que si mais le vaisseau est programmé pour éviter de cafter. Je sais juste qu'il s'agissait d'une communication cryptée sur un mode prioritaire sans doute illégale comme la plupart de nos communications. »

Ben oui, c'est normal, si on devait payer les taxes exorbitantes que demande Valence pour utiliser les réseaux, on serait bon à finir ruiné au bout d'une semaine et sans passer par les réseaux, on aurait plus vite fait de traverser le système et porter le message en main propre.

« Je vais te récupérer un double de la communication moi, ça va être vite fait. Ca s’est passé quand ?

- Hier mais tu n’auras rien, le vaisseau a détruit les enregistrements.

- Merde. Vaisseau, tu confirmes la destruction de la communication établie entre Nanti et la station déchéance ?

- Manque données.

- Communication du … à quelle heure ?

- Vers 20H.

- 20h heure vaisseau plus ou moins 10 minutes.

- Confirmation de l’activation de la destruction automatique de toute communication extérieure en provenance du maître Nanti. »

Bon sang, si ce parano a commandé une destruction automatique de toutes ses communications, pourquoi le potentiellement innocente me nargue-t-il pour avoir des données supplémentaires inutiles ? Faut vraiment que je le reprogramme. Ca tombe bien, je crois que je vais profiter de cette escale pour m’y activer. C’est que, pour une fois, je n’ai pas du tout envie de faire du tourisme. Quelle idée à la con de venir ici. Je me tournai vers Thymothe

« Mais quand Nanti a dit qu’il venait, il était du genre, plutôt content ?

- Non, du genre à pas s'y frotter.

- Tu es sûr ?

- Je ne m'y suis pas frotter pour vérifier mais qui pourrait être content de venir ici ? De toute façon, tu ne tarderas pas à en savoir plus, tu nous raconteras.

- Pourquoi j’en serais plus ? »

Thymothe haussa les épaules. « C’est toujours toi que Nanti emmène dans ses petites virées ».

J’ai pas rêvé, il y avait bien une trace de jalousie dans cette dernière remarque. Mais, pour une fois, je lui aurais volontiers cédé ce privilège. « Tu n’imagines pas que je vais sortir du potentiellement innocente pour aller là ? Rien ni personne ne pourrait me faire aller dans ce trou.

- Mérino, je sors, tu viens avec moi. »

Nanti avait dû m’entendre, cette coordination était tout à fait son style. Thymothe sourit me révélant toutes ses dents ornées de minuscules pierres et me dit au revoir d'un signe de la main. Je lui fis remarquer en passant près de lui que j’avais un dentifrice blanchissant et que je le lui prêterais volontiers. Au moins, il ravala son sourire.

Nanti me tendit un flingue. Je l’accrochais à ma ceinture en pensant que, vu mon talent aux armes, si une balle de ce truc pouvait atteindre quelqu’un, il y avait des chances que ce soit moi.

Maelie nous rejoignit en arrivant au sas. Elle ne portait pas d’arme mais s’était habillée pour sortir. Elle avait troqué ses minijupes pour un pantalon noir et une tunique rose resserrée à la taille par une large ceinture. Ca m’étonnerait que ses efforts suffisent à calmer les instincts des animaux qu’on pouvait trouver dehors. Nanti l’a pris par les épaules et j’eus droit à une pathétique représentation.

Il lui dit, très sérieux : « Maelie, je suis vraiment désolé de te demander de nous accompagner. Ce n’est pas un lieu pour une jeune fille, j’en suis conscient. Si je pouvais faire autrement ».

Il valait mieux entendre ça que d’être sourd. Parce que c’était plus un endroit pour moi. Sans doute culpabilisait-il à mort depuis qu’elle était revenue sérieusement amochée de l’Impérium. Il lui avait fallu une bonne semaine pour s’en remettre mais elle était jeune et récupérait bien.

