lundi 3 mars 2008

Chapitre 40

40

02/01/3024 Datation légale de Valence.

9H/ 24 : horaire du vaisseau potentiellement innocente

Journal de bord du potentiellement innocente par Mérino

Nous sommes en route vers la station nomade des Rois du Monde, port d’attache de la flotte du même nom. Coordonnées masquées obligent, je n’ai pas d’information ni sur notre position ni sur nos déplacements mais suivant les informations du vaisseau, nous devrions atteindre l’orbitale aujourd’hui.

Maelie refuse ne fut-ce que de m’adresser la parole depuis que je lui ai annoncé qu’on avait un moyen de l’affranchir.

« Totalement faux, ce que tu as dit était que vous comptiez me vendre à un indépendantiste.

- Jamais je n’ai dit ça. On veut juste que tu prennes l’identité de sa fille.

- J’en ai déjà son prénom, ça suffit.

- Maelie, je ne te comprends pas. J’étais sûr que ça te plairait. Tu m’as dit que c’était ton rêve d’aller sur la Belle d’été.

- Oui mais dans mon rêve, je n’étais pas devenu la fille d’un indépendantiste.

- Mais c’est pour de faux. Juste un stratagème.

- Ha oui, parce que ça te plairait toi qu’on t’annonce que maintenant tu allait avoir des liens de parenté avec un mec au service de Valence ? »

Evidemment, vu comme ça, non pas trop. D’un autre coté, j’étais bien sous les ordres d’un ex profiler qui l'était peut-être encore un peu. « Pour sauver Martel, je serais prêt à la faire. »

Je lui avais coupé le sifflet là.

Elle fit un long soupir que j’interprétai comme une acceptation résignée de son sort. Ca tombait bien, l’orbitale était en vue.

J’avais déjà eu affaire à la flotte de guerre qui était impressionnante. La station était en conséquence. Difficile d’évaluer la taille de cet anneau qui tournait doucement sur lui-même en orbite autour d’un caillou de belle taille mais les vaisseaux arrimés semblaient tout petits. Pour une station orbitale, elle n’était pas immense mais cette station était nomade, ce qui voulait dire qu’il lui fallait des propulseurs conséquents pour sortir une telle masse de son orbite et la déplacer dans l’espace à une vitesse suffisante pour éviter de mauvaises rencontre.

Je culpabilisais encore plus en voyant ce beau petit monde. J'avais réveillé Nanti deux jours plus tôt à cause d'une crise de conscience. J'en étais venu à penser que si Mélanie nous espionnait, elle découvrirait aussi la cachette de la flotte indépendantiste et l'existence de Raisonnance. Nanti m'a engueulé parce que je l'avais réveillé et m'a répondu « tu penses bien que j'ai déjà pris des dispositions à ce sujet.

« Comment ? »

Sans doute la fatigue, je ne puis expliquer autrement son comportement mais le patron a répondu à ma question. « Parce que si elle tente de faire le moindre mal à n'importe lequel de mes contacts, toutes les informations que j'ai accumulées contre elles seront envoyés automatiquement dans la base de donnée de l'empereur Pantin. Ca fait partie de notre accord. Et maintenant tu es consigné » a-t-il ajouté.

J'en avais rien à foutre, j'étais soulagé. Il était fort le patron et il avait de sérieux moyens. C'était pas rassurant sachant que je serais peut-être obligé de prendre parti contre lui.

Nanti me réclama dans la salle des commandes. Je pensais que je devais aider Echo pour les manœuvres d’approches mais le patron me dit que l’IA de la station s’en occupait et qu’il avait à me parler.

« Maelie ? » me dit le patron dès que j'arrivais à ses cotés

« Je pense qu’elle est d’accord.

- Parce que tu ne fais que le penser ? »

Il y eut un choc. Le potentiellement innocente venait de s’arrimer automatiquement sur un emplacement précisé au vaisseau. Sauvé par le gong comme on dit.

C’était ma première fois sur une station indépendantiste. Il n’y avait pas de quoi être fier, tout ce qui avait été amoncelé ici venait de pillages mais je décidai de le prendre comme une expérience enrichissante et surtout un moyen de retrouver Martel. Je commençais à me laisser aller à espérer. Après un long moment à stagner, le plan se mettait en place. Plus que tout, j’imaginai la tête de Mélanie quand on aurait récupéré Martel. La puissante sorcière incapable de remuer le petit doigt pour faire autre chose que de nous supplier de l’aider tout en nous mettant des bâtons dans les roues.

Malha nous accueillit en personne. Tout comme le jour où je l’avais rencontré après notre excursion sur Kelly, il accueillit Nanti en le comprimant dans ses bras avant de lui faire une tape vigoureuse qui le projeta un mètre en avant.

« Comment vas-tu mon ami ?

- Mieux maintenant que tu m’as lâché. »

Malha sortit son rire tonitruant maison.

« Que me vaut l’honneur de ta visite dans ma modeste station ?

- Modeste n’est pas le terme que j’emploierais ». C’était parti pour les politesses. Nanti y avait mis les formes, nous étions tous là, reluisant de propreté à lui faire une haie d’honneur.

« Ha mon ami, viens que je te fasse visiter » dit le maître indépendantiste en passant un bras gigantesque autour des épaules de Nanti. De l’autre main, il nous fit un rapide salut général, puis avança la main vers Maelie « tope là le monstre. » avant de se retourner vers Nanti. « Elle a grandi. Sacrement mignonne. »

Déjà, en circonstance normale, Maelie n’avait pas d’humour. Je crus qu’elle allait faire un effort et lui frapper dans la main mais au dernier moment elle préféra croiser les bras.

