mardi 27 novembre 2007

Chapitre 14

14

26/07/3023 Datation légale de Valence.

18H00 / 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

15H20 /25 : horaire de Valence

J’ai demandé le chemin pour obtenir des accréditations. Il y a des bâtiments administratifs mais c’est à l’autre bout du vaisseau qu’on m’a répondu. Il faut prendre le tunnel qu’on m’a dit et ensuite il devrait y avoir un moyen de transport.

Nous avons fini par découvrir des sortes de navettes dans un tube transparent sous la surface du vaisseau. On y est entré. Il y avait une sorte de tableau de bord, juste quelques boutons. J’ai appuyé sur celui ou il y avait écrit administration car on m’a dit que c’était là que je pourrais trouver des accréditations.

La navette s’est fermée puis elle est partie dans le tube. A travers la vitre, j’ai vu le plus beau du vaisseau. Le tube traversait des salles des machines, une merveille de technologie ultramoderne. Des joyaux mécaniques ronronnant de bonheur, bichonnés par une vingtaine de mécano. Magnifique. La salle des machines a disparu et la navette s’est éclairée tandis qu’on traversait une zone donnant directement sur l’espace sous le vaisseau pour ensuite pénétrer à nouveau dans les entrailles du monstre. Pendant un instant, je me suis dis que je voudrais vivre là tant toute cette mécanique était belle. Je persiste à penser qu’ils mettent quelque chose dans l’air pour nous donner ce genre d’idée. D’ailleurs ça sent bizarre partout. Même au cœur du vaisseau, ça sent la nature.

Maelie a encore disparu. Elle n’a pas pu aller bien loin. La navette est cloisonnée. Je retiens ma respiration pour supprimer tout bruit autour de moi dans la navette silencieuse et je cherche à percevoir le cliquetis de ses boucles d’oreille. Elle finit par se matérialiser juste devant moi et me fait sursauter. Pourtant, je m’y attendais.

« Tu ne m’as pas trouvé » dit-elle.

« Maelie, je n’ai pas envie de jouer.

- Je ne joue pas, je m’exerce à dissimuler les sons. Elle secoue la tête faisant tinter ses boucles d’oreille. Petit à petit le bruit métallique diminue jusqu’à disparaître complètement alors qu’elle continue de secouer la tête. Flippant.

« Le plus dur dit-elle, c’est de gérer le tout, le bruit, la vue, le magnétisme, la chaleur corporel, le brouillage radar.

Tout en disant ça son image disparaît progressivement sa voix se fait plus légère puis disparaît à son tour. Martel sourit. On ne passe pas de l’aversion à une telle complicité en deux jours sans raison. C’est vraiment louche. Faudra que je les surveille tous les deux. Il fixe un coin de la navette puis son regard se déplace. Je suis le mouvement de ses yeux. Il s’arrête à nouveau se fixe et ébauche un sourire.

Je me jette sur l’endroit qu’il regarde avec tant d’attention. Maelie crie et apparaît dans mes bras.

« Comment m’as-tu trouvé ? s’exclame-t-elle.

« Non ne dis rien, je vais trouver. Tu ne m’as pas vu, ça j’en suis sur. C’est le bruit mais pas les boucles d’oreille. Je suis sur d’avoir réussi à l’occulter totalement, ni les pas, ça j’ai l’habitude. Sur du métal c’est facile. J’ai du marcher sur un truc qui a fait un bruit différent. Elle se met à quatre pattes cherchant sur quoi elle aurait pu marcher.

« On arrive » la navette ralentissait. Je n’avais aucune envie de lui dire que je l’avais trouvé en suivant le regard de Martel. Pas avant de savoir comment ce gosse arrivait à déjouer les tours de Maelie, c’est que le truc, il n’allait pas le garder pour lui.

Si j’ai bien compris le plan du vaisseau le village, nous étions passés de la périphérie du cercle à son centre par la navette. Le centre ressemble un peu plus à un espace civilisé. Les bâtiments sont plus grands et atteignent presque des tailles d’immeubles d’une petite base spatiale d’environ vingt à trente étages mais toujours dans ces matériaux marrons bizarres entrecoupés de fresques rouges. Pas fiable.

D’après Martel, c’est du bois comme ce dont est fait les arbres. Je ne suis pas si sur. Le tour des arbres est plus rugueux, je l'ai vu dans un documentaire sensoriel et ce matériau est lisse.