Le sas s’est ouvert. Un souffle d’air froid est entré. Ca ne devait pas être chauffé à plus de dix degrés ce truc et les spots trop faibles agrandissent les ombres et jettent une pâleur blafarde qui fiche la trouille. Après, ce n’est pas plus mal. Il fallait mieux cacher la crasse et la chaleur a tendance à amplifier les odeurs. Ca sent l’urine et la décomposition à croire que la base est dépourvue de station de recyclage. Ce qui est peut-être le cas d’ailleurs. Ca doit être le rêve pour les épidémies ce coin. Autour de nous, les murs d’enceinte de l’astroport étaient noirs. Dans la pénombre, difficile à dire si c’était sa couleur originelle, en tout cas, c’est choquant dans notre époque où les effets de modes sont axés sur la couleur et la lumière. L’astroport est une zone neutre avait dit Nanti. Je croyais que la station entière était neutre. Nanti se dirige vers la porte. Nous sommes le seul vaisseau arrimé. Normal, fallait être dingue pour se poser ici. Bon, j’exagère, il y a bien quelques épaves mais pour rien au monde je me serais lancée hors du champ protecteur de la station dans de telles boites de conserves. Nanti arrive à l’entrée et entre dans le bureau près de la porte pour payer son droit de passage. Un homme d’age moyen vérifie le compte et l’accréditation. Jusque là, l’endroit ressemble à n’importe quel endroit civilisé en plus moche et plus sale. Je notais le canapé lit et la présence de quelques vaisselles ébréchées. Le monsieur devait sans doute vivre dans la sécurité relative de l’astroport.

L’homme dit à Nanti qu’il était en règle et fronce les sourcils devant Maelie : « je conseillerais à la petite dame de pas sortir du périmètre de l’astroport. A vrai dire, je le conseillerais à tous mais plus particulièrement à la petite dame.

- C’est noté » Maelie s’en fout, elle a déjà passé le sas de sortie. Nanti l’a rattrapée et la pousse derrière lui dans un geste protecteur avant de se raviser et de se contenter de lui faire face. « Tu as bien compris » lui dit-il.

Maelie pousse un grand soupir. « Oui. Je ne dis rien sans ton autorisation, je ne fais rien sans ton autorisation, je suis là uniquement si les choses tournent vraiment mal pour vous sortir de la merde ».

Nanti grogne et je retins un sourire. Ca l’aurait tué notre Nanti d’avouer qu’il avait besoin de quelqu'un, et en plu une fille pour le protéger.

Pour se diriger dans une station, il n’y a pas de règles. Il est rare que les résidents se fatiguent à faire diverses signalétiques pour les nomades de passage. Nous, ce qu’on fait, c’est télécharger un plan des stations sur lesquels on se pose. En général, il y a toujours de bonnes âmes pour lancer des ébauches de plans sur les réseaux, le tout complété par les indications des uns et des autres, ça nous donne un semblant de quelque chose. Bien sur, ici, que dalle. On est passé au plan B : Demander son chemin. C’est parce que Nanti l’a demandé à des mecs de passage que j’ai su qu’on allait aux quartiers d’habitation D32, ce qui ne m’a concrètement apporté aucune information supplémentaire. Le premier gars n’a pas voulu répondre, parait qu’on n’aime pas les touristes ici. C’est ce qu’il a dit. A la troisième réplique du genre, Maelie bouillonnait, les petits poings serrés. Nanti a même cru bon de lui rappeler les principes de base. Au quatrième essai, une fille que je qualifierais de pute pas cher nous a dit que c’était sur le territoire des Hyènes. On n’a pas compris en tout cas en ce qui me concerne alors elle nous a dit qu’ici on était sur le territoire du gang des taureaux et que s’ils nous trouvaient on pourrait dire adieu à nos belles gueules car c’était pas des tendres et que le D32 c’était chez les Hyènes qui nous prodigueraient le même maquillage si on avait le malheur de foutre un pied chez eux. Pour une station qui soi disant n’appartenait à personne, je trouvais que ça faisait beaucoup d’appropriation.

Le territoire des Hyènes, on a trouvé en suivant un mec complètement déjanté dans un trip tout droit sorti d’une drogue que je ne toucherais pas qui sautillait plus qu’il marchait en hurlant dès qu’il touchait le sol qui s'était transformé en braises ardentes selon ses dires. Une grosse ligne de peinture orange traversait la rue avec marqué sur le sol en peinture rouge ici commence le territoire des hyènes en lettres hybrides. Merci de l’info, et alors ?