Je ne pense même pas que Malha le remarqua déjà accaparé auprès de Nanti sur le récit de ses dernières prouesses guerrières.

Je ne sais pas pourquoi, très naïvement, j’avais vu le plan de Raisonnance telle une sorte de paradis pour tous. Maelie réalisait son rêve en étant affranchie, Malha émut rêvait d’une nouvelle enfant, et tous ensemble, main dans la main, nous tirions Martel des griffes de Valence.

Ok, c’était utopique. Maintenant, j’espérais juste que ce stratagème suffise à nous donner un laisser passer pour la Belle d’été à Maelie. Je laissais à Nanti le soin de faire des politesses. Nous n’avions pas été invité sur la station et ça me convenait fort bien. Je n’ai pas beaucoup plus d’atomes crochu pour les indépendantistes que pour Valence. Je décidai de mettre ce temps libre à profit pour visualiser les vidéos de Martel. Nanti avait dit que Raisonnance avait suivi sa trace à travers les caméras d’une ville proche et nous avait transmis les données avant notre départ vers la station indépendantiste. Depuis, j'essaie de les voir mais à chaque fois Nanti me trouve une autre occupation. Quand j'ai finalement trouvé le temps de les demander au potentiellement; le vaisseau ne m’a pas accordé l’autorisation d’accéder aux images. Qu’est-ce qu’ils avaient ces vaisseaux à n’en faire qu’à leurs têtes ?

« Cette limitation ne vient pas de moi mais de Maître Nanti » dit le vaisseau.

« Quoi ! Tu veux dire que Nanti les a visionnées ? » Il m'avait dit que non

« oui

- Et pourquoi a-t-il limité l’accès ?

- Il ne m’a pas donné de raison.

- Alors envoie les images.

- Le Maître Nanti est ton supérieur, s’il a refusé l’accès, je ne peux aller contre sa volonté.

- Tu te fiches de moi.

- Non. »

Je vais le tuer. Echo attrapa mon bras, empêchant mon poing de se défouler sur le tableau de commande.

« T’énerver n’arrangera rien.

- Le vaisseau bloque l’accès.

- Ce n’est pas le vaisseau, c’est Nanti.

- Le résultat est le même, c’est mon petit. Je veux voir s’il va bien. Il doit être tout seul, effrayé. Peut-être est-il blessé.

- Mérino, si j’ai bien compris, le souci n’est pas la santé de Martel mais de ceux qui l’entourent.

- Qu’est ce que tu racontes ?

- Ces vidéos peuvent faire penser que Notre petit Martel semble avoir pactisé avec des puissances pas jolies jolies

- Putain, que veux tu dire ?

- Il semblerait qu’il aurait eu certains comportements, qui laisseraient à penser que Martel aurait eu recours à un implant psychique.

Impossible « Que de mais et de si. Je veux voir ?»

- J'en ai un double » dit Echo, « je les ai récupéré avant que Nanti les voit. Si le patron l'apprend, il me tue. »

Echo m’envoya les images. On y voyait un Martel grelottant sous une tempête de poussière qui disparut dans un véhicule. D’autres images le montraient dans une rue d’une ville inconnue recouverte de poussières blanches. Echo me dit que c’était de la neige. Parait que c’est froid. Dans les dernières images il en était réduit à se chauffer les mains en soufflant dessus. Alors qu’il tournait la tête, j’aperçus son visage, balafré, rougi par le froid et sûrement par des coups aussi puis tout disparut.

« La suite Echo.

- Pas de suite. Raisonnance a transmis toutes les images de Martel dans des lieux publics. On le voit passer d'un espace privatif vers un espace public et la vidéo s'arrête nette au milieu d'un espace public comme s'il avait subitement disparu, hors il n'y a rien pour le dissimuler.

- Ca ne montre rien

- On peut imaginer que si il a disparu c'est qu'il s'est téléporté.

« Belle paranoïa » ou qu'un brouillage quelconque a bloqué la transmission

- Mais il y a aussi un léger brouillage

- Tu veux dire le genre de brouillage qu’effectue Maelie en superposant plusieurs Réalité afin de faire disparaître la nôtre ?

- Oui, ce genre là.

- Ou le genre qu'on retrouve quand il y a un problème du satellite ou des interférences climatiques ?

- C’est envisageable en effet. A vrai dire ça ne m'a pas choqué quand j'ai vu ça, c'est quand le patron a bloqué l'accès que je me suis dit qu'il devait avoir une raison alors j'ai réfléchis et...

- Nanti bloque tout et n'importe quoi, voilà la raison ». Il était tant de se dépêcher de retrouver Martel, l'équipage en venait à imaginer n'importe quoi. Echo admit qu'il s'était sans doute laissé emporté par son imagination. A tout hasard je lui demandai s'il avait interrogé Raisonance à ce sujet mais quand il avait visionné les vidéos, nous étions déjà trop loin de l'IA pour l'interroger sans passer par les relais comm.

Je retournai dans ma chambre et m'affalai sur ma couche. C'était pas des preuves mais ça concordait un peu trop avec les craintes dont m'avait fait part Maelie quelques semaines plus tôt et on savait déjà que Saline s'était procuré deux implants psychiques de hauts niveaux et que Martel avait été en contact avec elle.

Je me jetais la tête contre mon lit. Nous, il n'y avait aucune preuve, Martel n'aurait jamais fait ça. Il n'aimait pas la magie.

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