Je prends les devants et passe sur un pont. Dessous, il y a une masse d’eau considérable. C’est plus bruyant ici. Il y a une cascade ou de l’eau se déverse sur la hauteur de deux étages sans discontinuer. Jamais vu un tel gaspillage de matière première. On pourrait faire vivre une base spatiale entière avec une telle réserve d’eau. Ca sent moins bon ici. Je commence à me demander si on n’approche pas de la station de recyclage des déchets. Je retire vivement ma main de la rambarde du pont. Je l’ai senti bouger. Maelie crie. Ca se transforme se contente de remarquer Martel. En effet, les moulures de la rambarde du pont ont changé de formes, de même les balcons rouges des fenêtres ont disparus pour réapparaître d’une architecture différente.

« Quel foutage de gueule, je t’en donnerais du naturel moi. C’est plein de champs de force solide ici. »

Un homme nous interpelle et nous fait signe de le rejoindre. Je m’exécute. De toute façon, je n’ai aucune envie de rester sur ce pont qui risque de disparaître n’importe quand nous projetant deux étages plus bas dans une telle masse d’eau qu’on pourrait se noyer dedans.

« Vous ne pouvez pas faire attention » nous dit-il dès qu’on arrive à sa hauteur, « ce secteur est en cours de transformation, interdit au public.

- Faudrait prévenir.

- Notre indicateur lève les yeux sur le faux ciel au dessus de nous. Vous ne l’avez pas senti ?

- Sentir quoi ?

- Vous êtes des extérieurs » dit-il avec dédain « Les espaces interdits sont segmentés par des odeurs spécifiques. »

Ha oui bien sur, voila qui n’est pas tordu. Si je comprends bien, là où ca pue faut pas aller. Ils conditionnent les gens à l’odeur, je m’en doutais.

« Et quel odeur faut-il suivre pour faire valider ses accréditations ? » ironisai-je.

Il me désigne un bâtiment. « Les lieux administratifs ont un code olfactif entre 23 et 30 » me dit-il.

Voila qui me renseigne tout à fait. Je ne vais pas lui demander à quoi correspond les codes 23 à 30, d’abord, je m’en fous et en plus, je ne vais pas m’éterniser. Je vais plutôt suivre la direction de son doigt, ça, je sais faire.

L’intérieur du bâtiment en question ressemble enfin à quelque chose. Bourré de monde trépignant d’impatience malgré la musique douce, des dizaines de petits bureaux où s’agglutinent des files d’attente. L’administration à quelque chose d’immuable, elle résiste au temps et l’espace fidèle à elle-même. Les dirigeants peuvent changer, des guerres éclater, les siècles succéder aux siècles, l’administration reste sans jamais évoluer. Au moins ça fait un point d’ancrage.

Je tentai de débattre de ce point de vue avec Martel qui trépignait d’impatience. A Maelie, je m’étais contenté de lui dire : « tu n’avais qu’à rester sur le potentiellement innocente » dès ses premiers signes d’impatience et elle eut la présence d’esprit de ne pas en rajouter.

Enfin on appela Martel. Je vis le garçon endosser en un dixième de seconde le rôle du parfait petit planétaire pédant qu’il maîtrisait maintenant à la perfection et s’approcher du bureau.

« Je suis Martel du clan d’Oxis de la Belle d’été. Dit-il selon sa fausse identité habituelle « Un souci avec mon vaisseau. Quand j’ai voulu franchir la barrière de la Belle d’été, on l’a repoussé arguant du fait qu’il n’avait pas d’autorisation planétaire. »

En général, rien que le fait de se désigner comme planétaire et de la belle d’été en plus, suffit à s’attirer toutes les faveurs. Ici ce titre n’attira qu’un haussement sceptique de sourcil gauche.

- Et le vaisseau était déjà entré précédemment sur la belle d’été ?

- Evidemment, il y retourne au moins trois fois par an pour l’entretien, le ravitaillement et le chargement de marchandise.

- Quel est son nom ?

- Le potentiellement innocente

L’homme ne répond pas se contentant suivre des yeux je ne sais quoi sur ses lunettes. Evidemment, les administratifs ne s’embarrassent pas d’ordinateurs, même le fonctionnaire de base à un écran neural et sans doute relié à l’ensemble du réseau informatique. Quand je pense à ce que le Maître Nanti a dépensé juste pour l’implant de pilotage d’Echo

Encore du gaspillage ça.

- Aucun vaisseau nommé le potentiellement innocente inscrit en code planétaire. Le seul que j'ai est propriété d'un certain Siaro.