On n’eut pas fait trois pas de l'autre coté qu’on fut intercepté par une bande de gosses dont le plus âgé qui nous adressa la parole devait péniblement atteindre les 25 ans et ferait bien de se faire une coupe de cheveux ou au moins de les passer dans une cuve de nettoyage avec tout le reste du corps. C’est cinquante crédits le passage, plus si vous voulez faire affaire.

Maelie reprit la première place « Cette station n’appartient à personne, on n'a pas à payer quoi que se soit » Elle avait dû oublié les consignes de Nanti. Ce dernier la récupéra en l’attrapant par la tunique. Ca suffirait jamais. Maelie est intenable et j’imagine mal que sa petite balade à travers d'autres réalités ait suffit à calmer ses instincts.

Le gosse siffla entre les dents et son regard changea du tout au tout devant Maelie. « Vu comme ça. Je pense qu’on va changer le tarif. Mademoiselle va se charger du paiement en nature.

- Dans tes rêves » Ca, je confirme, on touche pas à Maelie.

Nanti ôta une de ses bagues et la tendit au gamin. « Voila pour le droit de passage » dit Nanti en envoyant le bijou qui tomba pile dans la main d’un des gars.

« Patron, vous n’allez pas cautionner cette escroquerie ? » s’indigna Maelie. Je sentis les problèmes venir à grand pas.

Les mecs en face se mirent à rire. Un prit la parole. « C’est bien vrai, on préfère la fille et j’crois bien qu’elle en meurt d’envie.

- Je vais te montrer de quoi j’ai envie moi.

- Maelie non » dit Nanti.

Trop tard. Le gosse avait les yeux exorbités et cherchait désespérément de l’air. Un brouillard sombre s’intensifiait autour de son cou.

Le plus âgé qui devait être le chef fut le premier à comprendre. « Pas de Sorcière chez nous » hurla-t-il.

« C’est pas chez vous » grinça Maelie « mais si vous tenez à la jouer à la loi du plus fort, il se pourrait bien que ça devienne chez moi ». L’air se réchauffait dangereusement et se mettait à grésiller. Il n’allait pas tarder à pleuvoir des petites braises.

Je ne sais pas ce qu’elle lui fit mais le petit chef se mit à hurler plié en deux, les mains sur ses bijoux de famille. « Ca, c’est pour ton droit de passage » dit Maelie en passant au milieu d’eux « et tu avais raison, j’en mourrais d’envie ».

Nanti la suivit et je fis de même.

« Je pense que vous aviez raison, ce n’est en effet pas un endroit pour Maelie. »

Vu le regard que me lança Nanti, j’avais manqué une bonne occasion de me taire.

« Je ne tiens pas à ce qu’on se fasse remarquer » rappela Nanti à Maelie une fois hors de vue de la bande des Hyènes. Trop tard pensai-je. Quand à notre sorcière, elle ne répondit pas.

« Ta petite démonstration risque de nous attirer des ennuis. » le patron continuait sa litanie : « Je sais ce que tu penses » ajouta-t-il « mais tu n’es pas de taille. »

Je ne savais pas à quoi elle pensait mais si elle n’était pas de taille, on en prendrait plein la gueule. On traversa des rues à coté desquels une usine de traitement des déchets aurait pu passer pour un quartier chic. Maelie marmonna que le prochain qui osait lui manquer de respect, elle le tuerait et je craignais qu’elle soit sérieuse. Heureusement, si on croisa un échantillon de tout ce qu'on fait de plus sale et laid dans la race humaine personne ne s'interposa. Peut-être que la rumeur de la présence d'une sorcière sur la station s'était elle répandue car je trouvai qu'on nous regardait avec suspicion. Où alors, c'est juste parce que nous étions propres.

Nanti s’arrêta devant une tour depuis longtemps dépourvue d’enseigne, enjamba quelques excréments pour atteindre le rideau en loque synthétique qui servait de porte et entra. C'était un bâtiment d'habitation classique. Plutôt bas : une trentaine d'étages à vue de nez, peut-être plus vu comme c’était bas de plafond. Il avait dû être rouge un jour. Aujourd’hui il alternait un mélange de diverses teintes de gris, quelques restes d’écailles rouges et des trous noirs béants à la place des fenêtres. Vu les restes de tentures qui flottaient sur les hauteurs, je dirais que la pesanteur artificielle tenait à peine les dix premiers étages. A l'intérieur, des appartements autour d'un hall central et d'un ascenseur en plexi. Normal sauf que dans un endroit civilisé il aurait depuis longtemps été démoli et recyclé. Maelie et moi, on hésita puis elle suivit le patron dans un dédale de couloirs. Moi aussi. En aucun cas, je serais resté seul.

Je rattrapai Maelie au milieu d’un escalier métallique descendant au cœur de la station et lui pris le bras : »Tu sais où on va ? » Lui soufflai-je.

« Non, je me contente de suivre le patron »

Normal. Il y avait une lueur en bas et une sorte de ronronnement de ventilateur médiéval puis, d’un coup, une sonnerie stridente se déclencha.

Nanti éleva la voix par-dessus ce boucan infernal. « Arrête ça Muro, c’est moi. »

La sonnerie perdura encore une bonne minute puis le calme revint. Un petit bonhomme passa la tête par l’embrassure d’une porte au bas de l’escalier.

« C’est toi Siaro ?

- Nanti

- C’est vrai, j’oubliais. »

On suivit Nanti dans une pièce bien aménagée. Une sorte de banquette lit dans un coin. Une petite table, une kitchenette mais surtout trois murs entiers recouverts d’écrans avec un pupitre de commande qui n’avait rien à envier à celui d’un vaisseau croisière.

Hé bien, il ne fallait pas se fier aux apparences extérieurs. Ca, j’aimais

Je sifflais entre mes dents ce qui attira l’attention de l’homme.

« Mérino » me présenta Nanti « et Maelie » ajouta-t-il en la désignant.

« Ouhai » dit l’homme sans se présenter à son tour. Pas grave, j’avais noté son nom quand Nanti était entré : Muro. A notre retour sur le potentiellement innocente, je ferai des recherches sur lui si Nanti ne m’en disait pas assez.

« Quand je t’avais dit que tu n’avais qu’à venir, je plaisantais. Faut pas croire les bobards de stations libres. Tu ne vis ici qu’en graissant quelques pattes et à coup de pot de vin aux gangs du coin. Moi, je paie en information.

- J’ai cru le comprendre » dit Nanti. « Pas mal ta planque.

- On fait aller, au moins l'espace est pas cher. Pas facile de se cacher de nos jours. J'ai dû tout reprendre à zéro quand Fuisso Mal a pris la direction de la station F34. On se planque pas dans une station dirigée par un sorcier. Et puis, je suis tombé ici. C'est pas le paradis mais on survit si on évite de se faire remarquer. Tu as eu de la chance de ne pas rencontrer les hyènes, jamais ils ne t’auraient laissé passer, surtout avec une fille.

- On les a rencontré. »

Muro fit les yeux ronds

« Je ne veux pas savoir ce que tu leur as fait mais tu risques d’avoir des problèmes et moi aussi. Il y a intérêt qu'aucun de ces gars t'aie suivi jusque chez moi. »

Nanti lança encore son regard spécial reproche à Maelie qui eut le bon ton de ne pas en rajouter une couche puis il s’assit sur la banquette qui était apparue après quelques réglages du dénommé Muro.

« Tu me montres ce que tu as pour moi de si captivant que tu ne pouvais me le transmettre sur le réseau.

- Jamais tu ne me verras transmettre quoi que ce soit, même la plus insignifiante anecdote sur le réseau si ça concerne Valence. Ces rapaces surveillent tout.

- N’exagérons rien » dit Maelie.

« Ma mignonne, sache que si je suis encore vivant ici, c’est parce que j’ai dit au revoir à ce type de propos naïfs.

- Et parce que je ne t’ai pas dénoncé » précisa Nanti

« Exact ». Il se tourna vers Nanti. « C’est ta fille ?

- Non » se contenta de répondre Nanti.

Muro fit un grand sourire à Maelie « Charmante. »

Houla, c’était pas une façon de parler ça. Je me devais d’intervenir : « Elle a quatorze ans !