Martel hausse encore d'un ton «Oui, il travaille pour nous depuis plus de deux ans. Alors même son contrat de travail a disparu maintenant, vous ne pouvez pas faire attention à vos dossiers ? Bon, bref,

Ce que je veux savoir c’est comment remédier au problème. »

Il est vraiment convaincant. Il m’épate tous les jours un peu plus ce gosse mais ça m'étonnerait que ça suffise.

« Il n’y a aucun enregistrement de passage d’un potentiellement Innocente dans les archives de la belle d’été. »

Martel nous sort un autre super soupir d’agacement dont devrait déposer un brevet de fabrique. « Cherchez à Eclair blanc, il vient d’être renommé »

L’autre repart dans ses mouvements d’yeux dans le vide. « Eclair blanc, dernier passage janvier 3023, en cours de changement d’identité, ensuite, plus de nouvelle. En effet, il y a un problème.

Vous avez vu ça avec la base satellite de la belle d’été ? »

On y avait pensé. On du moins Echo l’a suggéré à Nanti qui a refusé pensant qu’ici se serait plus facile d’embobiner les fonctionnaires.

« Oui, j'ai vu ça avec eux. Ils m’ont dit que les planètes étaient gérées par Valence et que je n’avais qu’à voir ça ici. »

Le fonctionnaire lève l’autre sourcil.

« Foutaise » dit-il.

« Vous allez me faire croire qu’ils m’ont envoyé jusqu’ici alors qu’ils auraient pu le faire là bas ? » C’est qu’on le croirait vraiment en colère le Martel. Il a fait fort le patron. Faudra qu’il me dise comment il arrive à préparer des coups comme ça et Martel est extraordinaire comme acteur.

Par contre, l’autre, ça ne lui fait ni chaud ni froid.

- Oui ».se contente-t-il de dire

Martel se déchaîne dans son attitude offusquée, s’apprête à crier, se reprend, croise les bras et soupire encore. « N’en parlons plus, refaite moi une accréditation vaisseau » dit-il en sortant les codes du potentiellement innocente. « Ca suffira.

Le fonctionnaire fait glisser une puce électronique. Remplissez ça pour vérification ainsi qu'un test ADN homologué pour prouver votre identité et ensuite celui-là pour prendre rendez-vous pour le contrôle technique.

- Contrôle technique ?

- Ben oui, bien sur, pour assurer que le vaisseau est apte à passer en atmosphère.

- Evidemment qu’il est apte, je ne vais pas risquer mon équipage à griller avant l’atterrissage.

- Votre équipage peut griller, ce qu’on vérifie, c’est qu’il ne dégage aucun substance polluante et n’a aucune perte qui pourrait endommager les écosystèmes planétaires ». Il hésite à continuer. « Vous êtes sur que vous aviez l’accréditation vaisseau ?

- Evidemment.

- Alors vous devez connaître cette procédure, la visite ce fait régulièrement.

- A vrai dire, jusqu’à l’année dernière, c’est mon père qui se chargeait de ça. J’ai pris sa suite il y a six mois. »

Martel est moins assuré mais c’est pas mal joué. Le fonctionnaire semble y croire. Il a les yeux dans le vague, sans doute communique-t-il avec l’ordinateur central.

« Il me faudrait aussi des visas pour le personnel.

- Ca, vous les demanderez directement sur la belle d’été.

- Et comment si je n’ai personne pour poser le vaisseau ?

- Vous avez changé tout le personnel depuis votre dernière visite ?

- J’ai changé les deux pilotes et un atterrissage planétaire ne se fait pas avec n’importe qui.

- Vous êtes originaire de la belle d’été ?

- Evidemment.

- Alors, Commencez par vérifier les normes du vaisseau, transmettez le bilan au central, remplissez le formulaire, ajoutez y le test et le dossier sera traité et envoyé au satellite administratif de la belle d’été. Sur le satellite, louez un pilote accrédité pour vous conduire sur la belle d’été où vous demanderez les visas pour votre personnel à votre administration de votre commune de naissance. Et n’oubliez pas les autorisations spécifiques pour la Sorcière. Visa spécifique si elle n’appartient pas à un clan planétaire sinon patch de suivi dit-il en pointant Maelie du doigt.

« Je, oui, bien sur. Non » rectifie-t-il, « j’ai des délais à respecter, je n’ai pas le temps en paperasserie et on a déjà vérifié mon identité. Je vous préviens, j’ai des clients très hauts placés sur la belle d’été et…

- Informez vos clients de vos soucis » coupa-t-il « et demandez leur de nous transmettre leurs besoins. Nous ajouterons leurs desiderata au dossier et cela pourrait en effet hâter la procédure.

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