- 15 » rectifia inutilement Maelie

« Et moi à peine 23. »

Quel vieux dégoûtant. Et Maelie qui ne disait rien, pire, elle souriait.

« File nous tes infos » dit Nanti

Muro récupéra ses données, les dirigea sur plusieurs écrans, attrapa un boîtier de contrôle d’une main et une chaise de l’autre et s’assit à coté de nous à cheval sur sa chaise les bras croisé sur le dossier.

Satellite braqué sur un village nommé Kirénos. Envoie ordinateur. C’est Une sorte de hameau regroupant les exploitants des terrains d’un seigneur terrien du même nom sur la belle d’été.

L’image ne montrait ni un village ni un propriétaire terrien mais une jolie petite blonde un panier à la main au milieu d’un nid de verdure.

« L'ordonnance Saline, la petite princesse de Valence » reconnus-je immédiatement

« Ca a été pris quand ? » dit Nanti

- Il y a une semaine.

- Et où était l’Impérium il y a une semaine

- Trop loin » se contenta de dire Muro.

Alors le patron avait raison, la petite Saline pouvait se téléporter. Il y avait de l’info là, fallait absolument que je sois le premier à diffuser ça aux collègues.

« Sur la belle d’été. Pourquoi pas, c’est logique, les planètes regorgent maintenant de coins discrets.

- Tu en as trouvé d’autres depuis ?

- Oui, apparemment ton oiseau se serait abonné au pique-nique planétaire.

- Tu es un as Muro.

- Tu peux le dire, les données planétaires ne se piratent pas facilement. Après, simple croisement de données grâce à une reproduction 3D du modèle. Facile, ce n’est pas le genre de miss qui passe inaperçue en plus, un as dans ton genre aurait dû y penser, ce village touche quasiment une ancienne propriété de Valence, une petite merveille détruite il y a quelques années par des bombardements.

- En effet, je resitue. »

Alors c’était la petite princesse qui était dans le coup. Elle avait changé par rapport à la projection de la fête de l’été. Sa coiffure était plus simple, sa tenue aussi mais elle avait toujours ce petit air mutin.

Si je comprenais bien, Nanti cherchait à la localiser afin de savoir où elle avait pu emmener Martel. Il ne s’était pas résolu à imaginer que c’était Mélanie la responsable et il semblait avoir raison.

- Je ne suis pas un expert en math astrale mais c’est pas avec une navette qu’elle a pu se faire un petit aller retour jusqu’à la belle d’Eté. » dit Muro

- C’est une téléporteuse. Et il semblerait qu’elle ne veuille pas que ça se sache. » dit Nanti. Ca ne lui ressemblait pas de lâcher tant d'infos. L'exaltation du moment sans doute.

- Et la cible deux ? » Coontinua Nanti.

« Aucune concordance planétaire pour Mélanie. Du moins dans le temps imparti. » Ok, Nanti vérifiait l’emploi du temps des deux filles, il ne laissait rien au hasard le patron.

Il n'y avait plus qu'à aller voir sur place. C’était pas gagné, en plus, le visa touristique pour la belle d’été sans Martel c’était pas pensable.

Nanti fixait Muro.

Ce dernier continuait à parler. « J’ai suivi la princesse sur plusieurs caméras avant qu’elle ne sorte du village par cette route ». La photo de Saline passa sur un écran secondaire tandis qu’un plan de la région apparaissait au centre. « Elle se dirigeait vers l’ancienne propriété de Valence. Elle a fait plusieurs fois le chemin dans la semaine.

Elle s’est aussi dirigée sur une route secondaire menant au château du seigneur terrien.

- Elle a eu un rapport direct avec ce seigneur ?

- Impossible à dire, toutes ces zones, que se soit au niveau de l’ancien palais ou de la résidence du seigneur sont privées. Inaccessible par le satellite.

- Par quels techniques ?

- Brouillage.

- Tu ne peux pas craquer les sécurités du satellite et déverrouiller le brouillage ?

- C’est ça oui. Et puis je demande au satellite de se fabriquer des bras télescopiques pour me ramasser des noisettes.

- Tu n’as rien vu d’autres. Des allées venues, d’autres personnages importants ?

- Hé, n’exagérons rien, je ne me suis pas amusé à tout visionner. Je me suis contenté d’entrer les caractéristiques de la princesse et demander à l’ordinateur de me donner les images présentant une similitude.

- Je comprends le concept. Donc, si je te donne une photo de quelqu’un, tu saurais me dire si il apparaît sur les vidéos satellites.

Oui, enfin, l’idéal est d’avoir plusieurs photos ou vidéos sous divers angles afin que l’ordinateur reconstruise un personnage virtuel.

- Maelie, photos ».

Maelie sortit de sa poche une carte mémoire qu’elle envoya à Muro.

« Merci » dit-il en l’insérant dans le boîtier de contrôle. Une dizaine de photos apparurent sur différents écrans. Je me reconnus sur l’une d’elle. Je ne l’avais jamais vu celle-là. Maelie avait dû la prendre à mes dépends. J’avais une tête à faire peur et Martel se foutait de moi.

« Le plus jeune » dit Nanti pointant Martel du doigt sur une autre photo.

« J’insère » dit Muro.

C’était un jeu d’enfant selon lui mais ça lui prit une bonne heure pour enregistrer un profil de Martel et lancer le programme. Tandis que le programme faisait les recherches, il se décida à faire preuve d’un semblant de curiosité.

« Tu cherches quoi exactement à part des ennuis ? »

Nanti ne répondit pas de suite. « C’est un de mes gars » finit-il par dire. « Il a disparu. Je soupçonne une téléporteuse d'y être pour quelque chose. - D’où ta demande de vérification de situation de Mélanie et Saline.

Hum. Un conseil : Si Valence a mis le grappin dessus, quelque soit la raison, renonce.

- Je ne laisse jamais tomber un équipier.

- J’étais sûr que tu dirais ça.

Il fut interrompu par un tintement discret. « J’ai ton oiseau numéro 3». dit-il. Il lança un nouveau programme et deux hommes apparurent à l’écran traînant un troisième. Ils étaient de dos un quatrième suivait.

L’image disparut.

« La suite » dis-je.

« Pas de suite, on n’arrive dans les zones privatives

Ca c'est de la bécane » dit Muro en caressant ses machines comme si c'étaient ses maîtresses. « Admire la technologie pour faire le rapprochement entre tes photos et ce demi cadavre.

- Tu n’as pas d’autres vues ?

- Le programme cherche toujours.

- C’était il y a combien de temps ?

- Une semaine »

Nanti fit la grimace. Je pense que moi aussi.

J’ai autre chose » dit Muro après un nouveau tintement. Il afficha une nouvelle séquence.

On voyait Martel serrant contre lui un homme corpulent en sous vêtement

Muro siffla entre ses dents, remis en arrière et repassa la bande plusieurs fois.

Ca sent bizarre ici. Je reniflais. Ca sentait le cramé.

Muro renifla à son tour. « Merde » dit-il en s'engageant dans l'escalier avant de revenir à toute vitesse. Le bâtiment brûle.

Tu déconnes là ? Un bâtiment, ça brûle pas comme ça. Quoique, ces ruines n'étaient peut-être même pas aux normes anti feu. Mais il n'avait pas l'air de plaisanter. La fumée arrivait. J'aurais tendance à penser logiquement qu'il fallait éviter de passer par l'escalier. D'un autre coté. C'était la seule issue et plus on attendait moins elle serait praticable.

Nanti mit fin à mes hésitations en me poussant dans le brouillard. Je ne sais pas trop qui passa en premier et qui suivit qui. On ne voyait rien, l'escalier était brûlant. Je toussais, je pleurais et j'arrivais en haut en suffocant traversant à l'aveuglette le hall pour enfin inspirer avec fougue une gorgée d'air vicié de la station. Ce fut d'ailleurs ma seule inspiration car je me sentis partir en arrière et ne fus retenue que par un bras bien trop serré autour de mon cou.

« Si tu fais un geste, ton pote est mort. »

Ca tombe bien, je ne comptais pas bouger. Mais je compris que ce n'était pas à moi qu'on parlait. Moi, j'étais le pote en question qu'on menaçait de tuer. Pas sur que j'apprécie le rôle.

« Je crois que c'est le moment de te demander ce que tu as fait exactement aux hyènes ? »

Muro était d'un calme exemplaire, bien droit, les bras en l'air, préférant regarder Nanti plutôt que les flingues pointés sur lui.

Nanti était dans la même positions sauf qu'il avait repéré le petit chef de gang pour négocier : « Vous nous relâchez, on s'en va et vous ne nous voyez plus jamais. Pas d'embrouille ».

Grosse erreur. De la part de Nanti, c'était étonnant. Ces genres de petits looseurs adoraient les embrouilles. Sans doute Nanti n'avait-il pas une grande habitude de cette mauvaise graine. Comme quoi, c'est utile de traîner dans les quartiers des astroports durant les permissions.

L'emprise autour de ma gorge se resserra. Je n'aimais pas du tout la tournure que prenaient les événements. Ils étaient un peu trop nombreux à mon goût. Outre celui qui ne voulait pas me lâcher, le chef qui faisait son fier au milieu, je comptabilisais deux mecs avec des flingues, trois autres un peu plus loin. Un autre qui sautillait en tout sens dans l’espoir d’attraper mon drone qui s’était mis hors de portée, sans doute poussé par l’activation d’un des rares systèmes de sécurité encore en place et une petite foule grossissante qui se rassasiaient du spectacle dans un brouhaha incompréhensible.

Maelie regardait Nanti avec un petit air de chien battu. Difficile de dire si ça voulait dire : désolé patron, je n'aurais pas dû me faire remarquer, je m'en veux. Ou s'il te plait patron, puis-je tous les exterminer. Connaissant la bête, je penchais pour la deuxième hypothèse

La suite s’est passée un peu vite pour moi. Muro a sorti un flingue de je ne sais où et a tiré en plein dans la tête de celui qui me tenait. Il est tombé en arrière et moi avec mais j’ai réussi à me jeter sur le coté et éviter la soupe qui avait été sa tête. Nanti aussi a tiré. Il y en a un qui s’est jeté sur moi et j’ai frappé. Je me suis lancé à corps perdu dans la bataille et je ne me suis pas trop mal débrouillé.

J’en ai même envoyé deux au tapis. Bon, pour le deuxième, Muro m’a aidé à le finir. Nanti en a allongé trois à lui seul. Les autres se sont tirés. Une fois que la bataille eut pris fin faute de combattant, Maelie est sortie d’un coin sombre en souriant. Nanti lui a jeté un de ses yeux qui tue. Elle a pris vraiment l’air d’une petite fragile et a dit : « Moi, j’ai rien fait ». Il lui a dit qu’elle était consignée.

Elle a dit : « mais… » Et a eu le bon sens de ne rien ajouter. De toute façon elle a été distraite par la foule qui a commencé à s'exciter. Ils avaient commencé par reculer pour admirer le spectacle et je suppose que ça ne leur a pas plu car ils se sont mis à nous invectiver. « On se casse » a proposé Muro et ça m'a paru une bonne idée. On s'est mis à courir mais il y a du monde qui nous a barré le passage et je me voyais mal faire marche arrière. « On est mort » a dit Muro.

Le patron a regardé Maelie qui souriait d'un air de victoire. « Oui tu peux faire quelque chose » a-t-il dit.

Elle ne s'est pas fait prier. Elle a dessiné dans l'air et il y a une brume noire qui s'est élevée puis, sur un geste de ses bras, l'ombre s'est jetée dans la foule devant nous. Ca a gueulé puis couru dans tout les sens et Muro a tenté de fuir aussi mais Nanti l'a rattrapé et lui a ordonné de nous suivre. On a foncé dans le tas. Il y avait des ombres bizarres et du brouillard épais mais je commençais à m'y connaître assez pour savoir que ce n'était que des manoeuvre de diversion. Le sorts de Maelie, plus c'est grand et impressionnant moins c'est dangereux. Arrivé à l'astroport au milieu du tumulte le gardien nous a agressé verbalement en nous lançant qu'il nous sommait de partir immédiatement et de ne plus remettre un pied sur la station. Ca tombe bien, c'était aussi mon intention.

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